Décryptage

Comment Le Seigneur des Anneaux est devenu le Graal de la pop culture

02 septembre 2022
Par Lisa Muratore
“Le Seigneur des Anneaux : la communauté de l’Anneau” est le premier film de la saga de Peter Jackson.
“Le Seigneur des Anneaux : la communauté de l’Anneau” est le premier film de la saga de Peter Jackson. ©New Line Cinema

Plus de 20 ans après la trilogie du Seigneur des Anneaux sur grand écran, l’univers de la Terre du Milieu s’offre une série. Les fans de la saga voyageront de nouveau dans cet univers d’heroic fantasy révolutionnaire. Un objet de pop culture inédit, porté tour à tour par le génie de J.R.R. Tolkien et celui de Peter Jackson.

La série Le Seigneur des Anneaux : les anneaux de pouvoir, produite par Amazon Prime Vidéo, est attendue ce vendredi 2 septembre sur la plateforme de streaming. À la différence de la trilogie réalisée par Peter Jackson, l’intrigue se déroule durant le Deuxième Âge. Les anneaux ont été forgés, et les Hommes, les Elfes et les Nains vont devoir s’allier contre le terrifiant Sauron.

Cette première saison est l’occasion de revenir en Terre du Milieu, 21 ans après la sortie du premier film, La Communauté de l’Anneau (2001). Grâce à la série de John D. Payne et de Patrick McKay, les téléspectateurs vont également pouvoir replonger dans l’œuvre gargantuesque écrite par J.R.R. Tolkien, 68 ans auparavant. Des créations littéraires et cinématographiques révolutionnaires, mais aussi des symboles ultimes de la pop culture moderne, qui ont profondément marqué l’univers de l’art et du divertissement.

“Dans un trou vivait un hobbit” : la trace de J.R.R. Tolkien

De nos jours, on associe Le Seigneur des Anneaux aux films de Peter Jackson. Pourtant, avant les 17 oscars, les trois milliards de dollars au box-office pour la trilogie parue entre 2001 et 2003, et le succès du Hobbit (2012-2014), les romans de J.R.R. Tolkien sont des incontournables de la pop culture.

Au début du XXe siècle, après s’être consacré à la poésie, l’essayiste et professeur britannique entreprend l’écriture du Hobbit (1937). « Dans un trou vivait un hobbit » : ces quelques mots gribouillés sur une copie d’examen représentent les prémices d’un monde inédit. Suivront Le Silmarillion, un recueil de légendes mythologiques imaginaires finalement publié à titre posthume en 1977, ainsi que Le Seigneur des Anneaux (1954-1955), une saga littéraire plus sombre et complexe que les précédentes œuvres de l’auteur. Les livres rencontrent un succès colossal lors de leur publication et propulsent J.R.R. Tolkien au rang de maître de la fantasy.

Dans la série Le Seigneur des Anneaux, Les Anneaux de Pouvoir, Morfydd Clark incarne Galadriel.©Matt Grace/Amazon Prime Video

La précision avec laquelle il raconte, dessine et cartographie la Terre du Milieu, les références qu’il utilise pour construire les langues et décrire ses personnages, son goût du détail, ou encore l’immersion dans un univers fictionnel, philosophique, mais aussi familier, ont largement influencé la littérature.

L’heroic fantasy s’est fortement développée à la suite de la publication du Seigneur des Anneaux, et plusieurs œuvres, plus ou moins inspirées par Tolkien, ont vu le jour. On peut citer le cycle Terremer (1977-2003) d’Ursula K. Le Guin, ou, plus récemment, Les Archives de Roshar (2010-2020) de Brandon Sanderson. Preuve que l’auteur continue d’être une référence intemporelle du genre, et une source inépuisable d’inspiration.

J.R.R. Tolkien dans son bureau en 1955.©Getty - Haywood Magee/Picture Post/Hulton Archive

La difficulté autour de l’adaptation des romans a également entretenu le mythe autour du Seigneur des Anneaux et sa longévité dans la pop culture. Plusieurs artistes s’y sont pourtant frottés, comme les Beatles et le cinéaste anglais John Boorman. Un projet de dessin animé, rejeté par Tolkien, a même failli voir le jour, avant une adaptation partielle en 1978, puis une série finnoise en 1993. Mais, à la même époque, personne ne se doute que le réalisateur néo-zélandais encore anonyme, Peter Jackson, réfléchit à ce qui deviendra l’une des plus grandes trilogies cinématographiques.

La révolution Peter Jackson

À l’image de la saga littéraire, les films sont aujourd’hui des éléments phares de la pop culture. En réalisant une œuvre fidèle aux romans, le cinéaste est parvenu non seulement à convaincre les fans de la première heure, mais aussi à étendre l’univers de la Terre du Milieu sur grand écran, drainant ainsi une nouvelle communauté de néophytes. Dès la sortie du premier long-métrage, l’heroic fantasy n’était plus réservée aux geeks et elle devient intergénérationnelle, faite de passionnés et de curieux qui vont pérenniser la place privilégiée des films en tant que références populaires.

Peter Jackson a également bousculé le monde du cinéma. Le réalisateur est devenu au septième art ce que Tolkien est à la littérature. Il a été le premier à entreprendre et à réussir un projet d’une telle ampleur. Malgré plusieurs tentatives avec Dark Crystal (1982), Conan le Barbare (1982) ou encore Willow (1986), le succès critique et commercial de la trilogie a été un élément fondamental dans l’attrait actuel pour les aventures fantastiques.

Peter Jackson, Hugo Weaving (Elrond) et Ian McKellen (Gandalf).©New Line Cinema

Sans Le Seigneur des Anneaux, il n’est pas certain que Le Monde de Narnia (2005), À la croisée des mondes : la boussole d’or (2007), Game of Thrones (2011) ou encore The Witcher (2019) auraient eu la popularité qu’on leur connaît aujourd’hui. Les studios n’hésitent plus à adapter les sagas les plus emblématiques, mais aussi à mobiliser des moyens technologiques inédits. On pense à la CGI, mais surtout à la motion capture utilisée avec Gollum, puis reprise dans Avatar (2009) et La Planète des singes : les origines (2011).

Elijah Wood (Frodon), Sean Astin (Sam) et Andy Serkis (Gollum) dans Le Seigneur des Anneaux : les deux tours.©New Line Cinema

Pour autant, Peter Jackson a mis un point d’honneur à rendre sa saga la plus réelle possible, en misant sur les costumes, le maquillage et les paysages de la Nouvelle-Zélande. Un choix qui rend la trilogie d’autant plus marquante, à la différence de celle du Hobbit, souvent pointée du doigt pour son manque d’envergure photographique.

Le Seigneur des Anneaux a également modifié la façon de produire du cinéma, avec l’apparition de la version longue. Un format concocté spécialement pour les fans, dans lequel Peter Jackson a inclus des scènes supplémentaires, parfois tournées après la fin du tournage officiel.

Le Seigneur des Anneaux dans la pop culture contemporaine

L’héritage s’étend au-delà de la simple projection. Des ciné-concerts, des ressorties, des concours de costumes sont fréquemment organisés dans le monde entier. Les répliques cultes comme « Mon précieux » ou « Vous ne passerez pas », les objets phares de la saga ou encore sa bande originale constituent des références immédiates, tout comme son casting, encore très présent au cinéma de nos jours.

Viggo Mortensen (Aragorn) dans Le Seigneur des Anneaux : le retour du roi.©New Line Cinema

Le Seigneur des Anneaux a marqué et changé durablement le paysage culturel. Par ailleurs, les livres, ainsi que les films, représentent ce qu’est intrinsèquement la pop culture moderne : une œuvre gigantesque qui traverse les siècles et qui catalyse les comportements autour d’une création populaire. Son appropriation par une large communauté, son originalité, les références qu’il réunit sont la preuve que l’univers du Seigneur des Anneaux dépasse le simple objet d’art et de divertissement.

Il s’agit du Graal de la pop culture et de son évolution. Peu de sagas regroupent finalement un univers aussi riche qui résiste au temps et qui ne cesse de s’étendre. Du biopic Tolkien sorti en 2019 aux jeux vidéo, en passant par la nouvelle série Amazon Prime Vidéo, les aventures de la Terre du Milieu n’ont pas fini de passionner les foules. Espérons que le voyage fantastique qui se prépare sur la plateforme de streaming sera aussi marquant que le précédent.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste