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Les divertissements seront-ils bientôt créés sur mesure ?

24 novembre 2022
Par Marion Piasecki
Les divertissements seront-ils bientôt créés sur mesure ?
©metamorworks/Shutterstock

Aujourd’hui, les algorithmes peuvent déjà nous recommander toutes sortes de choses en fonction de notre profil et de nos goûts. Mais l’industrie du divertissement veut aller encore plus loin.

Plutôt manoir hanté ou jungle ? Fin romantique ou tragique ? Au-delà des algorithmes de recommandation, les entreprises du divertissement veulent utiliser nos données pour, avec l’aide de l’intelligence artificielle et de la réalité virtuelle, offrir des expériences uniques et calibrées pour chaque personne.

Des parcs d’attractions personnalisés

En septembre dernier se tenait à Londres le salon de l’Association internationale des parcs de loisir et des attractions (IAAPA, en anglais), où les professionnels peuvent voir les dernières innovations en la matière. Ils s’intéressent en particulier à une technologie pour enrichir leurs parcs d’attractions : la réalité virtuelle. Cette dernière permettrait d’ajouter plus d’interactivité pour les visiteurs, y compris dans les interminables files d’attente, et une expérience complètement personnalisée grâce à des algorithmes. « Il y aura de plus en plus de customisation pour les clients : tous les parcs sauront qui vient, leur nom, leur âge, probablement ce qu’ils aiment et ce qu’ils détestent, et pourront donc transformer le parc pour chaque visiteur. Chaque expérience visiteur sera différente et probablement adaptée directement pour ce visiteur, explique ainsi Maximillian Roeser, directeur marketing de Mack Rides, au Guardian. Nous avons déjà travaillé là-dessus, parce que nous avons déjà des options en alpha pour nos montagnes russes où l’on peut choisir sa propre experience : une personne assise à gauche pourrait regarder un film différent de la personne à droite. »

Un géant du divertissement s’intéresse à l’utilisation des algorithmes de recommandation de manière transversale : Disney. Fin octobre, le PDG Bob Chapek – depuis remplacé par Bob Iger – a donné une idée des ambitions de l’entreprise lors d’un événement organisé par le Wall Street Journal : « Si vous êtes sur Disney+, nous devrions savoir ce qui s’est passé, ce que vous avez fait, ce que vous avez aimé, la dernière fois que vous avez visité un parc [d’attractions] et vice versa. Quand vous êtes dans un parc [d’attractions], nous devrions connaître vos habitudes de visionnage sur Disney+. » En résumé, si quelqu’un fait une attraction Pirates des Caraïbes dans un parc Disney, son compte Disney+ lui suggérera de regarder les films et d’autres vidéos similaires. Tenir leur public par la main pour, toujours plus, leur dire quoi faire et quoi regarder.

Mick Mumpitz a réalisé un court-métrage d’animation uniquement avec des IA, que ce soit pour le scénario, les personnages ou les décors. Résultat : nous sommes encore bien loin de la qualité de vrais courts-métrages créés par des artistes.

Outre l’utilisation des données personnelles, l’intelligence artificielle a aussi lancé des polémiques en donnant la possibilité de créer des illustrations de plus en plus qualitatives à partir de quelques mots-clés. Ajoutons à cela les deepfakes, le clonage vocal et l’écriture d’histoires par intelligence artificielle, et il sera probablement possible de créer des films entiers à partir de mots clés ou de nos données personnelles d’ici quelques années. Amazon a récemment dévoilé la fonctionnalité « Create with Alexa » qui permet aux enfants de générer une courte histoire animée en choisissant un personnage, un décor et la tonalité de l’histoire. L’entreprise a affirmé que l’intelligence artificielle permettrait d’obtenir une histoire différente à chaque fois, même si l’enfant fait les mêmes choix.

De l’imaginaire collectif au contenu hyper-individualisé

On pourrait considérer que ce n’est que la suite logique de l’individualisation de la pop culture : quand les séries passaient à la télévision au rythme d’un épisode par semaine pendant des années, cela créait une réelle expérience collective et s’inscrivait dans son époque. Friends est par exemple considérée comme une série culte des années 1990 et 2000. Aujourd’hui, même si un groupe d’amis partage un compte Netflix, ils seront tous guidés individuellement par des algorithmes dans une jungle de contenu quasi-infinie. Ils peuvent donc regarder des séries complètement différentes et n’avoir jamais entendu parler de celles vues par leurs amis.

La multiplication des écrans amplifie cette individualisation au sein d’un même foyer : au lieu de regarder la même chose ensemble à la télévision, chacun regarde un programme différent sur sa tablette ou son téléphone.

Selon Andrej Karpathy, docteur en intelligence artificielle et ancien directeur de l’intelligence artificielle chez Tesla, « un jour nous parlerons des bons vieux films “faits main” et, à la place, la norme sera de regarder du contenu (infini) généré à la demande par des IA. »

Tout comme les algorithmes ont créé, sur les réseaux sociaux, des chambres d’écho, des bulles au sein desquelles tout le monde a des opinions similaires, générer des contenus divertissants spécialement pour un individu à partir de ce qu’il aime déjà risque de l’enfermer dans sa zone de confort, de ne jamais le bousculer, de ne jamais le remettre en question donc, possiblement, le faire passer à côté de son futur film préféré.

Mais est-ce que l’on atteindra réellement une époque où personne ne regarde la même vidéo et chacun regarde quelque chose de 100 % unique ? Cela reste peu probable, tant le fait de partager ses impressions – ou de spoiler – fait partie de l’expérience de visionnage. Les concours télévisés et émissions de télé-crochet comme Top Chef et Star Academy sont encore des succès aujourd’hui spécifiquement parce qu’ils créent des émotions collectives et des débats, que ce soit sur Twitter ou autour de la machine à café.

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Article rédigé par
Marion Piasecki
Marion Piasecki
Journaliste