« Now what you hear is not a test: I’m rappin’ to the beat » : depuis Rapper’s Delight, en 1979, première chanson rap de l’Histoire, le hip-hop américain a progressivement quitté New York pour conquérir les États-Unis, puis le monde entier. De Run D.M.C. à Eminem, de 2Pac à Nicki Minaj, il a fait émerger des légendes et des disques somptueux.
Run D.M.C. – Raising Hell
Date de sortie : 1986
Précurseurs du rap, créé à une époque où le genre existait essentiellement dans quelques quartiers de New York, Run D.M.C. a offert au hip-hop ses premiers succès commerciaux. Sur leur troisième album, Raising Hell, il travaille avec le producteur Rick Rubin, alors à l’œuvre sur les disques des métalleux de Slayer, mais aussi avec les Beastie Boys.
L’alchimie est totale : outre un duo avec Aerosmith pour Walk this Way, le disque est émaillé de petites bombes, comme It’s Tricky, My Adidas ou Peter Piper. Entraînant et hardcore, l’opus fait définitivement entrer le hip-hop dans une nouvelle ère, après les singles fondateurs réalisés par Grandmaster Flash & The Furious Five, Sugarhill Gang ou Afrikaa Bambataa.
N.W.A. – Straight Outta Compton
Date de sortie : 1988
Alors que New York dominait le rap à travers Public Enemy, Run D.M.C. ou les Beastie Boys, une réponse venue de Californie devait tout emporter sur son passage : originaire de Compton, N.W.A. posait avec Straight Outta Compton la première pierre du rap West Coast, et du gangsta rap. Avec la production énergique et funky de Dr. Dre et les textes enragés d’Eazy-E, Ice Cube et Mc Ren, le hip-hop devenait pure expression du ghetto, et commençait à connaître quelques ennuis avec la censure. Il en reste aujourd’hui un disque qui dit de Los Angeles toute la violence nichée derrière le strass et les paillettes.
Public Enemy – Fear of a Black Planet
Date de sortie : 1990
Avec Public Enemy, le rap s’inscrivait dans le sillage des luttes pour les droits civiques et l’émancipation des Noirs qui a couru tout au long du XXe siècle. Le troisième album de Public Enemy, Fear of a Black Planet, paraît alors que le groupe de Chuck D est vu par les médias comme des artistes controversés et révolutionnaires. Leur message, autour de la liberté d’expression et la lutte contre le pouvoir (Fight the Power) est entouré ici d’une bande instrumentale inouïe. Welcome to the Terrordome ou Burn Hollywood Burn (avec Ice Cube et Big Daddy Kane) capturent toute la rage du hip-hop, en même temps que le caractère musical extrêmement riche du genre !
Gang Starr – Step in the Arena
Date de sortie : 1991
Rappeur fluide, cool et ouvert d’esprit, Guru s’associe au milieu des années 1990 avec le novateur DJ Premier : leur groupe, Gang Starr creusera le filon du rap à motif jazzy, empreint de Great Black Music et de technicité. Leur deuxième album, Step in the Arena, comme les disques de De la Soul ou d’A Tribe Called Quest, propose un vrai moment de rap pur, empli de jolis samples et de scratchs. Lovesick, Just to Get A Rep, ou le morceau éponyme brassent avec bonheur trente ans de musique noire, pour en créer une nouvelle, aussi profonde qu’authentique.
Snoop Dogg – Doggystyle
Date de sortie : 1993
Principal rappeur sur le premier album solo de Dr. Dre (The Chronic), Snoop Dogg y faisait éclater un talent pur. Son flow, tour à tour enragé ou langoureux, s’accordait parfaitement au G-Funk concocté par l’ex-producteur de N.W.A.. Dre lui rendait la monnaie de sa pièce en étant aux manettes sur Doggystyle, classique absolu du rap californien. Avec ses hits (Who Am I (what’s My Name)?, Gin N Juice ou Ain’t No Fun), ses basses énormes, son casting impeccable (Tha Dogg Pound, Nate Dogg, Warren G, Kurupt, Daz Dillinger), ce disque d’invitation aux longues rides en cabriolet, aux barbecues et autres pool parties reste l’emblème du rap gangsta des années 1990.
Wu-Tang Clan – Enter the 36th Chamber
Date de sortie : 1993
Au rap ensoleillé de la côte Ouest, la côte Est se devait de répliquer. Chose faite en 1993, avec la sortie d’Enter the 36th Chamber. Œuvre d’un crew de MC tous plus talentueux les uns que les autres (GZA, Ol’ Dirty Bastard, Method Man, Raekwon, Ghostface Killah) encadrés par le producteur geek RZA, ce premier album remettait le hip-hop à même l’asphalte, au fond d’une rue sombre. Samples de films de kung-fu et de soul, textes brutaux sur la vie de gangsters dans les pires quartiers de New York et flows ténébreux constituaient le socle principal de tubes comme C.R.E.A.M., Bring Da Ruckus ou Wu-Tang Clan Ain’t Nuthing ta F’ Wit. Bientôt suivi, sur la côte Est, de Nas, Mobb Deep ou Jay-Z, le Wu-Tang Clan changeait à jamais la face du rap mondial dès son premier opus.
Notorious B.I.G. – Ready to Die
Date de sortie : 1994
Pris sous son aile par le producteur Puff Daddy, Notorious B.I.G. était un paradoxe musical passionnant. En effet, sous la coupe du futur P. Diddy, ses singles, comme Big Poppa ou Juicy, enflammaient les dancefloors. Mais, à travers ses paroles et des titres plus tranchants, tels Ready to Die ou Suicidal Thoughts, Biggie a également anticipé tout le versant sombre du rap new-yorkais, synthétisant sur le magnifique Ready to Die toutes les directions que le hip-hop prenait à l’époque.
Nas – Illmatic
Date de sortie : 1994
Avec des fées comme DJ Premier, Q-Tip ou Pete Rock autour de son berceau, le jeune Nas, 21 ans, devait entrer dans l’Histoire en 1994 avec Illmatic, un premier album synthétisant tout le rap new-yorkais. Hardcore et doux, jazzy puis brut, le disque met en lumière un rappeur d’une incroyable efficacité, à découvrir sur des titres incontournables tels The World is Yours, N.Y. State of Mind ou Life’s is a Bitch, avec AZ et son père, Olu Dara, en featuring.
Lil’ Kim – Hard Core
Date de sortie : 1996
Membre de l’entourage de Notorious B.I.G. et de Puff Daddy, Lil’ Kim a trouvé un ton à part dans le rap des années 1990. La jeune femme rappelle, dans son album Hard Core, le meilleur des années 1970, époque où des artistes féminines comme Betty Davis osaient évoquer la sexualité en termes très explicites. Les titres les plus célèbres du disque, Crush on You, Not Tonight ou Big Momma Thang, renvoient d’ailleurs à cette époque à travers des samples de funk particulièrement bien intégrés à l’ensemble.
2Pac – All Eyez on Me
Date de sortie : 1996
Sorte d’ange noir du gangsta rap californien, 2Pac réussit avec All Eyez on Me la synthèse parfaite entre ses différentes inspirations. Le futur martyr de la guerre est-ouest y déploie un flow reconnaissable entre tous, le temps de classiques comme Ambitionz Az A ridah, How Do You Want It ou le morceau titre : influencé par le funk mais aussi par les pans les plus sombres du rap, M. Tupac Shakur s’approchait d’un langage presque universel pour le rap, tant son talent éclaboussait chacune de ses prises de micro, le rendant célèbre dans le monde entier.
Dr. Dre – 2001
Date de sortie : 1999
Si le premier disque solo de Dr. Dre introduisait Snoop Dogg au grand public, le rappeur principal du second, 2001, Hittman, n’a pas vraiment rejoint la postérité. Qu’à cela ne tienne. 2001 consacre la décennie de domination du bon docteur sur le son du rap californien, et fait intervenir un autre poulain signé par le producteur-nabab : Eminem. Présent sur Forgot About Dre et What’s the Difference, la future star d’8 Mile prêtait là allégeance à son mentor, tout comme Snoop Dogg, invité comme sparring-partner sur l’une des meilleures chansons de rap de tous les temps : Still D.R.E.
Eminem – The Marshall Mathers L.P.
Date de sortie : 2000
Deuxième volet d’une trilogie formée avec The Slim Shady L.P. et The Eminem Show, The Marshall Mathers L.P. est la confirmation du phénomène Eminem. Se livrant à une introspection profonde quant à sa vie d’avant et sa famille (Kill You), son statut de star (Stan), l’enfant de Detroit écrit aussi un portrait au vitriol du show-business (The Real Slim Shady) tout en affinant encore son flow fluide, rapide et son sens inouï de la rime. Ce second opus, comme tous les disques de sa première partie de carrière, mérite de toute façon de figurer dans tous les tops d’albums de rap américain, tant ils ont fait se rencontrer réussite artistique et commerciale !
Outkast – Stankonia
Date de sortie : 2000
Tranchant avec les productions gangsta ou rugueuses, Outkast soufflait un vrai vent de fraîcheur sur le rap américain au début des années 2000. Sur Stankonia, leur son sudiste, groovy et parfaitement en phase avec son époque, investissait les charts : Ms. Jackson, So Fresh, So Clean ou B.O.B. sont ainsi emblématiques de leur recette à la fois ironique et efficace.
Jay-Z – The Blueprint
Date de sortie : 2001
Sorti le 11 septembre 2001, The Blueprint paraît, assez ironiquement, comme un disque de célébration. Jay-Z, influencé par la musique de son enfance, y décide de rapper comme jamais. Lui, le gangster, le ghostwriter, l’éternel rival des têtes de proues new-yorkaises, s’y asseyait définitivement sur le trône du rap mondial. Pour ce voyage egotrippique et festif, le garçon avait eu le bon goût d’embaucher les futurs meilleurs producteurs des années 2000 : Kanye West, à l’œuvre sur Takeover ou Izzo, et Just Blaze, beatmaker de Girls, Girls, Girls et Song Cry. Le fruit de leurs collaborations reste un très grand moment de groove et de flow assassin.
Lil Wayne – Tha Carter II
Date de sortie : 2005
Après la Californie et la Côte Est, le rap a déplacé son centre de gravité vers le Sud au cours des années 2000. Lil Wayne, originaire de Louisiane, en a été l’une des figures motrices. Tha Carter II, avec son jusqu’au-boutisme, ses paroles évoquant le mode de vie locale tout autant que la criminalité, imposait un nouveau bling-bling dans le hip-hop, mais aussi une sonorité novatrice, à découvrir sur Hustler Musik, Best Rapper Alive et autres Fireman.
Kanye West – My Beautiful Dark Twisted Fantasy
Date de sortie : 2010
Réconciliant le rap avec les milieux indépendants, Kanye West reste le grand innovateur du rap des années 2000-2010. Geek de studio devenu rappeur versant plutôt vers la pop, il a toujours su jongler entre les deux casquettes, en particulier sur My Beautiful Dark Twisted Fantasy. Samplant King Crimson, invitant Bon Iver autant qu’un casting rap/R’n’B V.I.P. (Rihanna, Rick Ross, Pusha T, John Legend), Yeezy réinventait le hip-hop, à coup de piano lancinant (Runaway), de démonstration de force à l’énergie rock (Power) et de tube dansant (All of the Lights).
Drake – Take Care
Date de sortie : 2011
D’origine canadienne, Drake devait infléchir sa carrière en signant chez Young Money, le label de Lil Wayne basé en Louisiane. Malgré cette affiliation au son du Sud des États-Unis, ses premiers albums allaient l’imposer comme le maître d’une pop-rap susceptible de plaire à la planète entière. Take Care, et les hits Headlines ou Marvins Room, sans oublier le morceau titre avec Rihanna, mêlent ainsi, habilement, dancefloors, R’n’B et vrai flow pour mieux définir le son d’une époque, celle de Drake, dans laquelle nous baignons encore.
Nicki Minaj – The Pink Print
Date de sortie : 2014
Signée avec Drake chez Young Money, Nicki Minaj représente bien l’émancipation du rap féminin dans les années 2010. Bientôt suivie par Cardi B ou Meghan Thee Stallion, la jeune femme dévoilait toutes ses aptitudes sur The Pink Print, où son flow hautain et egotrippique faisait merveille. Avec ces tubes comme Anaconda, Only et Feeling Myself, la MC devenait soudain une megastar, sans égale ou presque du côté de ses homologues masculins.
Kendrick Lamar – To Pimp A Butterfly
Date de sortie : 2015
Originaire de Compton, Kendrick Lamar s’est d’abord imposé dans le milieu indé de la ville avant d’exploser : annoncé comme le protégé de Dr. Dre pour son album Detox (jamais sorti), il a signé en major et devint rapidement le symbole de la nouvelle génération de rappeurs américains, à la fois talentueux et engagés. Son deuxième disque, To Pimp a Butterfly, où se trouve Alright, brûlot politique teinté de mélancolie, confirmait en 2015 son statut : avec son flow jazzy et vibrant, le garçon y enchaînait les morceaux de bravoure, de King Kunta à The Blacker the Berry.
Future – DS2
Date de sortie : 2015
À coup de mixtapes, de producteurs géniaux (London on da Track, Birdman, Lex Luger), d’artistes et groupes talentueux et délicieusement foutraques (Young Thug, Metro Boomin, Gucci Mane, Migos, Waka Flocka Flame…), la trap et le son d’Atlanta ont conquis le monde dans les années 2010. Future, avec son usage délirant de l’autotune et son flow typique devait faire une très forte impression. Sur DS2, il a donné en quelque sorte le manifeste de cette scène, avec des titres aussi punchy que F*ck Up Some Commas, Stick Talk ou Where Ya At.