Ces Palmes d’or qui dépotent

Blow-Up (1967)

Les Palmes d’or sont décernées depuis 1955, bien que le Festival de Cannes existe depuis 1939. Et parmi les premiers récipiendaires totalement inattendus, Blow-Up de Michelangelo Antonioni. Le réalisateur italien s’aventure pour la première fois en langue anglaise, décrivant le Londres des années 1960 sous le prisme du sexe, de la mode, de la violence et du rock and roll. Le long-métrage passe de la couleur au noir et blanc et inversement, en explorant toutes les techniques possibles. Zooms, travellings et formats panoramiques : gare au mal de mer !

MASH (1970)

On sait rire aussi, à Cannes ! Pour preuve, la comédie de Robert Altman, MASH a décroché, contre toute attente, la Palme d’or. Cette critique caustique est particulièrement orientée sur la guerre de Corée, et sur les conflits armés dans lesquels les États-Unis interviennent militairement. Ici, on est immergé dans un hôpital de campagne où personne ne respecte les règles et où les chirurgiens préfèrent lutiner les infirmières que guérir les soldats blessés. Le film devenu culte s’accompagne d’un casting tout aussi remarquable (Donald Sutherland, Elliot Gould et Robert Duvall) et sera dérivé en série entre 1972 et 1983.

Taxi Driver (1976)

Diatribe contre la guerre du Vietnam et ses conséquences psychologiques sur les soldats vétérans, Taxi Driver de Martin Scorsese est également une critique du New York des années 1970, porté par un taux de criminalité défiant toute concurrence. Robert De Niro incarne un ancien marine reconverti en chauffeur de taxi insomniaque, obsédé par les armes à feu et la pornographie. Il tentera de sauver une adolescente de 12 ans qui se prostitue : la juvénile Jodie Foster. Un film choc, âpre, réaliste, qui a durablement marqué la Croisette.

Le Tambour (1979)

Palme d’or ex aequo avec les Walkyries en hélicoptères d’Apocalypse Now, Le Tambour de Volker Schlöndorff est bien aussi fou que le chef-d’œuvre de Coppola. Alors que le nazisme monte en puissance, Oskar, un petit Allemand de trois ans, surdoué et fan de tambour, décide de ne jamais grandir. Cet éternel enfant capable de faire exploser tout type de verre rien que par sa voix, assiste à la violence de l’Allemagne des années 1930-1940. Entre scènes oniriques, felliniennes et ultra-réalistes, Le Tambour, un condensé du pire de l’humanité vu à hauteur de minot.

Sailor et Lula (1990)

Quand David Lynch se lance dans un road-trip, cela donne un film aussi étrange qu’explosif, Sailor et Lula. Nicolas Cage (Sailor) et Laura Dern (Lula) y sont deux amants impétueux devant échapper à la mère de Lula, plutôt psychopathe sur les bords. Ils vont croiser d’étonnants personnages pendant leur cavale, dont la destination n’est autre que l’enfer sur Terre. Par un mélange des genres dont il a le secret, Lynch signe un film hypnotique sur la fureur de vivre et d’aimer.

Pulp Fiction (1994)

Et le monde entier découvrit Quentin Tarantino. Après Reservoir Dogs, premier long remarqué, le nouveau garnement d’Hollywood prouve avec Pulp Fiction, qu’il est un cinéaste sur lequel il faudra compter. Un morceau de bravoure et de violence, une déclaration d’amour au cinéma et aux années 1950, une bande originale savamment choisie, la résurrection de John Travolta en tueur à gages philosophique, des tirades devenues emblématiques, des scènes inoubliables… Pulp Fiction est une preview incroyable de tout ce qui nous attendra par la suite dans le cinéma de Tarantino.

Underground (1995)

Déjà lauréat d’une Palme d’or en 1985 pour Papa est en voyage d’affaires, Emir Kusturica remet ça avec Underground. Un film-fleuve totalement burlesque, traitant d’une quarantaine d’années dans la vie de résistants clandestins qui s’enferment dans une cave et de la passion d’un trio d’amoureux. Quarante années qui filent comme un éclair, dans une mise en scène virevoltante agrémentée d’une bande originale façon fanfare et d’une critique acerbe de la montée du communisme et de ses dérives.

Parasite (2019)

Parasite est sans doute le film sud-coréen le plus récompensé de tous les temps et c’est par le Festival de Cannes que tout a commencé. Comédie familiale façon Ettore Scola, drame social sur la lutte des classes, thriller psychologique, le film de Bong Joon-ho est tout ça à la fois. L’histoire de cette famille pauvre s’immisçant peu à peu dans la maison d’une famille aisée, en se faisant embaucher comme domestiques est promise à moultes péripéties. On rit, on angoisse, on hallucine, Parasite est un condensé de la vie… en pire.

Titane (2021)

Une tueuse en série tombe enceinte de la voiture avec laquelle elle vient de faire l’amour. Poursuivie par la police, elle se fait passer pour le fils disparu du chef des pompiers des environs, tandis que sa grossesse commence à être de plus en plus visible. Un pitch totalement improbable pour Titane, second long de Julia Ducournau après Grave. Un film de genre esthétique, clinique et totalement barré, qui a su séduire le jury cannois par son audace et sa radicalité.

Sans filtre (2022)

Après une Palme d’or reçue pour The Square, critique caustique du monde de l’art contemporain, Ruben Östlund récidive avec Sans filtre dans son observation à la fois amusée et déprimée du monde qui nous entoure. Ici, on suit un couple de mannequins sur une croisière destinée aux riches, qui se soldera par un naufrage. Les survivants se retrouverons alors sur une île et ils devront faire face à la vacuité de leur existence. Un nouveau choc cinématographique mêlant humour et gravité.

Anora (2024)

Anora s’impose en tant que Palme d’or électrique. Dans cette comédie dramatique, le réalisateur américain Sean Baker nous peint le portrait d’une strip-teaseuse au destin chamboulé par son improbable coup de foudre avec le fils d’un oligarque russe. A peine mariée, Anora (incarnée par la magnétique Mikey Madison, couronnée de l’Oscar de la meilleure actrice), deviendra la cible des parents du jeune homme qui tenteront par tous les moyens de faire annuler cette union. Punchy, touchant et surprenant, ce conte de fées acide a également été récompensé par cinq Oscars.