Sélection

Voyage littéraire aux États-Unis, étape 10 : le Sud. Partie 2 : le Deep South

20 septembre 2017
Par Angèle
Voyage littéraire aux États-Unis, étape 10 : le Sud. Partie 2 : le Deep South

Une vaste région à l’histoire riche et complexe ! La guerre de Sécession, l’esclavage puis la ségrégation, ont laissé des traces inaltérables dans la littérature et le quotidien des habitants du Sud. Entre la violence des plantations et, plus tard, de la lutte pour les droits civiques, la boucherie de la guerre civile, les inégalités sociales, le Sud aura fortement inspiré les écrivains américains, donnant lieu à une des littératures les plus généreuses du pays. Ambiance et dépaysement garantis.

Deep South

Le vrai Sud ! Celui des plantations, des bayous, des verres de thé glacé sur la véranda dans la moiteur d’un été étouffant. Ce vieux Sud, qui voit naître le Jazz et le Blues dans les « juke joint » mal famés ; ce pays de sang et de sueur, dont la terre est gorgée des larmes des esclaves… Entre splendeur et décadence, entre oppression et révolte, la littérature du Deep South est riche, savoureuse, pleine d’âme !

Alabama

ne tirez pas sur loiseau moqueur


Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur de Harper Lee

Il est impossible de faire l’impasse sur cet immense classique, un des romans d’apprentissage les plus cultes des États-Unis. Je ne connais pas une personne qui n’ait pas aimé ce livre. La narratrice, Scout, est une toute jeune demoiselle : un vrai garçon manqué, vive et curieuse, elle n’a pas sa langue dans sa poche ! Ce ton, drôle et impertinent, qu’elle emploie pour relater les évènements de ce terrible été des années 30 qui a chamboulé sa vision du monde, donne toute sa richesse et sa saveur à l’histoire. Une histoire sombre qui va chercher sa source directement dans la mentalité et la société d’une époque où il ne faisait pas bon être Noir, et où il était mal vu de prendre la défense de l’un d’entre eux. La tragédie qui se déroule prend un sens tout aussi profond vue à travers les yeux de l’enfance, mais la touche d’innocence qui s’y ajoute donne une envergure bien plus intéressante au récit. Un grand livre !

Beignets-de-tomates-vertes


Beignets de tomates vertes de Fannie Flagg

Un roman vraiment « confortable » dans lequel le lecteur ne peut que se sentir bien ! Une vieille dame entreprend de raconter ses souvenirs à une inconnue mal dans sa peau : ceux-ci l’entraînent du côté de la petite ville de Whistle Stop, où une certaine Idgie faisait grand bruit et avait une tendance inhabituelle à ouvrir son coeur et sa porte à ceux qui en avait besoin, au risque de froisser les esprits conservateurs des environs. Outre les personnages très attachants et hauts en couleurs, l’histoire est vraiment sympathique même si des sujets tels que la violence et le racisme y sont inévitables, le récit se déroulant dans l’Alabama de la première moitié du XXème siècle.  L’auteure a su ressusciter toute une époque et elle rend vraiment honneur aux richesses de l’Alabama à travers des évocations de paysages, de fiestas improvisées, de repas partagés qu’elle décrit avec des mots savoureux et croustillants. Drôle, touchant, humaniste, ce roman a tout pour plaire !

Caroline du Sud

L-histoire-de-BoneL’histoire de Bone de Dorothy Allison

Enfant sans père, issue d’une famille pauvre, Bone raconte sans faux-semblant son enfance difficile dans l’Amérique des années 50. Ouvertement inspiré de la vie de l’auteure, ce récit très vivant est assez bouleversant : pétri d’amour et de chaleur quand il s’agit d’évoquer la famille maternelle, glaçant quand les privations, les humiliations et les mauvais traitements sont abordés. La petite Bone grandit dans une de ces familles où l’on aime fort mais mal, où la vie est si dure que l’on ne se préoccupe pas autant des plus faibles qu’on le devrait, où l’on s’en remet à Dieu et advienne que pourra. Malgré tout, ce roman n’est pas du tout plombant : le ton est franc, enjoué, plongeant vraiment le lecteur dans l’atmosphère du lieu et de l’époque, l’amenant à cotoyer une belle galerie de personnages. Sans tomber dans le pathos, Dorothy Allison parvient à parler d’un sujet grave et dramatique tout en laissant une place au reste, à ce qui permet de tenir malgré tout : la musique, une grand-mère futée, de bons moments… Entre autobiographie et roman social, ce texte mérite le détour.

Le-secret-des-abeilles


Le secret des abeilles de Sue Monk Kidd

Adolescente renfermée, hantée par la mort violente de sa mère, Lily mène une vie terne sous la coupe d’un père brutal, peu enclin au dialogue. Heureusement, Rosaleen, sa nounou noire, lui apporte soutien et réconfort. Mais quand celle-ci a des ennuis (inévitables dans ces États du sud dans les années 60, quand la lutte pour les droits civiques faisait rage), Lily prend son courage à deux mains et l’entraîne dans sa fuite. Désireuse d’en savoir plus sur sa mère et de couper les ponts avec son père, les errances de Lily et de sa nounou vont les mener vers leur salut. Une authentique balade dans la Caroline du Sud des 60’s, oscillant entre violence et douceur, qui entraînera le lecteur vers de belles personnes et des sentiments forts.



Un seul parmi les vivants


Un seul parmi les vivants de Jon Sealy

Avec son premier roman, Jon Sealy flirte allègrement avec le polar, le roman noir et la chronique sociale, et c’est une belle réussite ! Dans cette fresque illustrant les années 30, celles de la Grande dépression et des jours de gloire de la prohibition, l’auteur brosse des portraits plus vrais que nature, d’une belle complexité et fait revivre tout un pan de l’histoire de l’Amérique avec brio. Si le sujet n’est pas nouveau (bootleggers, trafic d’alcool, réglement de compte…), Jon Sealy a une façon bien à lui d’affiner la psychologie de ses personnages et des les placer dans un contexte qui pose question, qui les contraint à sortir des sentiers battus. Sans compter que ce jeune auteur a une plume agréable ! Un très bon premier roman qui en appelle d’autres…

Géorgie

frankie-addams


Frankie Addams de Carson McCullers

Un roman d’apprentissage surprenant écrit par une des grandes voix de la littérature du Sud des États-Unis. Alors qu’elle traîne son ennui et ses genoux cagneux dans les rues poussiéreuses d’une petite ville paumée, Frankie Addams vit l’été de ses 12 ans comme une punition. Incomprise, esseulée, orpheline de mère, pas bien jolie, avec pour seule compagnie un cousin trop jeune, un père insipide et une nounou au franc-parler railleur… Un passage à vide que vient combler une excellente nouvelle : son frère se marie ! Dès lors, Frankie n’aura de cesse de se préparer au mieux pour cet évènement qui, elle en est persuadée, signifie pour elle le grand départ. Tout occupée à tirer des plans sur la comète, Frankie ne veut rien entendre, n’autorise personne à la raisonner, ne se pose plus de question : elle partira avec son frère et sa femme. Je ne vous dévoile pas la fin mais ce livre est un vrai bijou de psychologie adolescente, étonnant et savoureux !

Les-saisons-et-les-jours


Les saisons et les jours de Caroline Miller

Situé au XIXème siècle, ce roman retrace le quotidien des colons fraichement installés en Georgie. Pour ces fermiers blancs et pauvres, la vie est une longue suite d’épreuves, de dur labeur, de deuils. Mais c’est aussi l’espérance de jours meilleurs, la satisfaction de vivre de sa terre, la solidarité et une foi inébranlable qui leur permettent de faire face et de tenir bon. Bien que romancé, ce récit est une mine d’informations sur la colonisation et les moeurs de cette nouvelle société. C’est aussi un beau portrait de femme et une riche peinture littéraire de la nature et des animaux qui tiennent une place prépondérante dans cette fresque rurale.

Bull-Mountain


Bull Mountain de Brian Panowich

Un bon roman noir et rural comme on les aime ! Le clan Burroughs règne sur Bull Mountain et ses labos clandestins, qui ont remplacé les alambics du grand-père. Le trafic d’armes et de cannabis vient compléter le tableau. On imagine aisément que la gentillesse, le respect et la bienveillance ne font pas franchement partie du paysage dans cette famille de truands sans scrupules. Ce qui n’a pas empêché Clayton, le petit dernier, de devenir shérif malgré tout, honnête qui plus est. Les liens du sang étant ce qu’ils sont, une sorte de statu quo semble avoir été trouvé et chacun vaque à ses affaires sans empiéter sur le territoire des autres. Jusqu’à l’arrivée d’un agent fédéral bien décidé à mettre un terme aux activités de Bull Mountain. Une bonne intrigue qui prend sa source des années auparavant et que le lecteur découvre petit à petit, des personnages bien campés, un style accrocheur, ce premier roman a tout pour plaire !


La-route-au-tabacLa route au tabac de Erskine Caldwell

Les éditions Belfond ont eu la bonne idée de prévoir la réedition de ce classique de la littérature du Sud. Ce roman a lancé la carrière d’un auteur prolixe qui s’est attaché à décrire le quotidien des petites gens du Dixieland, ruinés par la Grande Dépression. L’art de Caldwell tient au fait qu’il ne cherche pas à rendre la misère romantique, ses héros sont souvent loin d’être des enfants de chœur et font preuve d’une bêtise crasse, d’un fatalisme imbécile et d’une méchanceté bornée. Sans pour autant juger ses personnages, il les place dans un contexte de misère sociale et morale qui ne permet finalement guère d’échappatoire. Plus caustique que Faulkner, moins idéaliste que Steinbeck, Erskine Caldwell ne s’encombre pas de fioritures pour décrire les noirceurs de l’âme humaine. Oscillant entre humour féroce et violence brute, ses romans sont la critique grinçante d’une société à la dérive, qui ne permet pas à certains de simplement pouvoir rester dignes. Ce que démontrent parfaitement les personnages, caricaturaux à souhait, de La route au tabac 

Louisiane

Alcool

Alcool de Poppy Z. Brite

Auteur flirtant avec le fantastique ténébreux et le gothique décadent, Poppy Z. Brite a remisé son côté sombre avec les squelettes du placard le temps de concocter une délicieuse trilogie culinaire située à La Nouvelle-Orléans, haut lieu de la gastronomie américaine. Ici, soul food, cuisine créole et recettes afro-américaines se métissent dans une explosion de saveurs ! Alors quand Rickey et G-man décident d’ouvrir un restaurant, ils choisissent de se démarquer en ajoutant une lichette d’alcool dans tous leurs plats. Mais la concurrence est rude dans le milieu de la cuisine, les chefs sont susceptibles, les egos des uns et des autres ne sont pas à négliger… Nos deux passionnés vont vivre quelques péripéties avant de régaler le lecteur de leurs spécialités. Amusant, typé, convivial, ce roman se déguste avec plaisir !

Purple-cane-road


Purple Cane Road de James Lee Burke

Avec sa série d’enquêtes menées par Dave Robicheaux, un ancien flic de la criminelle reconverti en shérif-adjoint, James Lee Burke dépeint une Louisiane souvent sombre et violente. Ce qui est normal pour des romans policiers, mais l’auteur sait mettre en valeur l’atmosphère qui se dégage de ses bouquins et en quelques mots, une descrition par-ci, un adjectif par-là, vous voilà plongé dans le bayou ou au coeur de New Iberia et de ses secrets. Dans Purple Cane Road, Dave Robicheaux voit le passé lui revenir en pleine figure à la suite du meurtre d’un maquereau. Lancé sur la piste des assassins de sa mère, rien ne le détournera de sa quête, surtout pas la peur de la vérité ! 

Ligne-de-fracture


Ligne de fracture de Jesmyn Ward

Digne héritière de grands auteurs engagés comme Toni Morrison ou Ernest J. Gaines, Jesmyn Ward s’attache à décrire le Sud d’aujourd’hui. Pitbull, rap, basket ball, drogue, sont en toile de fond de ses romans qui donnent une place aux jeunes Noirs américains. Sans tomber dans le misérabilisme, cette jeune femme, issue d’une famille défavorisée, jette un regard lucide sur l’Amérique contemporaine. Les jumeaux de Ligne de fracture sont condamnés à être des anti-héros par une société qui renie une partie des siens. Pauvres, Noirs, délaissés par leurs parents, sur le point de perdre le seul pilier qu’il leur reste (leur grand-mère, qui les a élevés), quel avenir attend ces jeunes diplômés ? Jesmyn Ward ne pratique pas la langue de bois et décrit la réalité qui est celle d’une partie non négligeable de la population du Sud des Etats-Unis. Sans pour autant chercher d’excuses, elle explique simplement pourquoi et comment. Et on prend une bonne gifle ! 


Le-dernier-arbre


Le dernier arbre de Tim Gautreaux

Dans ce roman, c’est toute la touffeur et la violence des marais qui vous happe ! Situé dans les années 20, ce récit confronte deux frères au vécu très différent : l’un a pu échapper à la guerre de 14-18 mais l’autre non. Depuis son retour du front, Byron dirige une exploitation forestière pour le compte de son père, au fin fond d’une Louisiane moite et inhospitalière. La force, les coups, la bouteille, voilà ce qui tient Byron debout au grand désarroi de Randolph, missionné pour recadrer un peu tout ça, finir le boulot au plus vite et ramener son frère au bercail. Mais dans la forêt, entre les fièvres, l’isolement et la misère, les choses prennent une dimension bien plus dramatique ! L’écriture de Tim Gautreaux est hypnotique, entraînant le lecteur dans un huis-clos parfois étouffant mais aussi riche de passion et d’émotions.

Mississippi

Sartoris


Sartoris de William Faulkner

Impossible de ne pas évoquer cet écrivain célèbre dans une rubrique traitant de la littérature du Sud des États-Unis ! Sartoris me semble idéal pour découvrir Faulkner et s’imprégner de son style, parfois alambiqué, l’auteur ayant le don de multiplier les points de vue et de souvent gommer la limite entre dialogue et introspection, entre autre. Situé dans le célèbre comté imaginaire de Yoknapatawpha, Sartoris permet de se familiariser avec bon nombre de personnages, de lieux et de thèmes récurrents dans l’oeuvre de Faulkner. Ce roman exalté, à la fois dramatique et pourtant plein d’humour, met en scène une grande famille sur le déclin, dans un monde en pleine mutation après la guerre de Sécession. Chez les Sartoris, les hommes vivent fort et meurent brutalement. L’abandon des anciennes valeurs à la poussière des chemins suffira-t-il à enrayer la malédiction ?

Joe

Joe de Larry Brown

Ce roman, noir, rude, violent, est pourtant un petit bijou qui tient ce statut de la relation que construisent Joe et Gary, les deux principaux personnages. Gary est un adolescent sans repères, sans connaissances, trimballé de droite à gauche par ses vagabonds de parents. Son père est un salopard sans scrupules, ivre et violent la plupart du temps, sa mère sombre doucement mais sûrement dans les abysses de la folie, sa soeur s’est tirée… Joe, lui, s’est fait larguer par sa femme, il boit trop et fait du grabuge mais il prendra quand même Gary sous son aile et lui donnera du travail. Pour Gary, « un gosse errant échoué sur le rivage de la bonté des hommes », cette protection tient du sauvetage, pour Joe, il s’agit quasiment d’une rédemption. Et c’est là que Larry Brown est fort : de toute cette fange, à la façon d’un prospecteur, il extrait de petites pépites d’humanité, d’humour et parfois même, de bons moments. Respect…

Dans-la-colere-du-fleuve


Dans la colère du fleuve de Tom Franklin et Beth Ann Fennelly

Fin des années 20, la prohibition bat son plein, le Mississippi gronde et menace de sortir de son lit. Dans cette ambiance où l’urgence le dispute à la tension, deux agents fédéraux sont envoyés dans la ville de Hobnob afin de trouver des réponses à la disparition de leurs deux prédecesseurs. Ils ne trouveront qu’un bébé abandonné qu’ils vont confier à Dixie Clay, une jeune femme farouche mais capable, sans se douter qu’elle est une des meilleures contrebandières d’alcool de ce côté-ci du Mississippi. Sorte de western au féminin du début du XXème siècle, ce roman qui mêle adroitement action et sentiments, se lit très bien, le lecteur se sentant talonné par la montée des eaux et le besoin de mettre ce bébé et sa drôle de maman à l’abri le plus vite possible ! Plutôt original et atypique, ourlé de tendresse, sans la mièvrerie…

Cette sélection n’est vraiment qu’un petit échantillon de la vaste étendue qu’est la littérature du Sud des États-Unis. Qu’ils soient classiques ou contemporains, les livres inspirés par cette région sont une fenêtre sur l’histoire de l’Amérique. Ces romans à l’identité marquée devraient vous plonger dans une ambiance inoubliable ! 

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Article rédigé par
Angèle
Angèle
libraire BD à Fnac Grenoble Grand-Place
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