Depuis Hygiène de l’assassin, Amélie Nothomb sort un roman par an, à la manière d’un métronome littéraire. Romancière à succès, intellectuelle extravagante, elle est également médium si l’on en croit son dernier livre autobiographique, Psychopompe. Retour sur une bibliographie éclectique, décalée et fascinante.
Hygiène de l’assassin (1992)
Lorsque la Belge Amélie Nothomb paraît sur la scène littéraire, elle n’a que 26 ans et c’est un véritable séisme : son univers morbide, son sens du rythme et du dialogue, son goût outrancier pour l’étrange et le bizarre, marquent immédiatement les esprits. La demoiselle aux chapeaux vertigineux, toute de noir vêtue, a l’art et la manière et Hygiène de l’assassin donne tout de suite le ton avec cette histoire de romancier mourant, obèse et misanthrope, interrogé par une journaliste à la beauté insoutenable. Le succès est immédiat. Et ne sera jamais démenti depuis. Pas une rentrée littéraire sans un nouveau crû estampillé Nothomb qui ne décroche la première place des ventes.
Le Sabotage amoureux (1993)
Amélie Nothomb est également la reine de l’autofiction. Elle le prouve directement avec son second roman, Le Sabotage amoureux, dans lequel elle conte son enfance en Chine et ses premiers émois amoureux voués à la honte et la détestation d’elle-même. Fille de diplomate ayant grandi un peu partout dans le monde, elle fera régulièrement paraître des pans réinventés de sa vie, avec pour point d’orgue Stupeur et Tremblements, son livre le plus populaire et récompensé à ce jour.
Les Combustibles (1994)
Seule pièce de théâtre d’Amélie Nothomb, Les Combustibles, un véritable hommage à la littérature. Diplômée en philologie et amoureuse des écrivains et des mots, l’autrice imagine une société en guerre et subissant le froid. Pour se réchauffer, il faut brûler des livres. Mais lesquels sacrifier ? Lesquels épargner de cet autodafé intellectuel qui en va de sa survie physique ? L’écriture est-elle plus importante que tout ? Une réflexion puissante sur l’amour des livres et leur utilité dans notre existence de tous les jours.
Les Catilinaires (1995)
Entre le huis clos et le thriller, Les Catilinaires est l’un des romans d’Amélie Nothomb provoquant le plus de sueurs froides. Ou l’histoire d’un couple de retraités amoureux, ne rêvant que de solitude à deux, qui voit son havre de paix en forêt profané par un voisin qui vient tous les jours les voir à la même heure, sans dire un mot. Peu à peu, l’angoisse monte. Que leur veut-il ? Pourquoi s’invite-t-il ainsi pour déranger leur tranquillité ? Et quand son épouse, créature monstrueuse, s’ajoute au tableau, on hésite à rire ou à frissonner d’horreur…
Stupeur et Tremblements (1999)
Après avoir vécu sa petite enfance au Japon, Amélie Nothomb se rêve japonaise et décide de retourner vivre et travailler à Tokyo. Elle trouve un poste en tant qu’employée de bureau, mais le choc des cultures sera tel qu’elle va subir honte sur honte, ainsi que les foudres de sa supérieure, la belle et glaciale Fubuki Mori. Nothomb retranscrit de l’intérieur le fonctionnement du monde du travail nippon, entre humiliations, absence de vie privée et tentations de se jeter par la fenêtre. Stupeur et Tremblements a été couronné du grand prix de l’Académie Française et a été adapté au cinéma par Alain Corneau, avec Sylvie Testud dans le rôle de l’écrivaine.
Biographie de la faim (2004)
Il est souvent question d’anorexie dans les romans d’Amélie Nothomb, maladie qu’elle a longtemps éprouvée. Bien que Biographie de la faim ne soit pas à proprement parler une autobiographie, l’autrice y a insufflé tout de même de nombreux passages réellement vécus. Elle y retrace son rapport ambivalent à la nourriture, entre privations et fringales et comment la faim a permis aux différents peuples de notre planète, à se construire et évoluer. Un roman qui se dévore… littéralement.
Soif (2019)
Après la sensation de faim, celle de la soif ! Cela faisait plusieurs années qu’Amélie Nothomb souhaitait raconter la vie de Jésus-Christ selon son propre prisme et elle y parvient avec Soif. Nothomb se met dans la tête de ce dernier, de son procès à sa résurrection, en faisant ressentir tout ce qu’il pouvait éprouver dans sa chair et son for intérieur. Le roman est salué par la critique et a failli obtenir le prix Goncourt. Elle avait déjà fait partie de la sélection de ce prix littéraire fameux avec le roman épistolaire Une forme de vie, en 2010.
Premier Sang (2021)
Dans la famille Nothomb, on demande le père. Décédé au moment de l’épidémie de Covid-19, l’ancien diplomate Patrick Nothomb laisse sa fille inconsolable. Elle décide alors de le ressusciter par le biais du roman Premier Sang, dans lequel elle retrace son enfance, son adolescence, sa famille, son grand amour et sa vocation. Mais aussi son hémophobie, lui faisant perdre connaissance à la moindre goutte de sang, ce qui va être contre-indiqué lors de la prise d’otages de 1964 en République Démocratique du Congo où il officiait en tant que consul.
Psychopompe (2023)
Amélie Nothomb retrouve la veine autobiographique qui a fait son succès avec Psychopompe. Elle y aborde de nombreux sujets très personnels, de son enfance au Japon, au Laos et aux États-Unis, sa fascination des oiseaux, le viol collectif subi à ses 12 ans et ses récentes capacités de medium, depuis la disparition de son père. Sans doute son roman le plus introspectif et bouleversant. À 57 ans, Amélie Nothomb n’a pas fini de nous surprendre.