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« Il nous restera ça » de Grand Corps Malade : poète en herbe !

13 octobre 2015
Par Manue
« Il nous restera ça » de Grand Corps Malade : poète en herbe !

Un an après « Funambule », Grand Corps Malade nous revient avec un album où il convoque 10 auteurs auxquels il a demandé d’écrire un texte dans lequel devait être présente la phrase « il nous restera ça ». Qui sont ces 10 auteurs et quel en est le résultat ? Découvrez-le ici…

Il est des événements tragiques qui changent et bouleversent toute une vie mais en bien. C’est ce qui est arrivé à Fabien Marsaud, victime d’un grave accident alors qu’il se destinait à devenir professeur de sport. Il découvre alors le slam et sa vie prend un tout autre chemin, celui d’être l’artiste emblématique du slam en France. Fabien Marsaud, c’est Grand Corps Malade.

Alors que son dernier album Funambule est sorti il y a à peine un an, Grand Corps Malade revient avec un tout nouvel album, Il nous restera ça.

GCM Il nous restera

Cet opus est une première. Jamais un artiste n’avait eu l’ambition de convoquer des plumes sur un même album. Généralement, les albums où l’on retrouve de multiples artistes sont des albums hommage ou des albums de type caritatif, pas un album où plusieurs artistes écrivent de manière personnelle et interprètent leurs chansons dans une même direction : celle de créer un album d’auteurs avec une thématique.

La thématique ici, c’est une règle du jeu : que la phrase « il nous restera ça » soit présente. Cette phrase, lourde de sens, est forte quelques soient les trajectoires littéraires que les auteurs lui font prendre. Bien qu’il soit de nature optimiste comme dit Grand Corps Malade, il voulait « d’une phrase qui nous pousse vers la gravité » et « amène à écrire des choses importantes ».

J’utilisais le terme ambitieux car parmi les 10 auteurs que Grand Corps Malade voulait retrouver sur ce disque, il y a, outre Lino, Luciole, Ben Mazué, Fred Pellerin, Jeanne Cherhal, Hubert Félix Thiefaine, Richard Bohringer (déjà croisé sur le magnifique titre Course contre la honte dans Funambule), Erik Orsenna ; excusez du peu, Charles Aznavour et surtout Renaud.



 
En convoquant 10 grands auteurs, Il nous restera ça, est un album dense, très dense dans son fond. Autant de belles plumes qui ont mis leurs plus beaux habits pour ce projet donnent un album où l’esprit doit être toujours en alerte. Pas question de faire autre chose que d’écouter. Pas de temps de pause, le texte est là, présent, très présent et omniprésent même si le travail de Babx et Angelo Foley a essayé d’habiller ces mots pour les rendre plus fluides, plus légers et d’habiller ces flots qui nous prennent à bras le corps.
 
A l’heure où j’écris ces lignes, je n’ai pas écouté l’ensemble de l’album, le titre de Renaud ayant été gardé secrètement.


Je le disais, cet album est fort. La quasi-totalité des titres sont puissants. Quel que soit l’angle, on est pris à chaque fois dans ses histoires. On déambule au cours des mots, pris dans un tourbillon émotif. Il y a un couple qui se sépare (Ben Mazué – La résiliation), des centenaires (Jeanne Cherhal – Cent ans), un père qui voit ses enfants grandir et sa vie donc changer (GCM – Pocahantas), ce beau message d’un père à sa fille (Richard Bohringer – Bleuette), cet homme sur un banc, à la fois hors du temps et de la vie mais aussi tellement dedans, dans son activité d’observateur (GCM – Le banc).

A quelques semaines de la Cope 21 et cette grande réunion des Etats pour agir en faveur de l’environnement, le texte d’Erik Orsenna pourrait être la toile de fond sonore de cet évènement avec sa description apocalyptique des futurs problèmes climatiques. Certains textes donnent le vertige comme celui du génialissime conteur québécois Fred Pellerin qui nous emmène loin, loin aux origines de la création du monde.


Et puis il y a Aznavour, à la voix quelque peu affaiblie mais dont la plume reste comme un roc, solide, vigoureuse, alerte, qui nous parle de l’écriture, le grand point commun de ces 11 êtres humains.

Enfin, un titre peut presque résumer ou décrire cet album, L’heure des poètes, car cet album c’est le rendez-vous des poètes, de ceux de l’Académie à ceux de la rue, comme tous ceux qui ont donné envie d’écrire à Grand Corps Malade. Il y déclare son amour pour Brassens (Parce que, Brassens, c’est du pain chaud sur lequel tu mets du miel – Ça sent l’café expresso comme un XXX essentiel), NTM (Après la douche, c’est NTM qui fait bouger mes maxillaires – C’est l’heure de s’remplir d’énergie pour la journée et ses coups bas), Kery James (Du gros son sur chaque texte, alors c’est l’heure de Kery – Car c’est la bande originale du paysage tout autour), Ferrat (Ferrat qui chante « Aragon »– Des mots tranchant et la voix chaude, quand le feu rejoint l’eau), Aznavour (À l’heure du dessert, c’est évident, c’est Aznavour –Un repas sans dessert, c’est une compil’ sans « La Bohème ») Brel, (La poésie qui s’envole et t’emporte en un instant), Renaud (c’est la tempête dans la douleur du crépuscule –C’est un cœur de moineau dans la poitrine d’Hercule) et enfin Barbara (Et, lors du règne de la nuit, quand la lumière s’habille en noir- Et pour trouver l’accord parfait entre quiétude et cafard). Cette manière de capter l’essence de ces poètes aussi différents soient-ils me subjugue, tout simplement.




Revenons aussi sur le travail des musiciens, réalisateurs qui ont mis en musique ces textes et ces voix. Après Ibrahim Maalouf, ça a été au tour de Babx (Camilia Jordana) et Angelo Foley (Christine and the Queens) d’apporter le décor musical. A la fois discret et prenant, leur travail a apporté un vrai souffle à la densité des textes.

Grand Corps Malade ne voulait pas tomber dans le piège du piano-voix. Comme il le dit si bien, « puisque tout le monde jouait le jeu du texte parlé, cela aurait été trop attendu de faire du piano-voix ou guitare-voix. Javais envie d’une musique moderne, électro, musclée. Babx et Angelo ont fait du sur-mesure pour chaque a-cappella. Ils m’ont amené plus loin que je ne l’imaginais dans une musique non-conventionnelle. » Mon seul regret, c’est sur le titre d’Aznavour qui lui est piano-voix. Une peur sans doute de ne pas trop brusquer Monsieur Aznavour. 
  
Ce dernier dit qu’écrire c’est « traverser le brouillard de l’imagination ». Et bien ces 11 auteurs illuminent chacun à leur manière cet album.
 
Je terminerais par cette phrase de Grand Corps Malade, « Et si l’art était juste un moment d’émotion où l’aiguille de l’horloge suspend sa rotation. » Nous sommes de bout en bout suspendus à l’encre de ces auteurs, bousculés. Un petit bijou entre musique et littérature.


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Article rédigé par
Manue
Manue
Disquaire à la Fnac Saint-Lazare
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