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Nouvelles révélations sur les manuscrits inédits de Céline 

11 août 2022
Par Félix Tardieu
Reproduction du manuscrit de "Guerre" publié aux Editions des Saints-Pères
Reproduction du manuscrit de "Guerre" publié aux Editions des Saints-Pères ©Ed. Les Saints-Pères

Nouvel épisode dans le feuilleton des manuscrits inédits de Céline, dont un premier morceau, le roman Guerre, a été publié en mai dernier chez Gallimard. De nouvelles révélations de Jean-Pierre Thibaudat, ex-journaliste à Libération qui révéla en 2020 l’existence de ces manuscrits aux ayants droit de l’écrivain, apportent un éclairage sur la provenance de ces milliers de feuillets égarés en 1944. 

En mai dernier, Gallimard faisait paraître un roman dit inédit de Céline, Guerre (140 000 exemplaires vendus à ce jour), roman tiré des 6000 feuillets disparus de l’auteur de Voyage au bout de la nuit et dont la redécouverte fut annoncée au grand public en 2021 à l’occasion d’un article publié dans Le Monde. On y apprenait notamment que ces liasses de manuscrits étaient précieusement conservées depuis quinze ans par Jean-Pierre Thibaudat, ancien journaliste et critique à Libération qui, fidèle à sa promesse, avait fait part de ce trésor littéraire aux ayants droit de Céline après le décès de la veuve de l’écrivain, Lucette Destouches.

En revanche, le mystère restait jusqu’à présent entier quant à la provenance des dits manuscrits, disparus des radars en 1944 à la suite de l’exil de Céline, collaborationniste et antisémite notoire. L’enquête pour « recel de vol », ouverte en réponse à une plainte des ayants droit, s’était classée sans suite. 

©Gallimard

Les manuscrits conservés par un éminent résistant

Aujourd’hui, Jean-Pierre Thibaudat affirme, via son blog hébergé par Médiapart, que les manuscrits avaient été récupérés par le résistant Yvon Morandat (1913-1972), qui fut l’un des premiers à rejoindre le général de Gaulle à Londres et qui officia en tant que secrétaire d’État aux Affaires sociales sous le gouvernement Pompidou, en 1968. Le résistant aurait découvert les manuscrits en s’installant dans l’appartement de Céline de la rue Girardon, à Paris, réquisitionné à Libération. D’après Thibaudat, Yvon Morandat aurait proposé à l’écrivain de récupérer ces manuscrits lors de son retour en France, ce qu’il refusa. « Céline ne se départira jamais de cette position victimaire qui lui sied. Il a été pillé, un point c’est tout », affirme le journaliste dans son dernier billet de blog. 

Le résistant décida finalement de conserver les écrits de Céline dans une malle, retrouvée en 1982 (dix ans après sa mort) par sa fille, Caroline Lanciano-Morandat, avec qui le journaliste à Libération entrera en contact par l’entremise d’un ami commun. Thibaudat se verra alors confier les manuscrits, avec pour seule consigne de n’en révéler l’existence qu’après la mort de Lucette Destouches. « Yvon Morandat n’a rien « pillé ». Au contraire, il a tout préservé, il a fait œuvre de clairvoyance et de civisme. L’histoire littéraire lui en sera reconnaissante (…) », déclare aujourd’hui l’ancien journaliste qui a ainsi révélé au grand jour le nom du résistant, avec l’accord de sa fille. 

La suite directe de Guerre, intitulée Londres, paraîtra chez Gallimard le 13 octobre prochain. D’autres d’inédits, à commencer par La Volonté du roi Krogold ainsi qu’une version intégrale de l’inachevé Casse-pipe, s’en suivront – jusqu’à ce que l’oeuvre de Céline bascule finalement dans le domaine public… en 2032. 

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Article rédigé par
Félix Tardieu
Félix Tardieu
Journaliste