Stephen King, maître de l’horreur ? Oui, mais pas seulement, tant le célébrissime auteur aux trois cents millions de livres vendus pour soixante-dix-sept ouvrages ne peut être réduit à ce genre précis. Au cours de sa longue carrière, il a exploré tous types de thèmes et d’ambiance avec brio, armé de son imagination pour le moins fertile. Petit tour d’horizon en douze œuvres incontournables.
Shining, mauvaise évaluation pour l’hôtel Overlook
Probablement le plus connu des romans du maître, Shining est seulement son troisième manuscrit publié, en 1977. Il raconte les aventures de la famille Torrance, composée de Jack, Wendy et leur fils Danny. Jack, homme cultivé au tempérament colérique, accepte un emploi saisonnier en tant que gardien de l’hôtel Overlook, situé au Colorado et fermé durant l’hiver. Danny, jeune garçon âgé de cinq ans, possède le « shining », un don de médium qui le rend sensible aux forces surnaturelles. Problème, l’hôtel est possédé par des esprits malfaisants qui influent sur l’attitude de son père déjà instable jusqu’à le rendre incontrôlable et violent envers sa famille. Son adaptation cinéma par Stanley Kubrick, bien qu’objectivement le meilleur film adapté des écrits de Stephen King, a été rejetée par son créateur qui en a scénarisé une autre version sous forme de mini-série en 1997.
Le Fléau, une petite grippe qui tourne mal
D’abord publié en 1978, Le Fléau a subi d’importantes coupes de la part de la maison d’édition de Stephen King en raison de la longueur du manuscrit et de certains thèmes jugés trop clivants pour l’époque. Heureusement l’auteur réussit en 1990 à sortir la version originale augmentée et réactualisée. Œuvre d’anticipation post apocalyptique décrivant notre monde dévasté par un virus, il met en scène les seuls survivant·e·s à cette épidémie qui a décimé 99,7% de la population mondiale. Regroupés en deux communautés que tout oppose derrière Mère Abigaël et Randall Flagg, les protagonistes du Fléau rejouent le conflit immémorial entre Bien et Mal. Roman le plus long de Stephen King, il propose des similarités troublantes avec notre époque. À noter que Flagg est un antagoniste récurrent de l’œuvre de Stephen King.
Dead Zone, la puissance du cerveau humain
Cinquième roman de Stephen King, publié en 1979, Dead Zone fait partie des quelques œuvres du maître écrites en ayant élaboré l’intrigue en amont, alors qu’il utilise en général une méthode intuitive, se laissant guider par ses personnages. Le héros de cette histoire, John Smith, a depuis l’enfance des intuitions qui se réalisent. Suite à un accident de la route qui le plonge dans le coma pendant cinq ans, il se réveille et découvre que son don s’est considérablement développé. Il voit désormais le passé et le futur d’une personne lorsqu’il entre en contact avec elle. D’abord objet de curiosité puis de rejet par ses contemporains, il décide d’utiliser son pouvoir pour empêcher de sombres évènements de se produire. David Cronenberg en a tiré une adaptation cinématographique en 1983 avec Christopher Walken dans le rôle-titre.
Marche ou crève, faites du sport
Premier roman terminé par Stephen King alors qu’il était étudiant, en 1966/1967, Marche ou Crève a d’abord été refusé par les maisons d’édition auxquelles il l’avait soumis. Ce n’est qu’une fois auteur reconnu qu’il a de nouveau proposé ce manuscrit, en utilisant son désormais célèbre alias de Richard Bachman. Finalement publié en 1979, ce roman d’anticipation dystopique prend place dans des États-Unis devenus un pays totalitaire. Chaque année a lieu une longue marche depuis le Maine vers le sud du pays à laquelle participent cent volontaires de moins de 18 ans. Épreuve macabre où les abandons sont punis de mort, le vainqueur et seul rescapé reçoit fortune et gloire. Le jeune protagoniste de ce roman, Ray Garraty, découvre progressivement les profondeurs insoupçonnées de l’âme humaine poussée dans ses derniers retranchements.
Cujo, le meilleur ami de l’homme
Écrit en grande partie durant le séjour de King en Angleterre en 1977, Cujo est finalement publié en 1981. Le fameux Cujo est un Saint-Bernard, le meilleur ami du jeune Brett, fils de Charity et Joe Camber, le seul garagiste de la petite ville de Castle Rock. Le chien, doux et affectueux, devient une bête assoiffée de sang après avoir été mordu par une chauve-souris porteuse du virus de la rage. Le garage des Camber, isolé du reste de la ville, se transforme en piège mortel pour les rares visiteurs, Donna Trenton et son fils Tad en tête. Piégés par l’animal à l’intérieur de leur voiture durant plusieurs jours, ils semblent condamnés. Stephen King raconte avoir eu l’idée de ce roman en se retrouvant lui-même cerné par le Saint-Bernard de son garagiste.
Différentes Saisons, différentes ambiances
Recueil de quatre nouvelles écrites au fil des ans par Stephen King, Différentes Saisons est la réponse de l’auteur aux critiques qui le jugeaient uniquement cantonné aux domaines de l’horreur et du fantastique et donc écrivain de seconde zone. Les trois premières nouvelles, Rita Hayworth et la Rédemption de Shawshank, Un Élève Doué, et Le Corps, évoquent l’amitié entre deux prisonniers, une relation malsaine et destructrice entre un adolescent et un ancien nazi caché aux États-Unis et une épopée enfantine douce-amère. Ces trois romans courts ont fait l’objet d’adaptation au cinéma. La dernière nouvelle, intitulée La Méthode Respiratoire, contient quelques éléments horrifiques plus familiers de l’univers de l’auteur. Véritable réussite, ce recueil publié en 1982 est à conseillé à tous·tes les amateur·ice·s de Stephen King ainsi qu’aux curieux·ses.
Running Man, jeu dangereux
Autre roman publié sous le nom de plume de Richard Bachman, Running Man est une nouvelle incursion du maître de l’horreur dans le domaine de l’anticipation. Publié en 1982, il dépeint les États-Unis de 2025 en dictature à l’économie ruinée. Dans ce contexte, un jeu télévisé ultraviolent fait fureur, La Grande Traque. Un candidat doit échapper à la mort durant trente jours alors qu’une horde de chasseurs professionnels est à ses trousses. La population étant invitée à donner des informations sur la proie, celui-ci n’est à l’abri nulle part. Ben Richards décide de participer dans l’espoir de récolter la récompense qui permettra de sauver sa fille malade. Roman éclairé sur les dérives de la société du spectacle, il a fait l’objet d’une adaptation au cinéma avec Arnold Schwarzenegger qui ne conserve que les grandes lignes du scénario.
Simetierre, six pieds sous terre
Pur roman d’horreur publié en 1983, Simetierre est encore une fois inspiré par différents évènements vécus par Stephen King. Louis Creed, jeune médecin de Chicago, emménage avec toute sa famille à Ludlow, petite bourgade du Maine. Ayant fait la connaissance de Judson Crandall, son voisin octogénaire, il découvre le cimetière des animaux créé par des enfants de la ville. Alors que sa femme et ses enfants sont en vacances, le chat familial meurt écrasé. Le voisin emmène Louis l’enterrer dans un cimetière indien. Les problèmes débutent lorsque le chat revient le jour suivant, physiquement inchangé mais au caractère instable. La vie de Louis change à jamais lorsque son fils meurt accidentellement quelque temps après.
Ça, manuel de coulrophobie
L’un des romans les plus connus de Stephen King et constamment cité tout en haut des listes des meilleures œuvres de l’auteur, Ça est publié en 1986, au cœur de sa période la plus faste. Son récit, qui alterne entre deux périodes, raconte l’histoire d’une bande d’amis confrontés à une entité maléfique qui utilise les peurs présentes en chacun d’eux. Les héros affrontent cet ennemi protéiforme durant leur enfance à Derry avant d’y revenir vingt sept ans plus tard pour terminer le travail. Apparaissant à chacun sous une forme différente, « ça » prend toutefois fréquemment l’apparence d’un clown maléfique. Roman ayant traumatisé des générations d’enfants, il a fait l’objet de plusieurs adaptations au cinéma.
Misery, l’angoisse de la page blanche
Publié en 1987, Misery est l’un des rares romans de Stephen King dépourvu d’éléments surnaturels. Le héros, Paul Sheldon, est un écrivain à succès dont la fortune tient à la série d’aventures de Misery Chastain. Décidé à tourner la page, il tue son héroïne dans son dernier roman, mais est victime d’un accident de la route avant de pouvoir envoyer son manuscrit. Annie Wilkes, une infirmière, le recueille et le soigne. Problème, Sheldon découvre que celle-ci est l’une de ses plus grandes fan et vit très mal la mort de son personnage favoris. Désormais son captif, obligé de donner une autre tournure à son dernier livre, il est livré à la violence psychologique et physique de sa geôlière. Huis-clos presque total, ce roman prouve encore une fois que Stephen King parvient à briller dans des genres très différents.
Les Tommyknockers, seul contre tous
Autre roman publié en 1987, Les Tommyknockers raconte l’histoire de Roberta Anderson, romancière, qui découvre par hasard un vaisseau extraterrestre enterré tout près de la ville de Haven. Une fois à l’air libre, l’appareil prend progressivement le contrôle des habitants, installant une aura malfaisante. James Gardener, ami de Roberta, découvre la situation en rendant visite à celle-ci, mais reste sain d’esprit grâce à une plaque de métal dans son crâne. Prenant conscience qu’il est probablement le seul à pouvoir intervenir, il doit faire face à son amie et aux habitants pour tenter de briser l’influence malsaine du vaisseau. Écrit au plus fort de la Guerre Froide, le roman interroge sur la morale au temps des armes de destruction massive.
22/11/63, l’assassinat de JFK ?
Roman de science-fiction sur le thème du voyage dans le temps, 22/11/63 sort en 2011. Le héros, Jake Epping, découvre un portail temporel qui l’amène en 1958, toujours à la même date, à chaque passage. Résolu à utiliser cette opportunité pour changer l’Histoire du monde, il décide d’empêcher l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy qui a lieu cinq ans plus tard. Mais le passé résiste et Jake se retrouve à devoir préparer minutieusement chaque tentative. En parallèle, il rencontre celle qui devient l’amour de sa vie, Sadie Dunhill. Dans ce roman qui mêle habilement l’intime et la grande Histoire, Stephen King joue avec l’idée de paradoxes temporels. Le héros est constamment confronté aux conséquences de ses actions et découvre la formidable inventivité du passé à éviter tout changement. Brillant.