Critique

Partout les autres, de David Thomas : instantanés sur le vif

28 décembre 2022
Par Sophie Benard
Partout les autres, de David Thomas : instantanés sur le vif
©DR

[Rentrée littéraire 2023] Après Seul entouré de chiens qui mordent, dont la parution en poche chez Points est simultanée à celle de ce nouveau recueil, David Thomas sème une nouvelle fois, avec Partout les autres, ses microfictions sur la rentrée littéraire.

David Thomas n’est « peut-être pas le meilleur écrivain de [s]a génération » – c’est le narrateur de Partout les autres le plus proche de l’auteur qui l’écrit ! –, « mais ce qui est sûr c’est qu[‘il a] inventé un genre »

Car, s’il a déjà fait paraître deux romansUn silence de clairière (Albin Michel, 2011) et Hortensias (Stock, 2015) –, David Thomas est surtout (re)connu pour ses recueils de nouvelles. Recueils qui relèvent d’ailleurs plutôt de la collection de microfictions que de nouvelles, par la formidable brièveté de ces dernières.

Partout les autres vient ainsi compléter une liste déjà longue, après La Patience des buffles sous la pluie (Bernard Pascuito, 2009), Je n’ai pas fini de regarder le monde (Albin Michel, 2012), On ne va pas se raconter d’histoires (Stock, 2014), Le Poids du monde est amour (Anne Carrière, 2018), Un homme à sa fenêtre (Anne Carrière, 2019) et Seul entouré de chiens qui mordent (L’Olivier, 2021).

Partout les autres, de David Thomas. En librairie le 6 janvier 2023.©Éditions de l'olivier

Et ce nouveau recueil s’inscrit dans la lignée des précédents : parfois une demi-page, parfois quatre ou cinq, le plus souvent une et demi ou deux. Quelques lignes, donc, pour réussir à donner consistance à ses personnages, lieux et idées ; et le défi relevé à chaque fois, par un ton, un rythme, une texture.

Il y a ceux qui savent toucher leur nez avec le bout de leur langue et il y a ceux qui ne savent pas. Il y a ceux qui savent cracher les noyaux de cerises et ceux qui ne savent pas. […] Il y a ceux qui savent mépriser leurs tourments et ceux qui ne savent pas. Il y a ceux qui savent apporter une lumière dans leurs ténèbres et ceux qui ne savent pas. Il y a ceux qui savent vivre et ceux qui ne savent pas. 

David Thomas
Partout les autres

En exergue à Partout les autres, John Rambo – ni plus ni moins : « En ville, c’est toi qui fais la loi. Ici, c’est moi. » Un exergue comme un avertissement, donc. Car on s’attend, en ouvrant un livre, à voir se déplier un long film « d’auteur » ; mais David Thomas, lui, fait défiler les stories, comme sur les plus addictifs de nos réseaux sociaux. C’est court, percutant, et on se plonge, pour quelques secondes, dans l’intimité d’un personnage-narrateur de sa propre micro-histoire.

Alors on éprouve la nostalgie de revoir les lieux de l’enfance, on est frappé par la grâce d’une nouvelle idée de business juteux, on se confronte à « la tristesse dans ce qu’elle a de plus contemporain », on quitte les personnes qu’on aime ou qu’on aimait, on prend la mesure du bonheur que procurent leurs petits gestes quotidiens, on sauve la vie d’un condamné, on « parle de choses dont on parle dans les cafés ».

À vingt ans, quand tu as toujours les cheveux gras et que tu portes ni slip ni caleçon c’est que tu as choisi tes priorités. Ben c’était le genre de type à siffloter tout le temps, jamais peur de rien, la vie pour lui c’était une patinoire sur laquelle il faisait les figures les plus audacieuses. Ce type ne supportait pas l’eau tiède, il fallait que ça brûle ou que ça morde de froid. Moi je suivais.

David Thomas
Partout les autres

Et, comme sur Instagram, on croit s’occuper cinq minutes et on se laisse happer pour plusieurs heures par un David Thomas qui sait se montrer à la fois lucide, drôle, tendre, parfois dérangeant ou grotesque.

Partout les autres, de David Thomas, Éditions de l’olivier, 208 p., 18 €. En librairie le 6 janvier 2023.

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Article rédigé par
Sophie Benard
Sophie Benard
Journaliste