L’artiste français, maître de l’outrenoir et légende de l’art contemporain, s’est éteint à l’âge de 102 ans, à Nîmes. Il laisse derrière lui des œuvres aussi sombres que lumineuses, témoins d’un univers artistique unique.
Il s’est fait un nom notamment grâce à son travail de l’outrenoir. Un univers sombre, mais propre, que Pierre Soulages a personnifié pendant plus de 80 années de carrière, et qu’il a continué de travailler jusqu’à la fin, dans son atelier à Sète, dans l’Hérault. Dès son plus jeune âge, l’artiste se passionne pour la peinture, contrastant ses toiles blanches d’un noir profond.
Man in Black
Il confiera d’ailleurs à l’occasion d’une rétrospective de son œuvre au Centre Pompidou, en 2009, pour ses 90 ans : « Enfant, je préférais tremper mes pinceaux dans l’encre noire plutôt que d’employer des couleurs. On m’a raconté que je faisais de grands traits noirs sur le papier. J’aurais répondu que je faisais de la neige. » Cette couleur le suivra toute sa vie, même à travers ses vêtements. Dès qu’il put enfin choisir sa garde-robe, celle-ci se composa exclusivement de noir. Une couleur qu’il portera même le jour de son mariage avec Colette, dont il a partagé la vie pendant près de 80 ans.
Dès 1979, Pierre Soulages commence à ne mettre que du noir sur ses toiles, et invente l’outrenoir. Il décrira d’ailleurs cette technique comme « un autre champ mental » , bien que l’ocre, le rouge foncé et le brun investiront certaines ses lithograhies et sérigraphies. Pour cela, il fabriquera lui-même ses outils de travail, un goût pour l’artisanat qu’il côtoie dans l’Aveyron durant une enfance qu’il passe aux côtés de sa mère et de sa sœur, après la mort de son père.
Lorsque sa carrière décolle, à partir de 1946, et après avoir été mobilisé pendant la Seconde Guerre mondiale, le peintre se lance dans l’art abstrait. Il combine d’épaisses lignes verticales, horizontales, obliques, comme des idéogrammes. Il peint sur papier avec du brou de noix, sur des verres cassés avec du goudron, et s’essayera même, dans les années 1950, à la gravure. Plus tard, dans les années 2000, il travaillera le noir comme une matière, jouant également sur la lumière pour les changements de couleur.
Parmi ses plus grandes œuvres, on retrouve aussi les vitraux de l’abbatiale de Conques, qui lui demanderont entre 1987 et 1994, sept ans de travail. Encore une fois, l’artiste joue avec les contrastes entre ombre et lumière, entre transparence et opacité. Cette dualité a toujours été la source d’inspiration d’un des artistes d’art contemporain et abstrait les plus talentueux de son siècle. Ses œuvres sont notamment à découvrir au Musée Soulages de Rodez, auquel il avait fait une donation de plus de 500 pièces. Quant au Centre George Pompidou et le Musée Fabre de Montpellier, ils possèdent également d’importantes collections de l’immense peintre français.