Concerts mythiques, portraits intimistes d’icônes intouchables et portraits de générations, génies de l’ombre injustement passés à l’as et enfin réhabilités… De Woodstock à La Havane, de Londres à New York, du Mali au Mississippi, ils ont écrit certaines des plus belles pages de l’histoire de la musique. Et ils ont nourri la création de certaines des meilleurs documentaires musicaux.
Woodstock, Michael Wadleigh, 1970
Célèbre captation live du festival le plus mythique de l’histoire, Woodstock de Michael Wadleigh nous plonge au cœur de ces trois jours d’août 1969 qui ont vu un demi-million de personnes affluer sur les terres de White Lake, dans le comté de Sullivan, USA. Des préparations aux prestations musicales légendaires signées Joe Cocker, Jimi Hendrix, Santana et autre Janis Joplin, en passant par l’arrivée en ordre dispersé du public et l’enfer des embouteillages : il aura fallu 200 km de pellicule à Michael Wadleigh et son bataillon de cameramen pour ne rien laisser passer de ce rassemblement emblématique de la culture hippie. Incontournable !
Sugar Man, c’est l’histoire insensée de Sixto Rodriguez, songwritter américain d’origine mexicaine du début des années 1970, auteur de deux albums folk-soul, Cold Facts et Coming from Reality. Deux opus salués par la critique mais totalement boudés par le public américain. Le bonhomme retombe aussitôt dans l’oubli… Mais voilà que sans le savoir, ses morceaux aux textes engagés traversent l’océan pour devenir les étendards de la lutte contre l’Apartheid auprès de la jeunesse blanche sud-africaine. Et alors que la rumeur a déjà enterré l’artiste en le prétendant mort sur scène, deux fans du Cap se lancent à sa recherche… et finissent par le retrouver à Détroit ! Le premier jour d’une seconde vie musicale pour Sixto Rodriguez.
Faire de la musique ensemble toute leur vie, les deux amis se l’étaient juré : en 1977, Steve « Lips » Kudlow et Robb Reiner fondaient Anvil et en 2018, le groupe sortait leur 19e album, Impact is Imminent. Mais si des formations mythiques telles que Metallica, Slayer ou Anthrax leur doivent beaucoup, érigés au début des années 1980 en véritables « demi-dieux du heavymetal canadien », Lips et Robb auront eu un parcours semé d’embuches. Dans Anvil, The Story of Anvil, Sacha Gervasi, fan de la première heure, raconte l’envers du décor de cette interminable carrière en pointillés. Un documentaire à la fois drôle et attachant sur un groupe qui aura profondément marqué l’histoire du Metal.
Bob Dylan : No Direction Home, Martin Scorsese, 2005
«Je suis Bob Dylan quand j’ai besoin d’être Bob Dylan » lançait le songwriter aux cheveux hirsutes en 1965. Une réplique géniale qui contient à elle seule tout le mystère Dylan. Un mystère que Martin Scorsese, fan inconditionnel, saisit à l’écran en 2005 dans son documentaire-fleuve Bob Dylan : No Direction Home. Depuis ses débuts « beat generation » à New York en 1961 jusqu’à son apogée en 1966 et son accident de moto, le cinéaste retrace la folle ascension de Bob Dylan, entre interviews, extraits de concerts et d’archives, jusqu’à toucher du doigt la nature même du phénomène Dylan, véritable pilier de la pop culture. Un documentaire culte que viendra parfaitement compléter le film radioscopique de Todd Haynes, I’m not there.
Buena Vista Social Club, Wim Wenders, 1999
Ils s’appellent Ibrahim Ferrer, Compay Segundo, Omara Portuondo, Eliades Ochoa ou encore Ruben Gonzalez… Tous d’éminents représentants de la musique cubaine pré-révolution. En 1996, le producteur britannique Nick Gold et le guitariste américain Ry Cooder décidaient de les réunir à La Havane, le temps d’un enregistrement. Ainsi est né le Buena Vista Social Club. Ami de longue date du musicien, le réalisateur Wim Wenders est également là avec sa caméra pour saisir l’aventure. L’occasion, entre deux morceaux, d’évoquer leurs débuts dans la musique et leur vie à Cuba. Au final, l’album Buena Vista Social Club se vendra à huit millions d’exemplaires. Une belle revanche sur la vie pour ces bons vieux soneros des années 1940 longtemps restés inconnus aux yeux et aux oreilles du public.
Motown, la véritable histoire, Paul Justman, 2002
Leurs noms sont tout aussi inconnus du grand public et pourtant ils constituent l’une des plus grandes machines à succès de tous les temps : The Funk Brothers, soit les musiciens de studio derrière la plupart des enregistrements de la prestigieuse maison Motown, à Détroit, entre 1959 et 1972. À eux seuls, ils comptent plus de titres n°1 que les Beach Boys, les Rolling Stones, Elvis Presley et les Beatles réunis. On les trouve ainsi derrière d’innombrables tubes de Diana Ross and The Supremes, The Temptations, Marvin Gaye, Stevie Wonder ou The Four Tops. Ce Motown, la véritable histoire de Paul Justman met enfin en lumière ces génies restés dans l’ombre de l’un des plus grands labels soul de l’histoire.
Martin Scorsese présente Le Blues, Martin Scorsese, Clint Eastwood, Wim Wenders…, 2003
En 2003, l’« année du blues » était déclarée aux États-Unis, à l’occasion du 100e anniversaire de ce genre musicale né dans les champs de cotons américains du XIXe siècle. C’est à cette occasion que Martin Scorsese a donné vie à ce fabuleux projet, formidable voyage aux racines de la « musique du Diable » : Martin Scorsese présente Le Blues, ce sont pas moins de 7 films signés par des cinéastes aussi talentueux que passionnés par cette musique. Parmi eux, Piano Blues de Clint Eastwood, The Soul Man de Wim Wenders ou encore Du Mali au Mississippi de Scorsese himself. Une occasion rare de remonter à la source du blues, d’en saisir les origines, l’héritage et les combats, et d’en apprécier le génie.
Avec Marley, Kevin Macdonald évite l’écueil de l’hagiographie pour délivrer un portrait juste, dénué de toute complaisance inutile, de Bob Marley, légende du reggae. Au gré de témoignages de ceux qui l’ont côtoyé au plus près, d’images d’archives parfois inédites ou de concerts mythiques, le cinéaste donne à voir et à entendre toute la complexité de l’existence de celui, qui, sorti du ghetto de Trenchtown, s’est hissé au sommet, jusqu’à acquérir un statut de figure sociale et politique sans précédent dans l’histoire de la musique. Un film pour mieux prendre la mesure de la singularité du bonhomme, plus que de l’artiste, et de l’héritage laissé par cette figure emblématique du XXe siècle. Un documentaire qui saura résonner à merveille avec le biopic de Reinaldo Marcus Green, One Love.
Le 23 juillet 2011, la diva soul Amy Winehouse s’en allait rejoindre le maudit Club des 27, figurer aux côtés de ces gloires éternelles parties bien trop tôt à l’âge de 27 ans : les Brian Jones, Janis Joplin, Jimi Hendrix, Jim Morrison et autre Kurt Cobain. Mais à l’inverse peut-être de ces « partenaires » de club, la vie d’Amy ne faisait finalement peu de mystères, filmée depuis sa plus tendre enfance. De quoi offrir à Asif Kapadia un incroyable corpus d’images au cœur duquel le cinéaste britannique s’en est allé piocher certaines des séquences les plus saisissantes, pour le meilleur comme pour le pire. Reste un film saisissant sur celle qui demeure une des icônes musicales de ces dernières années, entre désinvolture et humour, fureur de vivre et peur de l’ennui…
Talib Kweli, Mos Def, Kanye West, Common, Erykah Badu, Jill Scott, Cody Chesnutt, John Legend, The Roots et The Fugees reformés pour l’occasion… Et quelle occasion ! Un concert hors-norme, une Block Party donnée gratuitement, à ciel ouvert, dans le quartier de Clinton Hill, à Brooklyn, à l’initiative de l’acteur, humoriste et producteur américain Dave Chapelle. Un projet totalement fou capté par un autre drôle de trublion, Michel Gondry (Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Soyez sympas, rembobinez, Le Livre des solutions…). Le résultat est une sorte d’objet cinématographique non identifié, mi-concert filmé, mi-docu traversé d’une passion tout à fait contagieuse.