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Les albums indispensables du phénoménal Marcus Miller

30 mai 2025
Par Christophe Augros
Les albums indispensables du phénoménal Marcus Miller

Bassiste phénoménal, clarinettiste, compositeur et producteur, Marcus Miller a profondément marqué les milieux du jazz et du R’n’B de ces 40 dernières années. Rétrospective de ses plus beaux albums en solo, mais pas que.

Le bassiste

Marcus Miller, c’est avant tout un bassiste avec un son et une technique immédiatement identifiables et inégalés. À son arrivée dans le milieu, l’Américain est le seul avec ce son de basse métallique. Son domaine de prédilection est le « slap », cette façon de jouer en pinçant les cordes. Sa dextérité, la fluidité de son jeu et son côté funk sont impressionnants.

À la fin des années 70 et au début des années 80, il est connu pour sa collaboration avec le batteur Lenny White, le saxophoniste Grover Washington Jr, Bobbi Humphrey et Lonnie Liston Smith, et devient membre du groupe de Miles Davis. Sa carrière solo débute en 1983 avec le très funky Suddenly, un album dans lequel il chante aussi. 

Il devient vite connu et reconnu dans le jazz d’abord, puis dans le monde musical au sens large. On le retrouve ainsi sur une quantité hallucinante d’albums depuis les années 1980. Cela fera sa légende et créera le mythe Marcus Miller, pourtant seulement âgé de 65 ans.

Ses collaborations groovy

Marcus Miller a promené sa basse de studio en studio, d’artiste en artiste. La période la plus marquante est celle qui s’étend de 1983 à 1990. Il assure la basse sur Get It Right (1983) pour la reine soul Aretha Franklin, titre qu’il a coécrit avec le chanteur Luther Vandross. Un an plus tard, son intro slap sur le titre The Mexican du DJ John « Jellybean » Benitez marque profondément le public et pour longtemps. En 1985, on retrouve son groove sur la chanson Do You Really Love Your Baby, enregistrée avec le fameux groupe R’n’B The Temptations. Sa bass slap apporte un son funk moderne à cette formation en perte de vitesse.

En 1990, son jeu sur le titre Perfect Timing du pianiste Vernell Brown assure le succès de son premier album. La même année, il pose sa basse sur Strike Two, titre jazz figurant sur l’album Ashes To Ashes de son ami Joe Sample. En 1992, on le retrouve sur Burn It Up – qu’il a également écrit – sur l’album Just An Illusion du saxophoniste Najee. Et il en sera ainsi tout au long de sa carrière, laissant une empreinte indélébile.

Le producteur

La troisième corde à l’arc bien fourni de Marcus Miller est celle de producteur. Trois projets porteront sa marque : ceux du chanteur Luther Vandross et du saxophoniste David Sanborn, ainsi que les deux albums enregistrés avec son groupe Jamaica Boys. Mais en tout, il a joué sur plus de 500 albums. Il en a produit également, souvent pour des artistes dont il était proche. Citons le pianiste-claviériste Bernard Wright, son musicien sur scène pour qui il produira le superbe opus Mr Wright en 1985 opu encore le légendaire Miles Davis. Car Marcus Miller est fidèle en amitié, sa discographie en atteste.

David Sanborn : Marcus Miller fait son entrée dans la carrière du saxophoniste en 1980 sur l’album Hideaway. David Sanborn a déjà cinq albums à son actif, mais c’est avec lui que sa carrière connaît un vrai succès commercial. À partir de Voyeur (1980), Marcus Miller devient compositeur. Il tient une place centrale en composant quatre des sept titres de l’album. Il en ira ainsi tout au long de sa carrière. 

Luther Vandross : Avec la star du disco-funk Luther Vandross, l’association débute en 1982 avec l’album Forever, For Always, For Love. Marcus et Luther écrivent ensemble deux titres dont le hit You’re The Sweetest One. Là encore, le partenariat ne se limite pas au professionnel, et les deux hommes deviennent amis.

La grande période de leur collaboration couvre les années 1982-1991. Elle laisse de nombreux classiques tels I Wanted Your Love, It’s Over Now, My Sensitivity, Any Love et Power Of Love / Love Power, pour ne citer que ceux-là. Des artistes leur demanderont d’écrire des chansons : ils produisent Jump To It pour Aretha Franklin en 1982 et Do You Really Love Your Baby pour les Temptations en 1985, pour les plus connues.

Jamaica Boys : En 1987 et 1989, ce groupe, que Miller a conçu avec le batteur Lenny White, enregistre deux albums qui marquent le public R’n’B de l’époque.

Miles Davis : C’est avec le trompettiste Miles Davis que le travail de compositeur et producteur de Marcus Miller touche des niveaux supérieurs. Il entre dans le groupe du légendaire Miles en 1981 pour l’album The Man With The Horn. Mais c’est Tutu qui inscrit Marcus Miller dans l’histoire. En 1986, il écrit ou co-écrit l’ensemble des titres à l’exception de Perfect Way, une reprise du groupe Scritti Politti. Tutu change la direction du jazz qui fusionne avec le R’n’B. À nouveau, Miles connaît le succès commercial à grande échelle. Toute une génération fait sa connaissance.

Marcus et Miles répèteront l’expérience avec la B.O. du film Siesta en 1987, et avec l’album Amandla en 1989. Sur ces deux œuvres, Marcus compose tout en jouant la basse et en assurant la production. Leurs carrières se nourrissent l’une de l’autre à cette époque. Une association mutuellement profitable.

La discographie idéale de Marcus Miller  

Suddenly (1983, Warner)

Dans cette période post-disco, Marcus Miller entre avec du funk pur. Il exploite cette sonorité de bass slap que son public adore. Cinq titres à retenir : Lovin’ You, Suddenly, Let Me Show You, Be My Love et Much To Much. Luther Vandross est dans les chœurs. Marcus assure également aux claviers et au chant.

Marcus Miller (1984, Warner)

Marcus écrit et compose la totalité des huit titres. On retrouve sur cet album éponyme son funk très actuel avec claviers et basse qui claquent. Son ami et saxophoniste David Sanborn joue sur l’œuvre. Tawatha Agee, choriste très recherchée à l’époque – grâce à son travail avec James Mtum ainsi que Fonzi Thornton -, est aussi de la partie.

Trois titres à retenir ici : My Best Friends’Girlfriend, l’instrumental Juice et Unforgettable. Miller confirme le succès du premier album. Il est un redoutable auteur, compositeur, producteur et bassiste.

The Night I Fell In Love – Luther Vandross (1985, Epic)

Quatrième album d’un des plus grands chanteurs R’n’B de son temps. The Night I Fell In Love est une œuvre qui fait date dans sa carrière, et l’une des plus belles lignes de bass de Marcus sur le titre It’s Over Now. Marcus co-écrit trois des huit titres de l’album.

Les trois meilleurs : Til’ My Baby Comes Home, The Night I Fell In Love et It’s Over Now

 

Mr Wright – Bernard Wright (1985, EMI)

Ce musicien d’exception (piano, claviers) grandit dans le même quartier que Marcus Miller à New York, le Queens. Les deux amis commercialisent ce troisième opus de Wright en 1985. Trois titres écrits avec Marcus et le batteur Lenny White assurent son succès : After You, Who Do You Love et Love You So. Ils seront ensuite repris par de nombreux artistes les décennies suivantes. La basse de Miller est encore brillante sur Killin’ Me

Tutu – Miles Davis (1986, Warner)

Un album historique dans l’histoire du jazz. Il relance la carrière du prodigieux trompettiste et impose Marcus comme un producteur. George Duke, autre grande figure du jazz et du funk, assure en partie arrangements et productions, l’ami Bernard Wright les claviers, Omar Hakim la batterie, Paulinho Da Costa les percussions… Une partie de l’élite du jazz de l’époque est en studio avec Miles et Marcus. Deux Grammy Awards à la clef : « Meilleur album jazz instrumental » et « Meilleure pochette ».

Any Love – Luther Vandross (1988, Epic)

L’album Any Love sera considéré comme le meilleur et le plus complet de la carrière de Luther Vandross. Les deux compères écrivent et composent trois des neuf chansons, dont le titre éponyme. Marcus Miller a invité David Gamson – membre des Scritti Politti présent sur Tutu – pour la composition et les claviers.

Trois titres essentiels ici : Any Love, For You To Love et Are You Gonna Love Me.

Close Up – David Sanborn (1988, Warner)

Marcus Miller compose ou co-compose six des dix titres, dont le fameux Pyramid. Les amis Adam Dorn (vibraphone), Hiram Bullock (guitare) et Nile Rodgers (guitare) ont répondu présent. Un album conçu pour les radios avec des airs faciles à retenir pour vendre. Résultat : le Grammy Award pour le « Meilleur album pop instrumental ».

J.Boys – Jamaica Boys (1989, Reprise/Warner)

Le batteur new-yorkais Lenny White et Marcus Miller produiront deux albums avec un chanteur différent au service de cette merveilleuse section rythmique. Au coeur de ces disques, du jazz, du funk et le R’n’B contemporain de l’époque.

Des deux albums de 1987 et 1989, quelques titres à retenir : Palm Of Your Hand et Spend Some Time With Me pour le premier. Move It, Shake It Up, Pick Up The Phone et la reprise du You’ve Got a Friend de Carole King pour le second. C’est le dernier projet sur lequel Marcus chante en voix lead.

A Total Eclipse – Vernell Brown (1991, A&M)

Ce pianiste à la brève carrière débute en 1991 avec cet album. Il s’est bien entouré puisque le guitariste Paul Jackson Jr. et Marcus Miller sont là. Sur Perfect Timing, il sort une ligne de basse dont il a le secret, donnant ainsi une couleur funk à l’album. Autre titre fort : August avec Ernie Watts au saxophone.

The Power Of Love/Love Power – Luther Vandross (1991, Epic)

Le duo Miller/Vandross fait encore mouche et touche son public au cœur avec cette chanson inspirée et spirituelle. Vandross entre dans les années 1990 par la grande porte. Autre titre fort de l’album co-écrit par Marcus : The Rush. Et un Grammy Award à la clef pour le « Meilleur titre R’n’B ».

Just Advance – Kenwood Dennard (1992, Big World)

Un quintet jazz dans lequel Marcus fait ce que le public attend de lui : de la démonstration technique à la basse. Une belle version du Purple Rain de Prince, et une autre du Teen Town de Jaco Pastorius.

Upfront – David Sanborn (1992, Elektra / Warner)

Le duo Sanborn/Miller fonctionne encore à merveille sur cet album. Marcus compose cinq des dix titres. Il sort une ligne de basse terrible sur la reprise Ramblin’ d’Ornette Coleman. Un album indispensable du saxophoniste et du bassiste, son meilleur sur la décennie 1990.

The Sun Don’t Lie (1993)

Premier album vraiment jazz dans sa carrière solo. Et quel album ! Il rend hommage à Miles Davis, décédé deux ans plus tôt, sur le nostalgique The King Is Gone, ainsi qu’au bassiste Jaco Pastorius sur la reprise de Teen Town. Ses amis David Sanborn (saxophone), Hiram Bullock (guitare), Joe Sample (piano) et Poogie Bell (batterie) sont de la partie.

À retenir ici : Panther, Rampage (et sa terrible ligne de bass slap), The Sun Don’t Lie (sur lequel il utilise les steel band), Scoop… En fait, tout l’album ! 

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Tales (1994, PRA records)

Un an après un album purement jazz, il revient avec un opus beaucoup plus urbain. Sa basse prend tout l’espace. Son public aime son jeu et sa technique, ce qu’il donne à profusion. Eric et Tales sont de superbes exemples. Quelques reprises d’Allen Toussaint, grand compositeur de la Nouvelle Orléans, une du Vision de Stevie Wonder et Meshhell Ndegeocello, invitée sur Rush Over.

En plus de la basse, il assure clarinette, flûte, piano et claviers. Les proches tels Lenny White, Poogie Bell, Kenny Garrett, Joe Sample Hiram Bullock ou Bernard Wright font partie du groupe.

À retenir ici : Tales, Eric, Rush Over, Infatuation avec la chanteuse Lalah Hathaway en voix lead.

M2 (2001, Telarc)

Voici l’album du single Your Amazing Grace – un classique de sa carrière- avec la chanteuse Chaka Khan : énorme ! Marcus reprend du Mingus, du Billy Cobham et du Coltrane. Il invite Raphael Saadiq (ancien chanteur du groupe Tony Toni Tone) sur Boomerang pour un album davantage orienté R&B. Herbie Hancock participe à l’enregistrement, ainsi que Fred Wesley (tromboniste de James Brown et des JB’s). Un Grammy Award à la clef : « Meilleur album jazz contemporain ».

Silver Rain (2005, Koch)

Marcus Miller a pris quatre ans pour la conception de Silver Rain qui contient 15 titres et 8 reprises. Le génial bassiste semble en manque d’inspiration. Son amour pour Paris transpire sur La Villette et Paris. La reprise du Girls and Boys de Prince ainsi que celle du Power Of Soul de Jimi Hendrix, traduisent également son amour pour ces deux artistes. Mais l’œuvre marque une pause après la période faste 1993-2001.

Thunder  Stanley Clarke, Victor Wooten, Marcus Miller (2008, Telarc)

Voici Marcus Miller avec deux autres bassistes monstrueux. Trois jeux différents, trois techniques différentes, et une énorme attente du public. Chick Corea (piano), Poogie Bell (batterie) et George Duke (clavinette, claviers) apportent leur contribution à ce projet fou. Beaucoup de technique évidemment, mais peu d’émotions malheureusement. Néanmoins, cet album est indispensable, ne serait-ce que pour les 5 minutes de Grits, composé par Marcus.

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A Night In Monte-Carlo (2011, Dreyfus)

L’orchestre philharmonique de Monte-Carlo, le trompettiste Roy Hargrove et le chanteur Raul Midon offrent 63 minutes de bonheur aux côtés de Marcus Miller. Il reprend des titres écrits pour Miles (Amandla) et le I Loves You Porgy de Gershwin. Les versions de State Of Mind et de Your Amazing Grace avec Paul Midon au chant sont superbes.

Renaissance (2012, Concord)

Dans Renaissance, Marcus Miller change presque totalement d’équipe et joue les passeurs en valorisant de tout nouveaux musiciens, tel le saxophoniste Alex Han, ou Bobby Sparks aux claviers. Il joue clarinette et basse sur cet album qui reste l’un des meilleurs de sa carrière. Detroit, Redemption, Revelation, Gorée (Go-Ray), Cee-Tee-Eye et Jeckyll & Hyde sont des titres indispensables.

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Afrodezia (2015, Blue Note)

Miller confirme ici qu’il a retrouvé l’inspiration. Il signe avec le prestigieux label Blue Note. Entre nostalgie et énergie, l’album offre des titres superbes. Sur Preacher’s Kid, un ensemble vocal appuyé par la clarinette-basse qu’il affectionne tant, donne une couleur d’autrefois, un brin nostalgique. Les voix sont assurées par Lalah Hathaway et Julia Sarr.

Sur I Can’t Breath, changement total d’ambiance. Marcus a invité l’une des voix les plus charismatiques de l’histoire du rap : celle de Chuck D., leader du groupe Public Enemy. À noter également la reprise réussie du Papa Was a Rolling Stone des Temptations, avec le guitariste Wah-Wah Watson (qui jouait sur la version originale) et le bluesman Keb Mo’. Les prestations d’Adama Dembélé (percussions) et d’Ambrose Akinmusire (trompette) sont remarquables. Sûrement son meilleur opus des années 2010.

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Laid Black (2018, Blue Note)

Le bassiste continue entre jazz, R’n’B, funk et éléments hip-hop avec Laid Black. Selah Sue est invitée au chant. Trombone Shorty, tromboniste et trompettiste de la Nouvelle-Orléans et Jonathan Butler, guitariste sud-africain, enrichissent l’album par leur présence. Sublimity « Bunny’s Dream » avec Butler à la guitare et au chant est un beau moment de l’album. Le jeu de basse sur Keep ‘Em Running est phénoménal. C’est le dernier album solo de Miller en date. On attend la suite après 42 ans d’une carrière déjà exemplaire.

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30 oct. 2024
Article rédigé par
Christophe Augros
Christophe Augros
Disquaire à Fnac Chambéry
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