Après un Modern Warfare radical, sa suite directe a-t-elle les bonnes cartouches pour relever une franchise en berne ? Nos réponses dans cette critique.
Critique mise à jour le 3 novembre 2022 pour inclure nos impressions sur le mode multijoueur.
C’est peu dire que Modern Warfare 2, sorti en 2009, représente pour une certaine génération de joueurs et de joueuses un pan important de leur parcours vidéoludique. Radical et novateur sur quantité d’aspects, le jeu d’Infinity Ward a durablement marqué les esprits et reste à ce jour l’opus le mieux noté sur Metacritic (à égalité avec son prédécesseur).
Autant dire qu’on peut sentir d’ici une certaine pression pour le studio à revisiter ce monument du FPS militaire. Suite directe de Call of Duty: Modern Warfare (2019), ce nouvel opus fait-il honneur à sa réputation ? L’heure du verdict a sonné.
Test réalisé sur PC grâce à un code fourni par l’éditeur du jeu. Cette critique ne concerne que le mode Campagne de Call of Duty: Modern Warfare II.
Fortes têtes et esprit d’équipe
Activision le dit et le répète à qui veut bien l’entendre depuis des mois : Modern Warfare II représente une nouvelle ère pour sa licence Call of Duty. Une déclaration qui se réfère aussi bien à l’approche multijoueur qu’à Warzone, qui accueillera sa version 2.0 le mois prochain, mais également aux campagnes des jeux de tir à venir. L’Éclaireur a été invité à découvrir en avant-première le solo de Modern Warfare II lors d’un voyage de presse organisé à Amsterdam, et il ressort de cet événement une certaine fierté d’Activision pour le travail accompli par Infinity Ward sur cet opus.
Trois ans après les événements de Modern Warfare, le capitaine Price, Soap et Gaz reprennent du service sous la bannière de la Task Force 141 pour désamorcer – littéralement – une nouvelle menace. Après qu’un missile américain a mis hors d’état de nuire un chef de guerre iranien, le terroriste Hassan cherche la vengeance et parvient à mettre la main sur des missiles américains qu’il compte bien diriger vers le pays du hamburger.
Une intrigue somme toute assez conventionnelle pour ce type de jeux, mais qui a le mérite de nous faire voyager et rencontrer un tas de nouveaux personnages – au prix de toute cohérence géopolitique, s’entend. Car, dans ce grand jeu d’échecs mondial où se croisent des terroristes iraniens, des chefs de cartels mexicains, des militaires russes et des mercenaires américains, Infinity Ward parvient à tirer çà et là quelques pions de la table pour les mettre sous les projecteurs.
À ce titre, le nouveau venu Alejandro Vargas est une addition bienvenue à la dynamique de groupe. Chef de meute des forces spéciales mexicaines, cette forte tête s’intègre à merveille dans l’équipe. D’autant que les fans historiques de la licence ne bouderont pas leur plaisir de retrouver Simon « Ghost » Riley et son masque caractéristique.
La démesure des ambitions
Mais alors comment ça se pilote, une campagne de Call of Duty ? Et, surtout, comment évite-t-on la redite, alors qu’Activision sort annuellement un nouvel épisode depuis 2002 ? Soyons clairs : ce n’est certainement pas au chapitre de l’écriture que le curseur a été placé. De toute façon, nous ne sommes pas là pour ça. En revanche, il faut saluer la relative prise de risque d’Infinity Ward avec sa nouvelle campagne qui, c’est vrai, essaie des choses en termes de gameplay.
Outre ses propriétés graphiques très alléchantes, le moteur du jeu autorise une grande variété d’approches qui permettent aux équipes de dévier – un peu – du cahier des charges. On retrouve, comme chaque année, des missions d’escorte, de libération d’otage, de fouille d’une planque de malfrats ou de rail shooting. Mais quelques-uns des 17 chapitres de la campagne essaient aussi de faire bouger les lignes.
Certains offriront des environnements (un peu) plus ouverts, où le joueur ou la joueuse est plus libre de ses choix. D’autres miseront sur un gameplay totalement inédit, comme cette séquence où l’on saute de camion en camion pour remonter à la tête d’un convoi (on se croirait dans Uncharted). Enfin, une inattendue mécanique de survie et de crafting fera ponctuellement son apparition pour nous faire passer du statut de chasseur à celui de proie.
Parfois, ça fonctionne. Souvent, la sauce ne prend pas du tout. De là vient la frustration dénoncée par le titre de cette critique : en voulant à tout prix renouveler sa formule tout en gardant un pied solidement ancré dans son héritage, Call of Duty: Modern Warfare II s’éparpille et en vient à faire n’importe quoi. Cette fameuse opération où l’on saute d’un véhicule à l’autre, par exemple, est parmi les niveaux les plus barbants jamais réalisés dans un épisode de la licence. Inutilement difficile (les camions ennemis laissent derrière eux des mines…), on peine à comprendre quand effectuer son saut. Vous l’aurez compris : on a fréquemment terminé aplati comme une crêpe sous les roues des SUV ennemis.
Dommage, car Call of Duty ne doit pas être un jeu difficile (à moins d’opter pour le mode idoine). Call of Duty, c’est le grand spectacle. C’est le film d’action hollywoodien que l’on découvre manette en main. Et ce genre de séquences, certes novatrices à leur échelle, viennent casser le rythme et nous sortent de l’immersion. Nous ne nous étendrons même pas sur les ennemis dotés d’une armure renforcée, obligeant à vider un chargeur entier pour s’en défaire. Un vilain héritage de Warzone qu’Infinity Ward a voulu faire entrer au chausse-pied dans son mode Solo.
Un délice pour les yeux (et les oreilles)
À l’heure du bilan, on reste donc un peu sur notre faim. D’autant qu’en 2019, Modern Warfare avait su faire preuve de plus d’audace en n’hésitant pas à provoquer. Mais l’actualité géopolitique étant ce qu’elle est, ce n’est peut-être pas plus mal qu’Infinity Ward ne soit pas allé trop loin cette fois.
Au global, on ne passe pas un mauvais moment sur cette campagne. D’après nous, elle aurait pu être amputée de deux ou trois missions de remplissage un peu légères (la durée de vie est estimée à sept heures) pour mettre un coup de fouet à un rythme occasionnellement en dents de scie. Mais il reste une chose sur laquelle Infinity Ward est imprenable : le lustre technique de ses jeux.
C’est bien simple, Call of Duty: Modern Warfare II se hisse sans mal parmi les plus beaux FPS jamais sortis. La fidélité des décors (Amsterdam !) force le respect et les animations faciales sont criantes de réalisme. Ajoutons à cela une toute nouvelle gestion de l’eau (avec du gameplay en immersion) et une expertise certaine quant à la modélisation des armes et la justesse des impacts sonores, et nous obtenons l’un dans l’autre un digne successeur à Modern Warfare.
Et le multijoueur dans tout ça ?
Vous le savez, l’intérêt d’un Call of Duty est loin de se résumer à sa campagne solo, qui fait pour beaucoup office d’apéritif pour le mode multijoueur. Et, sur ce point, on doit d’ailleurs dire qu’Activision Blizzard joue son va-tout : c’est officiel, il n’y aura pas de nouveau Call of Duty l’année prochaine. Un hiatus nécessaire pour laisser respirer la licence, mais qui fait donc peser sur ce Modern Warfare II une certaine pression. Réussira-t-il à occuper les joueurs et les joueuses pendant deux années consécutives ?
Difficile à prédire, une semaine seulement après la sortie du jeu. Dans les faits, on a surtout l’impression de jouer à une sorte de contenu additionnel pour Modern Warfare quand on part se frotter aux sessions multijoueur. Mais le diable se cache évidemment dans les détails ; toutes les nouveautés d’un FPS qui fêtera bientôt ses 20 ans ne sautent pas immédiatement aux yeux.
Call of Duty : Modern Warfare II, c’est toujours ce jeu de tir ultra rythmé dans lequel on réapparaît aussi vite qu’on passe l’arme à gauche. Une approche à des années-lumière d’un Battlefield, par exemple, qui prône davantage le jeu en équipe et la prudence (dans une certaine mesure). Ici, l’initiative individuelle est encouragée, voire même nécessaire pour prendre l’ascendant sur l’équipe adverse. Le gros des modes de jeu se pratique à 6 contre 6, et demande soit d’éliminer ses adversaires (Match à Mort), soit de conserver le plus longtemps possible un point stratégique ou, c’est nouveau, récupérer des otages dans la base adverse. Très inspiré de Counter Strike, ce dernier mode ne permet d’ailleurs pas de réapparaître entre chaque manche. Il faudra donc se montrer plus tactique pour décrocher la victoire.
Les amateurs et amatrices de batailles à grande échelle pourront aussi tenter l’aventure du mode Guerre Terrestre, qui ajoute à la formule des véhicules sur des cartes de grande ampleur. L’influence de Battlefield est totale… Mais le compte n’y est pas vraiment. On sent bien que Call of Duty n’est pas fait pour ça.
En revanche, certains ajouts de Modern Warfare II changent la donne lors des escarmouches. En l’occurrence, nous apprécions la possibilité de nous jeter au sol. Un mouvement qui s’ajoute à la possibilité de faire une glissade, et qui offre non seulement une esquive supplémentaire, mais qui dynamise d’autant plus un gameplay déjà très nerveux.
On rappelle également que l’on peut désormais nager, et certaines cartes (la centrale hydroélectrique notamment) en font un élément central. Plusieurs bassins sont à disposition et permettent aux participants d’emprunter des raccourcis pour prendre les adversaires à revers. Au départ, c’est tellement peu naturel dans un Call of Duty que l’on oublie que c’est même une possibilité. Au fil des parties, cette nouveauté se montre toutefois de plus en plus intéressante, notamment sur les modes comme Domination, où l’on doit capturer et défendre trois points d’intérêt sur la carte.
Ceci étant dit, nous n’avons pas encore de coup de cœur pour l’une des 12 cartes disponibles au lancement. Toutes sont assez bien conçues et respectent le fameux « 3-lane design » qui fluidifie les affrontements et prévient les goulots d’étranglement. Mais, à l’exception de l’hilarante Santa Seña Border Crossing (un point de contrôle autoroutier entre les USA et le Mexique, où l’on navigue entre des voitures abandonnées… et donc autant d’explosifs potentiels), on demande encore à être époustouflés par une map que l’on a envie de jouer en boucle.
Le multijoueur de Modern Warfare II marque aussi sa différence avec ses aînés par un petit changement opéré au niveau des atouts. Là où, auparavant, ils étaient tous déverrouillés dès le début de la partie, on commence cette fois avec deux atouts sur quatre. Il faudra déverrouiller les deux derniers en se montrant performant dans la partie. Une bonne façon de motiver à jouer le jeu… même si d’aucuns pourraient regretter que cela crée de fait un certain déséquilibre entre les joueurs et joueuses chevronnées et les autres.
L’une des meilleures nouveautés de Modern Warfare II est probablement la grenade perforante qui permet de régler un épineux problème : celui des campeurs. En effet, celle-ci se colle à une surface, perce le mur et s’éjecte de l’autre côté afin d’éliminer un adversaire retranché. Une chouette trouvaille qui souligne encore combien Call of Duty est un jeu dans lequel le mouvement est essentiel.
Enfin, nous conclurons par un gros morceau : le nouveau système d’armurerie. L’armurerie, c’est ce menu depuis lequel on personnalise ses armes. Comme dans Modern Warfare, on peut changer le canon, ajouter un silencieux ou modifier ses balles et appliquer diverses peintures à son arme préférée. Mais Modern Warfare II va beaucoup plus loin. « Gunsmith 2.0 », comme l’appelle Activision Blizzard, inaugure un système de tronc commun un petit peu déroutant au départ, mais qui se révèle être assez motivant.
Désormais, plus besoin de se démener pour déverrouiller les mêmes accessoires pour chaque arme que l’on souhaite faire progresser. Pour les armes de même famille, ou plutôt disposant du même « récepteur », les accessoires déjà déverrouillés le restent. Par contre, il faudra régulièrement opter pour une arme avec laquelle, paradoxalement, on ne sent pas tellement à l’aise afin de pouvoir débloquer des viseurs ou des poignées pour sa pétoire favorite.
Pour être honnêtes, on ne sait pas trop si le concept nous plaît vraiment. On voit clair dans le jeu d’Activision Blizzard : ce nouveau système nous encourage à jouer avec des armes très différentes pour débloquer tous les accessoires. Mais si l’on pourrait accepter cela de la part d’un jeu free-to-play, on attend plutôt d’un titre facturé 80€ qu’il nous laisse jouer comme on l’entend.
Ce niveau de frustration pourrait en décourager plus d’un. D’autant que, soyons clairs, le menu du système d’armurerie est tout simplement atroce. On trouve des sous-menus à tiroirs dotés de descriptions peu claires, et il n’y a toujours aucun moyen de sauvegarder un preset d’arme pour le retrouver facilement dans un autre attirail. Bref, Infinity Ward a du pain sur la planche pour améliorer son nouveau joujou. Que le studio prenne son temps : il a deux ans devant lui…