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Dragon Ball Super: Broly – Le film qui fait trembler le canon de la franchise

13 mars 2019
Par Valérie Précigout (Romendil)

La sortie cinéma du nouveau long-métrage de Dragon Ball le 13 mars 2019 – Dragon Ball Super: Broly – ne célèbre pas seulement la production du vingtième film de la licence. Elle réhabilite surtout un antagoniste très apprécié des fans que l’auteur de l’œuvre originale décide de redéfinir pour l’inscrire dans le canon de la franchise !

Dragon Ball Super: Broly

Affiche de Dragon Ball Super: Broly © Tôei Animation

Avertissement : Dans la mesure où la dernière partie de ce dossier s’appuie sur certains éléments narratifs du long-métrage, nous vous recommandons une lecture post-visionnage.

Au-delà du film, la sortie du jeu Super Dragon Ball Heroes : World Mission sur PC et Switch le 5 avril prochain témoigne tout aussi bien de la capacité du phénomène Dragon Ball à s’ancrer dans le temps de manière pérenne. Mais le fait que l’œuvre d’Akira Toriyama ait su opérer un retour fracassant au point de tenir durablement le haut de l’affiche ne doit rien au hasard. Il est la résultante d’une stratégie plurale initiée par la mise en avant des deux longs-métrages post-2013 (Battle of Gods et La Résurrection de ‘F’), prolongée par la diffusion de l’anime Dragon Ball Super et sacralisée par le succès récent du jeu Dragon Ball FighterZ. Qu’on l’aborde par le prisme de l’animation, du manga (avec le développement de Dragon Ball Super sous la plume de Toyotarô), ou du jeu vidéo, l’actualité Dragon Ball n’a jamais été aussi florissante et méritait bien la mise en lumière d’une nouvelle sortie cinéma.

Broly dans le jeu Dragon Ball FighterZ

Broly dans le jeu Dragon Ball FighterZ © Bandai Namco

Du « hors-série » au « canon »

Pour comprendre le choix du personnage de Broly comme figure centrale de ce nouveau long-métrage, il faut déjà s’intéresser à ses origines. Imaginé en 1993 dans le cadre du huitième film de Dragon Ball Z réalisé par l’incontournable Shigeyasu Yamauchi, Broly n’avait alors bénéficié du concours de Toriyama que dans l’élaboration de son character design. En dépit de ses réapparitions dans les films 10 et 11, Broly n’était donc pas considéré comme « canon » dans le cadre de la franchise… jusqu’à ce que l’auteur du manga original ne décide de le dépoussiérer tout récemment pour lui faire tenir la vedette dans ce vingtième long-métrage. Et si, en l’espace de 25 ans, Broly a toujours bénéficié d’une popularité incontestable auprès des fans, c’est sans doute autant en raison de sa singularité de caractère que de son statut d’incarnation vivante de la surpuissance des Saiyans. Pourtant, si l’on compare le personnage tel qu’il apparaît dans les films réalisés entre 1993 et 1994 avec le Broly du nouveau long-métrage revisité par Toriyama, son traitement trahit bien des différences.

Croquis de Broly dans le film Dragon Ball Super: Broly

Croquis de Broly dans le film Dragon Ball Super: Broly © Tôei Animation

Broly, un antagoniste qui crève l’écran

Diffusé en mars 1993 au Japon dans le cadre de l’événement Tôei Anime Fair, le film Broly, le Super Guerrier pose les contours d’un antagoniste inédit qualifié de « Super Saiyan légendaire ». À l’instar des autres membres de la race des Saiyans (« saiyan » est un anagramme de « yasai » qui signifie « légumes » en japonais), le nom de Broly est dérivé de celui d’une plante potagère : le brocoli, tout comme Gokû (Kakarotto = « carrot ») ou Vegeta (« vegetable »). La tonalité du film se veut déjà plus sombre qu’à l’accoutumée, le monde entier ayant eu écho d’un mystérieux Saiyan ayant ravagé à lui tout seul la galaxie du sud. Curieux de mesurer sa force à celle de cet adversaire, Vegeta accepte de suivre un certain Paragus sans savoir que ce dernier compte l’utiliser pour bâtir le plus puissant empire spatial et se venger de sa famille. Une haine qui remonte à l’époque où, réalisant la puissance extraordinaire du fils de Paragus, le roi Vegeta avait ordonné leur exécution à tous les deux. Broly et Paragus avaient alors survécu uniquement grâce à l’instinct de survie du bébé et à son potentiel latent hors du commun. Doté dès sa naissance d’une puissance démesurée n’ayant fait que s’accroître en grandissant, Broly effraie jusqu’à son père qui a mis au point un dispositif lui permettant de contenir ou de libérer le potentiel de son fils selon son bon vouloir. Mais, au contact de Kakarotto, Broly fait montre d’une agressivité inhabituelle qui résulte d’une rancœur ressentie alors qu’ils étaient encore bébés. La simple présence de Gokû éveille l’instinct Saiyan de Broly qui n’attendait qu’une étincelle pour atteindre un stade de fureur incontrôlable digne d’un berserker. Il devient alors le Super Saiyan légendaire tant redouté et ne se calmera qu’après avoir tout réduit à néant. Dominés, tous réalisent leur impuissance tandis que Vegeta lui-même reste tétanisé d’effroi, pétrifié par une bataille qu’il sait perdue d’avance. Car rien ne semble pouvoir stopper la fureur destructrice de Broly, si ce n’est une collision de la planète avec la comète Kumori qui vaporise l’être hors-norme déjà sonné par le choc des énergies combinées de Gokû et ses compagnons.

Dragon Ball Z : Broly, le super guerrier

Dragon Ball Z : Broly, le super guerrier (1993) © Glénat

Dès sa première apparition à l’écran, Broly s’impose comme l’incarnation d’un fléau venu de nulle part pour châtier l’univers tout entier. Il est à la fois l’antagoniste ultime avec lequel nul ne peut rivaliser en raison d’un écart de puissance démesuré et la figure tragique d’un individu en proie à une fureur qu’il ne contrôle pas. On décèle déjà ici la nécessité d’humaniser peut-être un peu plus ce personnage qui ne gagnera pas en capital sympathie dans les films suivants.

1994 : deux films sinon rien

Bien que les circonstances de la disparition de Broly dans le huitième film de Dragon Ball Z restent pour le moins floues, le Super Saiyan légendaire s’incruste à nouveau en mars 1994 dans le dixième film de DBZ intitulé Rivaux Dangereux. La recherche des sept Dragon Balls conduit Videl, Goten et Trunks dans un village perdu au milieu des montagnes où des sacrifices ont cours pour apaiser la colère d’un monstre qui ravage la région. Cela fait sept ans que Broly est en sommeil, prisonnier des glaces, et les pleurs de Goten – giflé par Videl pour avoir voulu s’emparer d’une offrande – résonnent dans son esprit comme le souvenir des cris de Kakarotto qui l’avaient rendu fou lorsqu’ils étaient tous deux bébés. Les yeux révulsés de rage, Broly met à mal la résistance de ses nouveaux ennemis, sortant même indemne de la lave en fusion. Il se verra finalement terrassé par l’énergie cumulée de ses opposants à laquelle s’ajoute celle de Gokû qui se manifeste un bref instant depuis l’autre monde. À moins qu’il ne s’agisse du miracle des Dragon Balls ?

Dragon Ball Z : Rivaux Dangereux (1994)

Dragon Ball Z : Rivaux Dangereux (1994) © Glénat

Il ne faudra patienter que quelques mois de plus pour entendre à nouveau parler de Broly dans le onzième film de Dragon Ball Z en juillet 1994. Dans Attaque Super Warrior !, un scientifique peu scrupuleux a mis au point une petite armée de guerriers bioniques parmi lesquels se trouve un clone de Broly ressuscité par la biotechnologie. En extrayant un fragment du sang gelé du Saiyan, le Pr. Collie a redonné vie au pire fléau de l’humanité, au grand dam de Mister Satan qui se retrouve impliqué suite à un différend avec son cousin. Épaulé par C-18 qui compte bien récupérer la somme que Satan lui doit après lui avoir laissé la victoire lors du dernier tournoi, le champion du monde n’a aucune chance contre les Bio-guerriers. Déjà à l’honneur dans le film précédent, Trunks et Goten reconnaissent avec horreur la silhouette de Broly dans l’une des cuves, juste avant que ce dernier ne soit réduit à l’état de créature grotesque et informe. Non seulement l’antagoniste ne gagne pas de points de charisme dans ce nouveau film mais il finit simplement submergé par un raz-de-marée d’eau salée provoqué par un Kamehameha combiné de ses adversaires.

Dragon Ball Z : Attaque Super Warrior ! (1994)

Dragon Ball Z : Attaque Super Warrior ! (1994) © Glénat

La reconversion vidéoludique

Il n’est pas exagéré de penser que ce sont les incursions vidéoludiques du personnage de Broly qui lui ont permis de s’attirer durablement les faveurs des fans, et ce depuis sa toute première apparition dans le jeu Dragon Ball Z : Super Butôden 2 sur Super Famicom en 1993. Localisé en France l’année suivante sous le titre Dragon Ball Z : La Légende Saien, ce jeu de combat de qualité fut d’ailleurs le premier à inclure des personnages issus des films, rebaptisés parfois de manière folklorique. Aux côtés de Broly (renommé Tara dans la V.F. du jeu), on trouvait notamment Bojack (Kujila) et Zangya (Aki), deux adversaires spécifiques au neuvième film, Dragon Ball Z : Les mercenaires de l’espace. À noter qu’à l’inverse de la version européenne, Gokû et Broly n’étaient pas directement jouables dans l’édition japonaise du titre, leur déverrouillage nécessitant un code obtenu en terminant l’histoire des autres protagonistes.

Dragon Ball Z : Super Butôden 2 (1993)

Dragon Ball Z : Super Butôden 2 (1993) © Bandai

Figure incontournable de la grande majorité des adaptations vidéoludiques parues après 2004, Broly est à l’honneur dans plus d’une vingtaine de titres différents, à commencer par Budôkai 3, la série des Budôkai Tenkaichi ou celle des Shin Budôkai sur PSP. Omniprésent sur consoles portables et de salon, le Super Saiyan légendaire fera un passage obligé dans Burst Limit, Raging Blast, Ultimate Tenkaichi, Dragon Ball Heroes et bien d’autres, y compris parmi les jeux les plus récents.

Dragon Ball Z : Shin Budôkai (2006)

Dragon Ball Z : Shin Budôkai (2006) © Bandai Namco

Son ajout, en fin d’année dernière, dans Dragon Ball : Xenoverse 2 s’inscrit d’ailleurs directement dans le cadre du lancement du film Dragon Ball Super: Broly en s’appuyant sur la version du personnage redéfinie par Akira Toriyama pour ce nouveau long-métrage.

Dragon Ball Xenoverse 2 (Extra Pack 4 de 2018)

Dragon Ball Xenoverse 2 (Extra Pack 4 de 2018) © Bandai Namco

Quant au DLC payant proposé en mars 2018 pour Dragon Ball FighterZ, il n’embarque pas seulement Broly mais également une autre figure charismatique de l’univers de la licence en la personne de Bardock, le père de Gokû.

Bardock et Broly dans Dragon Ball FighterZ (DLC de 2018)

Bardock et Broly dans Dragon Ball FighterZ (DLC de 2018) © Bandai Namco

Au Japon, l’attraction Dragon Ball Z : The Real 4-D at Super Tenkaichi Budôkai lancée à l’été 2017 au parc Universal Studios Japan nous le présentait même en version « god », à grand renfort d’images de synthèse et d’effets 4D !

Dragon Ball Z : The Real 4-D at Super Tenkaichi Budôkai (2017)

Dragon Ball Z : The Real 4-D at Super Tenkaichi Budôkai (2017) © Universal Studios Japan

Dragon Ball Super: Broly

Présenté comme le prolongement direct des événements de la série Dragon Ball Super, le vingtième film de la licence se charge de repenser le personnage de Broly pour l’inscrire enfin dans le canon de la franchise. Réalisé par Tatsuya Nagamine, le long-métrage bénéficie de l’implication du créateur original de Dragon Ball, Akira Toriyama, responsable à la fois du scénario et du character design. Si le background de Broly se voit largement remanié, c’est parce que le maître souhaitait à travers ce film éclaircir certaines zones d’ombre entourant la relation entre Freezer et les Saiyans tout en rectifiant certains éléments relatifs à l’histoire du fils de Paragus. Le ressentiment qui lie Broly à Kakarotto suite aux pleurs de ce dernier disparaît également et Broly suscite nettement moins d’antipathie que dans les anciens films. Livré à lui-même sur une planète hostile, il n’est après tout que la victime des ambitions ce ceux qui redoutent sa puissance.

Dragon Ball Super: Broly

© Bird Studio / Shueisha © 2018 Dragon Ball Super The Movie Production Committee

Quarante et un ans avant le début de l’histoire, alors que le Roi Vegeta comptait sur son fils pour assurer la suprématie des Saiyans face aux ambitions grandissantes de Freezer, il réalisa qu’un autre nouveau-né de sa race disposait d’un potentiel latent défiant l’imagination. Craignant que celui-ci ne compromette ses projets, il ordonna que l’on envoie Broly sur une planète inhospitalière, sachant sa mort certaine. Paragus, le père de Broly, se lança alors immédiatement à sa recherche avec la ferme intention de se venger. Cinq ans plus tard, Freezer tend un piège aux Saiyans dans le but d’éradiquer leur monde, le père de Kakarotto ayant tout juste le temps d’envoyer son fils sur une planète peu évoluée afin que même cet enfant jugé faible au regard de son peuple ait une chance de survie.

Dragon Ball Super: Broly

© Bird Studio / Shueisha © 2018 Dragon Ball Super The Movie Production Committee

Tandis que les Terriens se lancent en quête des sept Dragon Balls, Paragus trouve auprès de Freezer un allié de poids pour assouvir sa vengeance. Grâce au dispositif permettant de canaliser la fureur de Broly lorsqu’il perd le contrôle de lui-même, ils n’auront qu’à se servir du jeune Saiyan pour parvenir à leurs fins. L’introduction d’une femme soldat dans les rangs de l’armée de Freezer contribue ici fortement à réhabiliter l’image de Broly en soulignant sa bonté profonde, ce que confirme son attachement viscéral à cette peau de bête liée à une autre blessure de son passé. Moins haïssable que dans les précédents films, Broly n’est finalement qu’une victime du destin manipulée à son insu par son propre père avant de devenir le jouet de Freezer. Et même s’il fait toujours preuve d’une rage quasi bestiale face à Gokû et Vegeta sous sa forme « full power », il n’est pas fondamentalement leur ennemi, comme le souligne très justement le dénouement du film.

Dragon Ball Super: Broly

© Bird Studio / Shueisha © 2018 Dragon Ball Super The Movie Production Committee

Non content d’inscrire officiellement Broly dans le canon de la franchise, le long-métrage en profite également pour faire de même avec le personnage de Gogeta qui avait marqué les esprits au travers du douzième film de Dragon Ball Z : Fusions puis dans l’anime Dragon Ball GT. Akira Toriyama valide ainsi cette fusion de Gokû et Vegeta sans les Potaras via un clin d’œil appuyé aux fameux ratés de l’apprentissage de la fusion par Goten et Trunks, toujours sous le regard anxieux de Piccolo. Ce qui n’était à l’origine qu’une création du studio d’animation se voit ainsi officialisé pour de bon, facilitant la logique transmédia de la franchise qui ne pouvait manquer d’incorporer la nouvelle transformation de Gogeta dans les jeux vidéo, les figurines et autres cartes à collectionner. Point d’orgue du long-métrage, le duel opposant Broly à Gogeta en Super Saiyan Blue conclut en beauté cet étonnant exercice de style dans l’histoire de l’animation de Dragon Ball.

Gogeta dans Dragon Ball Xenoverse 2 (Extra Pack 4 de 2018)

Gogeta dans Dragon Ball Xenoverse 2 (Extra Pack 4 de 2018) © Bandai Namco

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