Sélection

Voyage littéraire aux États-Unis, dernière étape : le Sud-Ouest et le Texas

07 novembre 2017
Par Angèle
Voyage littéraire aux États-Unis, dernière étape : le Sud-Ouest et le Texas

Pour terminer cette balade littéraire à travers les États-Unis, un rendez-vous de taille s’impose : le désert et sa beauté majestueuse, son silence troublant et ses richesses enfouies. Au cœur d’une nature aride et inhospitalière, le Sud-Ouest et le Texas abritent les secrets d’anciennes civilisations, la solitude des marginaux ou encore la soif d’aventure de pionniers intrépides.

Arizona

Terreur Apache de William R. Burnett

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Écrivain et scénariste (notamment de Scarface, Rio Lobo, La horde sauvage…), William R. Burnett signe ici un western plutôt sympathique bien qu’assez convenu : son héros intrépide et courageux, Walter Grein, est aussi un homme qui plaît aux femmes et qui trouve que sa civilisation est supérieure à celle des sauvages qui peuplent l’Ouest américain. Il est accompagné d’un faire-valoir efficace, un ami grande gueule, égrillard, qui a un penchant prononcé pour le tord-boyaux et la bagarre. Les Indiens qui peuplent ce roman sont présentés comme des bons à rien, au mieux, ou des tueurs sanguinaires, au pire. Mais cela n’ôte rien au charme un peu désuet de ce western tout en traques, folles poursuites et attaques furtives. Les amateurs du genre apprécieront le soin que l’auteur a mis à ancrer ses personnages dans un mode de pensée sans doute assez révélateur de l’époque, d’où l’impression un peu caricaturale qui s’en dégage pour un lecteur à l’esprit large du XXIe siècle.

Bénis soient les enfants et les bêtes de Glendon Swarthout

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Vous n’aurez plus aucune excuse pour passer à côté de ce petit bijou, sorti en poche dans la collection Totem de Gallmeister ! C’est un livre assez court mais d’une grande intensité, habité par des personnages extrêmement attachants. Il faut dire que Glendon Swarthout les a particulièrement bien étoffés, ces six gosses de riches pleins de tics et de troubles affectifs en tout genre, forcés de se coltiner un été dans un camp d’ados qui devrait faire d’eux des hommes, au fin fond de l’Arizona. Mis à l’écart par les autres, ignorés par leur moniteur, seuls avec leurs complexes, les gamins ont malgré tout un grand et beau projet, et la petite bande est prête à tout pour prouver sa valeur. Avec ses portraits tout en finesse et en émotions douces-amères, son goût pour l’aventure épique, parfois rocambolesque et totalement imprévisible, ce récit est un bel hommage à l’enfance, à l’innocence et à la liberté.

La voie de l’ennemi de Tony Hillerman

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C’est le premier roman de Tony Hillerman, qui ouvre ainsi sa Trilogie Joe Leaphorn, du nom du policier tribal qui mène des enquêtes dans ce coin des Four Corners, en territoire Navajo… Sa connaissance de la culture amérindienne lui permet de lever le voile sur les mystères qui menacent sa communauté, même s’il utilise aussi les méthodes classiques de la police, et cette dualité en fait un personnage intéressant et bien ancré dans la réalité. Les livres d’Hillerman plairont aux amateurs de polar ethnologique, qui préfèrent l’ambiance d’un lieu, la culture d’un peuple, plutôt qu’une intrigue menée tambour battant. Ici, on prend le temps de s’imprégner des croyances navajos, de se perdre dans une nature hostile et aride; cette enquête a son propre rythme, qui n’est pas celui d’un page turner.

L’arbre aux haricots de Barbara Kingsolver

L arbre aux haricots

Voici un roman empli de jolies choses et teinté d’humour, un feel good book original qui lorgne du côté des marginaux pour qui le rêve américain est un mythe. Bien décidée à voir les choses en grand, la jeune Taylor choisit de quitter son Kentucky natal et de tourner le dos à une vie toute tracée, faite de mouflets arrivés trop tôt et d’un hypothétique mari problématique. C’est sans compter sur les aléas du voyage, et c’est accompagnée d’une toute petite fille, abandonnée sur un parking, que Taylor débarque en Arizona. De rencontres en apprentissages, Taylor fait de son mieux pour se fabriquer une vie à la mesure de ses ambitions et de son grand cœur. Ce livre est vraiment une belle lecture : les personnages sont plus qu’attachants et l’histoire est gaie même si tout n’est pas rose, loin de là, pour Taylor et son entourage. Un roman drôle, chaleureux, riche en émotions! 

Nevada

Le polygame solitaire de Brady Udall

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Ce roman, dans la lignée des meilleurs John Irving, est à la fois drôle, tragique et terriblement humain, tout simplement ! L’auteur nous ouvre les (multiples) portes d’une famille mormone, dont le père, Golden Richards, se trouve au bord du burn out émotionnel. Quatre épouses, une telle flopée de gosses qu’il devient difficile de se souvenir de tous, une intendance digne d’un pensionnat, des factures encore et toujours… Et au milieu de tout ce maelström, comme si ça ne suffisait pas, le voilà qui tombe amoureux, au cours d’un chantier qu’il a accepté dans le désert du Nevada. Un chantier qui ne correspond pas du tout à la morale de sa religion… De petits déboires en drames inexorables, la vie de Golden devient très compliquée ! Ce livre fait souvent sourire, mais il est aussi parsemé de pensées tendres et nostalgiques sur la famille, l’amour et la perte.

Plein Nord de Willy Vlautin

Plein-Nord

Cet auteur a le don de faire surgir la lumière des profondeurs, d’inciter ses personnages à donner le meilleur d’eux-mêmes malgré le désespoir et la malchance qui les plombent. Pas de grandiloquence, d’héroïsme extraordinaire ou d’aventures époustouflantes… Non, relever seulement la tête, avancer à tâtons, faire de son mieux, croire en soi… un peu. Eh bien, cela peut paraître mince mais Willy Vlautin, en quelques mots adroits, quelques miracles fragiles, donne une force incroyable aux laissés-pour-compte qui peuplent ses romans. Ce livre verra une jeune fille malmenée par la vie se battre pour fuir un compagnon raciste et violent, l’alcool, les galères. Se sachant enceinte, Allison décide de plaquer les bas-fonds de Las Vegas et de prendre la route vers Reno, accompagnée en tout et pour tout de son maigre courage et de ses dialogues secrets avec Paul Newman, qui s’invite dans son esprit quand tout va mal. Je vous promets que vous allez croiser les doigts pour elle !

L’homme qui marchait sur la lune de Howard McCord

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Une lecture singulière, de celle dont on espère avoir saisi l’essence, de celle qui vous trotte un moment dans la tête. Ce court récit à la première personne est avant tout une profonde introspection : le narrateur semble avoir un lourd passé dont il n’a pas fini de débattre. Mais ses errances incessantes sur cette montagne désertique nommée « Lune », au cœur du Nevada, donnent aussi lieu à de magnifiques descriptions de la nature environnante, à des pauses contemplatives plutôt poétiques, qui font contrepoids aux réflexions torturées qui occupent l’esprit de cet étrange vagabond des crêtes, pris en tenaille entre la luminosité des paysages et les ténèbres de l’âme humaine. La fin achèvera de vous étonner et nous gageons que William Gasper, un personnage des plus surprenants, continuera de marcher quelques temps à vos côtés.

Nouveau-Mexique

Seuls sont les indomptés de Edward Abbey

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Jack Burns est le genre d’homme à prendre la vie à bras-le-corps, sans se soucier des conséquences, dès lors que ses actions collent à ses convictions. Avoir voulu aider son ami à s’évader de prison n’était peut-être pas la meilleure des idées, et le voici traqué au fin fond du désert. Soit… cette traque, Jack Burns la vivra à fond, sa guitare sur le dos, son cheval à ses côtés, son esprit libre et indomptable ! Ce roman illustre à merveille la passion qu’Edward Abbey vouait à l’Ouest américain, en particulier au désert, ainsi que son goût immodéré pour la liberté. Il s’agit du premier roman de ce formidable romancier et l’on y trouve déjà ce souffle anarchiste, ce respect et cet amour de la nature, et cette insolence pleine de bon sens qui seront les armes de papier de cet auteur engagé et militant.

Le peuple des ténèbres de Tony Hillerman

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Il s’agit de la première enquête de Jimmy Chee, un policier Navajo très attaché à sa culture et aux traditions, de manière bien plus marquée que Joe Leaphorn, le « premier flic » de Tony Hillerman, avec lequel Jimmy Chee collaborera par la suite. Le peuple des ténèbres est le premier livre d’une trilogie consacrée à Jimmy Chee, l’auteur souhaitant sans doute peaufiner son personnage avant de réunir ses deux enquêteurs. Dans cette aventure, Jimmy Chee se retrouve aux prises avec les membres d’une église révoquée et un tueur armé de bombes au mercure, de quoi se mettre dans l’ambiance ! Ce jeune policier, qui s’exerce aussi à la guérison traditionnelle, amène une touche très sympathique aux enquêtes de la police tribale.

Utah

Desert home de James Anderson

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Mais quelle belle galerie de personnages ! Un camionneur solitaire, investi de sa mission, le cœur sur la main, sillonne la 117 afin de livrer le nécessaire aux hurluberlus qui vivent dans cette partie du désert. Question originalité, on se pose un peu là ! Deux frangins venus d’on ne sait où, qui squattent un wagon de train à l’abandon, un prêcheur qui promène sa croix sur le bord de la route, un vieux motard tenancier d’un diner toujours fermé… Alors, quand Ben croise une belle femme qui joue du violoncelle sans corde, il ne s’offusque pas et tombe sous le charme, sans percevoir la moindre menace. Je ne peux que vous encourager à lire ce premier roman plein de promesses, à l’ambiance originale et désenchantée.

Effigie de Alissa York

Effigie

Voici un roman dense, riche en émotions sous-jacentes, peuplé de personnages à la psychologie bien affinée. L’histoire se passe dans les années 1860, au sein d’une famille mormone régentée par sœur Ursula, la première épouse d’Erastus Hammer. Ce riche éleveur de chevaux est aussi un passionné de chasse et sa dernière épouse, la très jeune Dorrie, est chargée de la conservation de ses trophées. L’arrivée d’un nouveau garçon d’écurie et un travail de taxidermie à effectuer sur une louve et sa portée vont chambouler ce fragile équilibre. Peu à peu, les secrets sont mis à nu, l’hostilité et la méfiance s’insinuent parmi les membres de cette famille complexe et la tension s’installe, plongeant le lecteur dans un milieu sombre, rude, parfois dérangeant. Mais le talent d’écriture d’Alissa York, l’intensité de ses personnages et l’aspect historique et culturel du sujet en font un livre digne d’intérêt.

Texas

Toute la terre qui nous possède de Rick Bass

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Richard est géologue. Passionné par les strates, les pierres, les fossiles, la terre, son amour pour la nature est purement minéral, à l’image de ce coin du Texas qu’il supervise pour le compte d’une exploitation de pétrole. À ses heures perdues, il arpente le terrain, à la recherche d’ossements et d’autres traces du passé, laissant dériver ses pensées au fil d’un temps qui s’égrène différemment dans ces confins isolés. Au gré de ses vagabondages, il croise une femme à la pâleur sensuelle, un étrange collectionneur de trésors improbables, un éléphant errant… Ce livre, contemplatif et onirique, est un bel hommage à la terre dans son état le plus brut et naturel, ainsi qu’aux chemins de traverse et à ceux qui les explorent.

La maison de terre de Woody Guthrie

La-maison-de-terreFigure emblématique de la chanson folk, Woody Guthrie a mis son talent d’écriture à l’essai dans ce roman situé au cœur du Texas pendant la Grande Dépression. Il y parle de héros ordinaires : Tike et Ella May arrachent, chaque jour que Dieu fait, de quoi subsister sur des terres arides et isolées. Leur cabane vétuste, grouillante d’insectes et pleine de courants d’air, ne suffit plus à abriter leur amour et ils ont le rêve modeste mais tenace d’acheter un lopin de terre où construire une maison en pisé. Entre les difficultés financières, les dust bowls et l’épuisement, le chemin est loin d’être tracé pour ce jeune couple. Adroit mélange entre un engagement à la Steinbeck et un humour féroce qui rappelle celui d’Erskine Caldwell, ce roman est un témoignage d’une époque clée de l’histoire des États-Unis. L’utilisation d’un argot de bon aloi ne fait que rendre l’histoire plus vivante et réelle, mais vous voilà prévenus : c’est un livre populaire, un bel hommage aux hommes et femmes qui triment dur !

Le Sud-Ouest offre une littérature à l’image de son environnement et de ses habitants : rocailleuse, profonde et lumineuse. En espérant que ce périple vous aura donné l’occasion de découvrir de nouveaux horizons à travers la plume des auteurs de ce vaste pays. Bonne lecture !

Article rédigé par
Angèle
Angèle
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