Entretien

Les livres de Dominique A : “J’ai eu mes premiers émois érotiques avec des bandes dessinées !”

24 octobre 2022
Par Sophie Benard
Les livres de Dominique A : “J’ai eu mes premiers émois érotiques avec des bandes dessinées !”
©DR

Chaque mois, un·e auteur·rice partage avec L’Éclaireur la dizaine de livres qui l’ont particulièrement touché·e, pour différentes raisons, à différentes époques de sa vie. Ce mois-ci, c’est Dominique A qui se prête au jeu.

Le premier livre qui vous a marqué ?

Le Grand Meaulnes, d’Alain Fournier. C’est le premier livre que j’ai lu sous la contrainte scolaire ; et c’est surtout celui qui m’a ouvert à la littérature, qui m’a ouvert à ce monde-là, à la possibilité de projection, à l’imaginaire, aux images mentales…

Ça reste pour moi un livre clé. J’en ai même une édition assez rare, qui date de 1937, avec des illustrations magnifiques, qui m’a permis de le relire. C’est l’un des rares livres, d’ailleurs, dont je me souvienne vraiment !

Celui qui parle le mieux d’amour ?

L’Enfant qui devint fou d’amour, d’Eduardo Barrios. C’est le court récit d’un enfant qui meurt – littéralement ! – d’amour pour une jeune femme. C’est un livre assez déchirant, mais qui est le plus beau livre d’amour qui soit, parce qu’il parle d’un amour non partagé, donc de l’impossibilité d’amour – et du gouffre que ça ouvre pour l’enfant.

C’est un livre sur l’amour dans sa totalité, dans sa brutalité, et dans sa façon de phagocyter l’univers entier.

Le Monde réel, de Dominique A. Disponible depuis le 16 septembre 2022.©Cinq7

Celui qui vous fait rougir ?

Adolescent, j’ai eu mes premiers émois érotiques avec des bandes dessinées !

Je pense par exemple à celles de Richard Corben, pleines de femmes très plantureuses… Ce n’était pas du tout pornographique, mais très érotique, je me souviens que ça me troublait beaucoup.

Celui qui vous dérange ?

Nuit, d’Edgar Hilsenrath. C’est un texte inspiré de l’expérience de l’auteur, qui a vécu dans un ghetto juif pendant la Seconde Guerre mondiale. Par moment, il y a un côté “farce”, mais très macabre, très désespéré. La lueur d’humanité est vraiment très ténue ; on dirait qu’il n’y a plus de morale, qu’il n’y a plus rien… Ce n’est même pas l’humanité mise à nu ; l’humanité semble s’être absentée.

Celui qui vous obsède ?

Je dirais Gioconda, de Nikos Kokantzis – l’un des plus beaux récits que j’ai lu. C’est le récit autobiographique d’un amour adolescent entre un jeune grec et une jeune grecque juive – et les nuages noirs s’amoncellent au fur et à mesure que la Grèce commence à déporter ses juifs.

L’amour se déploie dans la préscience de la séparation à venir. C’est aussi un livre sur la découverte amoureuse et passionnelle de deux adolescents, c’est très sensuel.

Je parle très souvent de ce livre… À tel point que l’éditrice m’en a remercié ! Je crois que j’ai participé à le faire connaître en France. Je suis fier de moi !

Celui qui vous fait rire ?

Fabcaro me fait vraiment hurler de rire. J’ai le souvenir d’être revenu d’un festival avec un de ses bouquins et, dans le train, je pleurais de rire. J’en ai un souvenir de lecture aussi larmoyant qu’euphorisant !

Celui qui vous fait pleurer ?

J’aurais pu dire Gioconda… À vrai dire, je pleure souvent en terminant un livre que j’ai aimé… Parce que c’est terminé et que je dois m’en séparer.

Mais disons Mon Antonia, de Willa Cather. C’est assez proche de Gioconda, en réalité. Ça met en scène des enfants qui deviennent adolescents et qui refont leur vie dans les grandes plaines américaines. C’est une chronique amoureuse, mais pas seulement ; c’est aussi un livre sur l’arrachement, sur l’exil, sur la façon dont on refait sa vie ailleurs.

Celui qui vous console ?

Tous les bons livres me consolent ! J’ai encore envie de parler de Gioconda : il m’obsède autant qu’il me console.

Il y a aussi la Trilogie des jumeaux, d’Agota Kristof. C’est un récit incroyable ; mais, au-delà du récit, la langue est d’une sécheresse totale, et cet assèchement me fascine. C’est un véritable modèle du genre.

Le Présent impossible, de Dominique Ané. En librairie depuis le 15 septembre 2022.©L'Iconoclaste

Celui que vous n’avez pas compris ?

Il n’y en a pas qu’un ! On cite toujours Ulysse, de Joyce, mais je vais être plus original et dire plutôt Au-dessous du volcan, de Malcolm Lowry… Je ne sais pas exactement pourquoi, mais je ne parviens pas à l’investir, j’ai l’impression qu’il se refuse.

Celui que vous voulez lire depuis des années, sans jamais y parvenir ?

La Recherche, évidemment ! Comme tout le monde, hein ? Mais il y a aussi des livres de Bernanos ; plusieurs m’attendent… Je ne me lance pas, alors que je sais que l’expérience de lecture va être forte. Mais je suis un peu heurté, je crois, par l’exigence que cette lecture demande.

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Article rédigé par
Sophie Benard
Sophie Benard
Journaliste