De l’aventure, de grands espaces inconnus, une trame romanesque forte, des personnages puissants placés dans un contexte géopolitique d’actualité, des inventions merveilleuses, des créatures fantastiques et des descriptions savantes dignes de figurer dans les meilleures encyclopédies… Père spirituel d’une littérature populaire, Jules Verne a construit roman après roman une œuvre fondatrice et parfois visionnaire irriguée par une imagination débridée et une passion pour le progrès de la science.
Aux origines
Fils aîné d’une fratrie de cinq enfants, Jules Verne naît à Nantes en 1928 d’un père juriste originaire de Provins et d’une mère issue d’une importante famille d’armateurs et de marins nantais. Alors que les Verne élisent domicile dans une imposante demeure sur les quais de la Loire, Jules ne connaîtra la mer, qui le fait pourtant déjà rêver, qu’à l’âge de douze ans. À défaut de pouvoir vivre la grande aventure, il cultive dès son plus jeune âge un imaginaire fertile, notamment en griffonnant des vers de poésie. Nourrissant très tôt l’ambition secrète de devenir poète ou romancier, il se résout malgré tout à suivre la voie tracée pour lui par son père en montant faire son droit à Paris. C’est justement dans la ville lumière que sa vocation clairement avouée à imaginer des “ fables ”, comme il aime nommer les fruits de son imagination, va se concrétiser.
Une ambition littéraire
En 1848, peu motivé par la reprise de l’étude paternelle, mollement inspiré par ses études de droit, Jules Verne fréquente avec beaucoup plus de conviction les salles silencieuses des bibliothèques parisiennes que les amphithéâtres de l’université. Poésie, théâtre, romans, aucun format n’échappe alors à sa boulimie d’écriture et à son ambition. Deux ans plus tard, sa passion littéraire plus que jamais chevillée au corps, sa persévérance est enfin récompensée. Proche d’Alexandre Dumas père et fils, il parvient à convaincre le célèbre écrivain d’adapter sur scène une de ses nouvelles intitulée Les Pailles rompues.
Au nom de l’aventure
À cette époque, Jules Verne apprend et s’inspire des meilleurs auteurs du moment (Victor Hugo, Dumas père, Alfred de Vigny) et des grands classiques de toujours comme Shakespeare et Molière. Alors qu’il se rêvait poète à succès, c’est par la comédie et le théâtre qu’il commence à se faire un petit nom dans le microcosme littéraire parisien. Flatté mais pas comblé pour autant par ces débuts pourtant encourageants, il continue de fréquenter avec assiduité les bibliothèques et les librairies de la capitale où il trouve de quoi assouvir sa passion pour les récits d’explorateurs et les ouvrages présentant les dernières innovations scientifiques.
L’appel du roman
Alors que ses essais et ses nouvelles commencent à être régulièrement publiés, que certaines de ses pièces sont jouées, Jules Verne écrit dans le même temps des intrigues romanesques où il peut mettre son imagination fertile au service de ses passions dévorantes pour la science, les voyages, la mer et l’aventure. C’est donc avec plusieurs romans d’aventure d’avance, qu’il rencontre en 1951 le rédacteur en chef de la revue illustrée Musée des familles. Nantais comme lui, ce dernier publie lui ouvre les pages de son magazine en publiant une nouvelle qui sera considérée comme l’ébauche de la plus connue Un drame au Mexique.
Un conteur hors pair, un passeur d’idées
Vulgarisateur de génie à l’esprit affûté et aux talents littéraires multiples, Jules Verne est repéré et engagé en 1862 par l’éditeur Pierre-Jules Hetzel pour rendre compte des dernières découvertes scientifiques, géographiques et ethnologiques. Ayant parfaitement saisi tout le potentiel de son nouvel auteur, ce dernier lui confie une mission à la fois littéraire et pédagogique consistant à éduquer en divertissant. Intellectuellement et amicalement très proches, les deux hommes débutent avec Cinq semaines en ballon (premier volet de la série des Voyages extraordinaires) une aventure littéraire qui ne sera interrompue que par la mort de l’éditeur en 1886. C’est durant cette période dorée de près de trente ans où l’inspiration ne lui a jamais fait défaut que Jules Verne écrit tous les romans qui l’ont fait passer à la postérité. Narrateur hors pair maîtrisant ses sujets à la perfection, il réussit à jeter un pont alors inédit entre l’univers sérieux des savants et les mondes fantastiques que l’on n’attribue encore qu’aux enfants.
Un fervent progressiste aux idées conservatrices
Issu de l’élite instruite du Second Empire, et bien qu’il ne soit pas un homme d’idées, Jules Verne véhicule dans ses romans les valeurs conservatrices de son temps et de son rang, à savoir le respect de l’ordre établi, le sérieux et le travail. À la fin de sa vie, il sut toutefois faire évoluer sa pensée en y apportant quelques nuances importantes. Favorable à une colonisation humaniste où les nations européennes évoluées se devaient d’apporter le progrès aux peuples dits « sauvages » d’Afrique, d’Asie ou d’Océanie, Jules Verne s’est toujours déclarer comme un farouche opposant à l’esclavage. Fervent admirateur d’Abraham Lincoln et en totale adéquation avec la philosophie Yankee, sortie victorieuse de la Guerre de Sécession en défendant l’idéal patriotique et la liberté individuelle, il adhère à la pensée Positiviste dont la maxime Ordre et Progrès rejoint ses aspirations profondes. Il loue l’esprit d’entreprise et affiche une véritable détestation pour l’argent facile gagné par ceux qui, à l’instar des esclavagistes, s’enrichissent du travail des autres.
Des héros qui lui ressemblent
Qu’il s’agisse de l’ombrageux et insaisissable Capitaine Nemo, de l’intrépide Philéas Fogg ou encore le valeureux Michel Strogoff, aucun de ses héros n’est mû par l’appât du gain, mais bien par une noble aspiration, celle d’un projet à réaliser, d’une œuvre à accomplir. Seuls ceux qui luttent pour leur liberté ou pour un idéal ne trouvent grâce à ses yeux. Au contraire, il n’a que mépris pour les hommes d’argent qu’il présente systématiquement comme des êtres cupides et malfaisants à qui il donne les rôles du méchant de l’histoire. Progressiste sur bien des points, il ne déroge pourtant pas aux préjugés antisémites solidement ancrés dans la culture catholique française de l’époque que l’on retrouve dans des romans comme Martin Paz (1853) et Le château des Carpathes (1892). De même, marqué par la guerre de 1870, il exprime ouvertement son anti-germanisme, jugeant les allemands belliqueux et dangereux, notamment dans Le secret de Wilhelm Storitz (1910) ou l’ambitieux Les 500 millions de la Bégum (1879) confrontant dystopie et utopie.
L’humilité des hommes face à une nature majestueuse et redoutable
De 20 000 lieues sous les mers à Michel Strogoff, du Voyage au centre de la terre à De la terre à la lune en passant par le méconnu Nord contre sud ou La Jangada, chaque roman de Jules Verne embarque le lecteur dans un voyage vers l’inconnu au-delà des océans, des continents ou des étoiles. Aux commandes de ma chines fantastiques ou de remarquables embarcations sur les mers, dans les airs ou sur terre, les héros « verniens » voguent, volent ou chevauchent au cœur d’une nature aussi belle et fascinante que cruelle et hostile. Peuplés de bestiaires aussi extraordinaires que dangereux où se côtoient de redoutables animaux sauvages et de monstrueuses créatures prisées des cryptozoologistes (on pense au Plésiosaure du Voyage au centre de la terre ou du terrible Kraken, le poulpe géant de20 000 lieues sous les mers), les mondes imaginés par Jules Verne ont la particularité de refuser par tous les moyens d’être asservi à la présence humaine.
Un romancier de dimension internationale
En ouvrant ses pages à toutes les nationalités et à toutes les cultures, Jules Verne s’est forgé une réputation d’auteur universel et internationaliste, particulièrement apprécié dans les pays anglo-saxons. Reconnu comme le père spirituel de la littérature d’anticipation moderne, Jules Verne reste la références dont se revendiquent fièrement des monstres sacrés de la science-fiction américaine du XXe siècle comme H.G. Wells, Ray Bradbury, Clifford D. Simak ou Michael Crichton.
Des films à la pointe du progrès cinématographique
Spectaculaire et parfaitement scénarisé, chaque roman de Jules Verne est par nature une invitation à l’adaptation visuelle. Véritable offrande au cinéma, son œuvre a fait l’objet de plus de trois cent long-métrages depuis les débuts du septième art. Des chefs-d’œuvre du muet comme Le Voyage dans la lune de Georges Méliès ou Michel Strogoff de Victor Tourjanski jusqu’aux deux versions modernes du Voyage au centre de la terre incarnées par Brendan Fraser et Dwayne Johnson, en passant par les inoubliables séries TV des années 70 comme L’Île mystérieuse et Deux ans de vacances, l’œuvre vernienne reste indissociable de l’évolution du cinéma.
Le plus hollywoodien des auteurs français
Aux USA, ses romans les plus célèbres ont donné lieu à d’immenses classiques comme 20 000 lieues sous les mers (1954), Voyage au centre de la terre (1959, 2008), Les révoltés de la Bounty (1935, 1962, 1984). Entrés au patrimoine du cinéma, ces films épiques et spectaculaires témoignent de l’immense respect des studios et des plus grands réalisateurs hollywoodiens pour l’œuvre de Jules Verne. Chaque nouvelle adaptation sonne comme un adoubement supplémentaire de la puissante industrie US du divertissement pour un écrivain français visionnaire et atypique dans son pays qui collait sans le savoir si bien à l’esprit américain.
