Avec ce nouvel opus, James Cameron offre une expérience cinématographique d’une ampleur encore plus spectaculaire que dans le premier volet. Le réalisateur canadien prouve que le genre du blockbuster n’est pas seulement l’apanage de l’action et de la technique. C’est aussi un vecteur d’émotions saisissantes. Une claque sensorielle et profonde.
Treize ans après le premier volet de la saga, la suite d’Avatar débarque dès aujourd’hui dans les salles obscures françaises. Intitulé La Voie de l’eau, le film de James Cameron nous replonge au cœur de Pandora, de ses forêts luxuriantes et de ses profondeurs aquatiques. Aux côtés de Neytiri (interprétée par Zoe Saldana) et de Jack Sully (Sam Worthington), on découvre des espaces inédits, mais aussi une nouvelle tribu de Na’vis, après que nos deux personnages et leurs enfants ont été forcés de quitter leur clan d’origine. Bien sûr, les humains sont de retour. Cette fois, ils ne sont pas seulement là pour piller les ressources de la planète, mais aussi pour la coloniser.
Du blockbuster au film d’auteur
Comme dans le premier volet, James Cameron développe ici des thématiques écologique, qu’il s’agisse de l’extinction de la Terre ou de la protection des océans. Très attaché à ce sujet, le réalisateur expose sous forme de film à gros budget, presque prophétique, des considérations sociales. Un sujet qu’il maîtrise depuis Terminator (1984), puis qu’il a concrétisé sous forme de documentaires dans les années 2000.
Avatar 2 est toutefois loin d’être un film militant, qui à coup de grands sabots, défendrait l’environnement et critiquerait le réchauffement climatique. La thématique écologique est seulement distillée au fil du long-métrage, dont l’histoire principale est avant tout celle de la famille, un sujet auquel James Cameron tient tout particulièrement en tant que père de cinq enfants. L’héritage, la transmission, les liens du sang, les liens adoptifs, mais aussi un certain système patriarcal, plus ou moins conscient, sont autant de manières pour le cinéaste de creuser ce sujet, à l’aide d’une variété de personnages.
Par ailleurs, si l’écologie est devenue le sujet de prédilection des films catastrophe ces dernières années, explorer la famille permet au cinéaste de se tourner vers un cinéma d’auteur. Là où Jake Sully découvrait le peuple des Na‘vis dans le premier volet, il est une nouvelle fois confronté aux coutumes du peuple auprès duquel il se réfugie. De plus, le film se fait récit initiatique en se concentrant tout particulièrement sur les enfants du couple.
Il est réalisé à leur hauteur, avec la naïveté, l’émotion, mais surtout l’humanité que cela implique. Pour les uns, il s’agit de faire ses preuves, quitte à se mettre en danger, tandis que d’autres vont se découvrir des capacités extraordinaires. En somme, un coming of age version SF, brillamment exécuté, qui témoigne d’une ampleur plus grandiose que le précédent volet en termes de personnages.
James Cameron : un conteur magistral
C’est dans ce mélange des genres – entre film d’action, pamphlet écologique et récit d’auteur – qu’Avatar 2 puise toute sa force et trouve un rythme inédit. Il ne s’enferme pas dans des scènes d’action, mais propose également des séquences intimes. Divisé en trois actes, il nous propulse d’abord dans un prologue saisissant qui, grâce au talent de narration de James Cameron, nous replonge dès les premières secondes aux côtés de Neytiri et de Jake Sully.
C’est comme si on ne les avait jamais quittés. La Na’vi a toujours cette force incandescente, une animalité féroce, qui crève l’écran à chaque fois qu’elle apparaît. De son côté, Jake Sully a pu finalement devenir le guerrier qu’il était destiné à être. Par ailleurs, le réalisateur prend son temps pour poser les bases de cette nouvelle aventure et nous raconter le parcours des personnages. Il orchestre des retrouvailles passionnantes avec ce couple de cinéma désormais mythique, ces extraterrestres à la peau bleue, dont la dynamique fonctionne toujours aussi bien.
À leurs côtés, leurs enfants catalysent la force du récit ainsi que son émotion, et fondent le cœur d’une deuxième partie contemplative, mais rythmée. Ce dosage favorise une écriture millimétrée, mais prouve surtout les talents de conteur de James Cameron. Le réalisateur parvient à insuffler dans son scénario des scènes aussi poétiques, au cœur de l’océan, qu’épiques au cours des batailles.
Celles-ci culmineront dans une troisième et dernière partie durant laquelle Cameron laisse exploser tous les enjeux d’un scénario maîtrisé et longuement développé. Un final fidèle à l’univers des blockbusters – qui parvient cependant à nous décrocher une (plusieurs) larme –, tout en concluant fidèlement la fresque familiale et romanesque qui vient de se jouer devant nous. Après plus de trois heures, il pose également des éléments capitaux pour la suite de la franchise.
Ceci montre à quel point la construction équilibrée du scénario, mais aussi de la franchise toute entière, a été brillamment pensée. À l’époque où les films grand spectacle s’attachent à développer des univers partagés en privilégiant l’action, Avatar 2 : la voie de l’eau démontre que les blockbusters ne sont pas obligés de faire l’impasse sur une écriture profonde des personnages et des enjeux scénaristiques plus intimes. Chaque opus est finalement capable d’offrir de l’émotion, sans oublier la rythmique du cinéma, tant qu’on y apporte du cœur.
Une claque visuelle
Évidemment, la capacité de James Cameron à maîtriser le HFR (High Frame Rate) – cette fréquence d’images élevée, plus rapide que la norme de 24 images par seconde – participe à construire l’un des meilleurs blockbusters de ces dix dernières années. En un film, le cinéaste enterre dix ans de « marvelisation » cinématographique. Les expressions des personnages sont parfaitement retranscrites sur grand écran. Le niveau de netteté est tel que, même si le film appartient au registre de la science-fiction, il témoigne d’un réalisme épatant et d’une beauté technique à couper le souffle, pour laquelle Cameron a dû inventer lui-même les outils nécessaires à sa vision.
Sans parler de la 3D. Si, avec le premier volet d’Avatar, James Cameron avait démontré qu’il en était le maître, une fois encore, grâce à sa maîtrise de l’image, le réalisateur prouve qu’il est un technicien hors pair, capable de développer une 3D de profondeur. Celle-ci est perceptible dans la mise en scène de l’eau, des couleurs et de la lumière, l’ensemble dégageant par ailleurs un sentiment total d’immersion, témoin de la générosité du réalisateur et de son sens de la précision.
James Cameron est un véritable chef d’orchestre. Non seulement en tant que narrateur, mais aussi en tant que technicien, deux éléments qui fondent la grandeur des cinéastes. Plus largement, Avatar 2 condense l’imagerie de sa filmographie, ainsi que ses sources d’inspiration tirées du cinéma des années 1970-1980. Au détour d’un plan, on reconnaît Abyss (1989) et Titanic (1997). Les machines – dont le design trop futuriste peine à convaincre – et le gros plan sur un crâne brisé rappellent évidemment la saga Terminator.
Avatar 2 : la voie de l’eau est d’une telle densité qu’en sortant de la salle, les spectateurs auront peut-être du mal à mettre les mots sur une telle prouesse cinématographique. Le film représente une véritable expérience de septième art dans laquelle Cameron parvient à mélanger spectacle et émotion, grâce à un tempo millimétré. Il connaît les rouages de sa mécanique et parvient à changer de registre grâce à une fluidité scénaristique bourrée de références.
Avec ce deuxième volet, le réalisateur a su offrir une suite non seulement convaincante, mais à l’ampleur décuplée. Visuellement époustouflante, elle captive nos sens et provoque des émotions étonnantes. Une claque spectaculaire et profonde, un blockbuster comme on en fait, finalement, qu’une fois tous les 13 ans.
Avatar : la voie de l’eau, de James Cameron, avec Zoe Saldana, Sam Worthington, Sigourney Weaver, Stephen Lang et Kate Winslet, 3h12. En salle le 14 décembre 2022.