Quand le cinéma met la police à l’amende… À la fin de l’année sort BAC Nord qui a fait carton plein au cinéma, tout comme Les Misérables deux ans plus tôt. Ces deux fictions nous offrent une vision réaliste du métier de policier qui rejoint d’autres films sur le sujet, entre drames humains et adrénaline dopée au suspense.
Des légendes dans la peau d’un flic
Dans un pays où les films policiers sont légions, le rôle de flic ne pouvait pas échapper aux monstres sacrés du cinéma français que sont Gabin, Delon, Montand et Belmondo. Chacun dans leur genre, ils ont réussi avec brio à enfiler le costume du policier, avec le charisme qui leur est propre.
Le Pacha
On commence avec Jean Gabin, dans Le Pacha, réalisé par Georges Lautner. Dans ce long-métrage, Gabin incarne Louis Joss, qui enquête sur la mort de son vieil ami Albert Gouvion, a priori par accident. Joss en est convaincu : Gouvion a été tué. Et il mettra tout en œuvre pour faire éclater la vérité et venger son ami. Dans ce film haletant, Gabin joue une fois de plus à merveille les dialogues percutants de Michel Audiard. Certaines répliques-culte résonnent encore, plus que 40 ans après la sortie du long-métrage.
Un flic
Intéressons-nous maintenant à Alain Delon, qui a pris l’habitude de s’illustrer dans la peau d’un policier. Tout d’abord, en 1972, dans Un flic de Jean-Pierre Melville, il se glisse dans le costume d’Édouard Coleman, enquêteur pour le moins désabusé lorsqu’il découvre que son meilleur ami a commis un braquage. Ainsi, il essayera tant bien que mal d’exercer son métier. Dans ce qui sera le dernier film de Melville, Delon impressionne dans l’habit du policier, et ce n’est qu’un début.
Flic Story
Trois ans plus tard, l’acteur interprète de nouveau un inspecteur de police dans Flic Story de Jacques Deray, adaptation des mémoires de l’ex-policier Roger Borniche, il y poursuit un dangereux criminel, Émile Buisson, incarné par Jean-Louis Trintignant. Une fois de plus, Delon séduit dans un costume de flic.
Police Python 357
Passons à Yves Montand avec Police Python 357, réalisé par Alain Corneau. Dans ce film, il interprète l’inspecteur Ferrot, qui entretient une liaison avec la femme de son supérieur, le commissaire Ganay (François Périer). Rongé par la jalousie, Ganay tue sa compagne et c’est à Ferrot qu’on donne les clés de l’investigation. Dans la peau d’un inspecteur se retrouvant dans une situation plus que cocasse, Yves Montand excelle et contribue au succès d’un polar qui, 35 ans plus tard, continue de bluffer.
Flic ou Voyou
Impossible de parler des légendes du cinéma français qui ont incarné un policier sans évoquer Jean-Paul Belmondo. Dans Flic ou Voyou (encore de Georges Lautner), il se mue en flic parisien obligé d’infiltrer la pègre niçoise. Sa mission : faire le ménage dans une ville rongée par la corruption. Bébel excelle dans ce rôle de policier intrépide. Par ailleurs, il s’agit de son premier film à dépasser le million d’entrées en Île-de-France.
Le Marginal
Pour Le Marginal, Jacques Deray offre à Belmondo un rôle pour le moins musclé : celui du commissaire Jordan. Ce dernier utilise des manières d’opérer peu conventionnelles, bien qu’efficaces, ce qui n’est pas du goût de ses supérieurs qui l’envoient à Marseille, où il poursuit Sauveur Mecacci, un trafiquant de drogue pédophile. C’est dans ce film que Belmondo semble être à son apogée dans le genre du polar, avec d’impressionnantes cascades. Une fois de plus, les répliques écrites par Audiard font mouche.
Des films sur la police proches du documentaire
Si l’on connaît bien les postes de police américains grâce aux nombreux polars qui nous viennent d’outre-Atlantique, les commissariats bien français sont souvent représentés de manière naturaliste dans nos films policiers, comme dans le documentaire Commissariat de Virgil Vernier et Ilan Klipper présentant la vie d’un commissariat de province et ses rapports avec la population.
L.627
Plusieurs réalisateurs ont entrepris cette approche réaliste, sans fioriture, tel Bertrand Tavernier avec L.627 en 1992, avec Didier Bezace et Philippe Torreton, d’après le scénario d’un ancien policier, Michel Alexandre. On y découvre le quotidien de la brigade des stupéfiants de Paris avec une grande sobriété. À l’époque, le film reçut plusieurs nominations aux César.
Polisse
Le film de Tavernier est une source d’inspiration pour Polisse de Maïwenn Le Besco, avec Karin Viard, Marina Foïs, Joey Starr et Nicolas Duvauchelle. La réalisatrice s’intéresse ici à la brigade de protection des mineurs, montrant une équipe soudée, mais en proie à ses démons intérieurs. Le film obtint le prix du Jury lors du Festival de Cannes de 2011 et trois Césars.
Le Petit Lieutenant
Xavier Beauvois, de son côté, s’est penché sur la police judiciaire dans Le Petit Lieutenant, en axant sur les responsabilités qui reposent sur le commandant Caroline Vaudieu, ex-alcoolique interprétée par Nathalie Baye et collaborant avec un jeune lieutenant incarné par Jalil Lespert. Un film qui permit à Nathalie Baye de décrocher un nouveau César de la meilleure actrice en 2006.
Roubaix, une lumière
Des César d’ailleurs toujours en quête d’un inspecteur à récompenser, comme celui que joue Roschdy Zem dans Roubaix, une lumière d’Arnaud Desplechin, tiré de faits réels sur un meurtre sordide dans la ville de Roubaix. Léa Seydoux et Sara Forestier y jouent deux marginales sur lesquelles les soupçons s’intensifient au fil de l’histoire. Mêlant polar et drame social, ce film poignant est salué par la critique.
Police (2020)
Anne Fontaine avec le film Police, nous fait, quand à elle une visite guidée au sein d’un commissariat où un trio de policiers (Omar Sy, Virginie Efira et Grégory Gadebois) semble loin de vivre la vie en rose. Le moral est au plus bas lorsqu’ils sont contraints de reconduire un immigré à la frontière, tiraillés entre leur devoir et la tentation de sauver un homme d’une mort certaine. L’humain est placé au cœur de ce long-métrage, ce que saluera une bonne partie de la critique.
Les Misérables
Une vie pas rose du tout au sein une équipe de policiers, c’est que va connaître Stéphane (Damien Bonnard) dans Les Misérables de Ladj Ly. Fraîchement arrivé de Normandie en Seine-Saint-Denis, il rencontre ses nouveaux collègues Gwada (Djebril Zonga) et Chris (Alexis Manenti) et estime qu’ils abusent de leur autorité lorsqu’ils sont sur le terrain. Mais il n’est pas au bout de ses peines : son équipe et lui, sous la menace de gens du voyage, doivent récupérer un lion volé, s’ensuit un effet domino de problèmes et des situations de plus en plus violentes. Pour son premier long-métrage en tant que réalisateur, Ladj Ly rentre directement dans la cour des grands et son film récolte pas moins de quatre César.
Quand les flics basculent dans le côté obscur
Parfois, ces films jouent avec le réalisme dont ils sont issus, pour montrer une face cachée de ces commissariats, où tout le monde n’est pas forcément aussi droit qu’il le devrait. Un leitmotiv pour l’ancien policier devenu acteur et réalisateur Olivier Marchal, à qui on doit les séries télévisées Flics et Braquo, mais aussi les longs métrages Gangsters, 36 Quai des Orfèvres ou encore MR 73. C’est également ce que veut mettre en exergue Lucas Belvaux dans Après la vie. Auparavant, Maurice Pialat s’était déjà aventuré dans ce registre, tout comme Claude Zidi, cette fois dans un ton plus comique.
36, Quai des Orfèvres
Dans 36 Quai des Orfèvres, Daniel Auteuil et Gérard Depardieu, respectivement patrons de la Brigade de recherche et d’intervention et de la Brigade de répression du banditisme, s’affrontent sur la même enquête sur un gang, avec à la clé une promotion pour celui qui parviendra à arrêter le gang en question. En dépit de leur amitié passée, ils seront chacun prêt à tout pour résoudre l’affaire en premier, quitte à enfreindre la loi. Ce second long-métrage connaîtra un meilleur succès que son prédécesseur et vaudra à Olivier Marchal une nomination pour le César du meilleur réalisateur.
MR 73
Toujours avec Daniel Auteuil, qui incarne un policier se battant contre son addiction à l’alcool, MR 73 est un polar noir où le personnage principal collectionne les problèmes, le tout dans une ambiance excécrable. La presse et le public ne seront généralement pas insensibles à l’atmosphère sombre qui transpire tout le long du film.
Police (1985)
Au cinéma, les flics ont souvent l’air maussade et tourmenté, leurs fréquentations peuvent être douteuses et la frontière entre le bien et le mal devient plutôt floue. Maurice Pialat le montre dans Police en 1985, avec Gérard Depardieu et Sophie Marceau, dans lequel bandits, prostituées, policiers et avocats semblent nouer des relations ambiguës.
Après la vie
L’histoire d’un flic qui ferme les yeux sur le crime, c’est ce que nous conte le réalisateur belge Lucas Belvaux dans Après la vie avec Gilbert Melki en inspecteur violent qui fournit sa femme en morphine et traite avec un dealer. Suite et fin d’une trilogie composée d’Un couple épatant et de Cavale, ce drame poignant met une nouvelle fois en lumière l’ambivalence qui peut régner au sein des forces de l’ordre.
BAC Nord
Cette année, le cinéma a une nouvelle fois jeté un coup de projecteur sur des flics corruptibles, avec BAC Nord de Cédric Jimenez. En effet, un trio d’agents de la BAC Nord de Marseille n’hésite pas à flirter avec l’illégalité pour avancer dans leurs enquêtes. Hélas, leurs méthodes seront bientôt connues de tous, et ce sont les ennuis qui commencent. Servi par un casting cinq étoiles (François Civil, Karim Leklou, Gilles Lellouche, Adèle Exarchopoulos), BAC Nord fait le plein en salles et la presse n’est pas avare en compliments.
Les Ripoux
Dans un registre beaucoup plus léger, Claude Zidi, dans la comédie Les Ripoux, met en scène Philippe Noiret et Thierry Lhermitte dans la peau d’inspecteurs (trop) facilement corruptibles. À travers toutes sortes de situations grotesques (dont seul Claude Zidi à le secret), ce joli tandem tourne parfaitement en dérision cette frange corrompue de la police. Fort de son succès, le réalisateur sortira plus tard Ripoux contre Ripoux et Les Ripoux 3.