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« Scred Connexion » Jamais dans la tendance mais toujours dans la bonne direction©

15 juin 2011
Par Ludo
"Scred Connexion" Jamais dans la tendance mais toujours dans la bonne direction©
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« Scred Connexion » était un des meilleurs collectif de rap français dans les années 90, avec ATK, La Cliqua, Beat 2 Boul’ et quelques autres. La meilleure période de ce collectif est celle ou Fabe en faisait parti, jusqu’à l’arrêt de sa carrière dans le rap en 2000. C’est sur le CD « Scred Selexion 99/2000 » que l’on retrouve leurs meilleurs morceaux. 12 tueries dans lesquelles Fabe, Koma, Mokless, Haroun et Morad déchirent les instrus Cut Killer, Cutte B Et Crazy B. A découvrir ou à redécouvrir…

Originaires de Barbès (18ème arrondissement) et formée au milieu des années 90, la Scred Connexion est un collectif de rap français initialement formé par Fabe et Koma, avec Mokless, Haroun et Morad et avec l’aide de Butch. C’est d’ailleurs Fabe qui fait parler de ces Mc’s en les invitant sur ces albums solos, et c’est Koma qui utilise en premier le terme des la Scred sur son maxi Epoque de fous. Chaque Mc fait aussi parler de lui sur de nombreuses mixtapes de rap français ou en featuring avec divers artistes de rap français. C’est un collectif qui prône un rap censé et qui et qui décrit les problèmes auxquels une partie de la société française est confrontée. Ils sont engagés et militent pour une société plus juste en tentant de faire évoluer les mentalités sans pour autant être violent dans leurs propos. Leur première livraison discographique est donc une sélection de leur meilleurs morceaux disponibles soit sur les albums de Fabe, soit uniquement en maxi. Une anthologie en guise de 1ère sortie, bizarre me direz vous ? Et pourtant ça vaut le coup ! 12 titres, 12 bijoux, 12 classiques, qui ont toujours autant de sens et de signification 11 ans après. Un disque qui est toujours d’actualité en 2011, et qui surclasse sans contestation possible, 95% des sorties en rap français aujourd’hui.

Ce qui est prenant avec la Scred c’est la sincérité avec laquelle ils rappent. Les thèmes qu’ils abordent sont touchants et poussent l’auditeur à réfléchir sur sa condition. Les Mc’s sont vraiment complémentaires et leur flows sont vraiment excellents. Ils rappent sans concession, pour preuve le 1er morceau Tranchant et son refrain « tranchant, depuis le commencement on essaye de rapper juste même si on est pas fort en chant ». Un morceau qui introduit bien le crew. Partis de rien et son instru jazzy est terriblement prenante. Dans ce morceau Fabe, Haroun,Koma et Mokless disent ce qu’ils pensent et ce que sera la Scred, un groupe qu’on n’empêchera pas de parler, qui dira les choses sans qu’on les censure, et qui sait d’où il vient avec une touche d’espoir  » Scred connexion, c’est des valises plutôt légères/Des paroles vénères, vu qu’le rap donne envie d’bégere./Et de toute manière, on recherche pas le luxe et l’extase,/L’important pour nous, esquiver la condition d’esclave./De Barbès on vient, avec l’intention de faire notre trou,/L’impression qu’avec rien, si on veut, on arrive à tout… ».

La Scred fait ensuite flipper la France comme une Bouteille de Gaz, morceau dans lequel le sujet de l’intégration est traité. Dans Les diables et les anges Mokless nous donne sa vision de la rue et de la société, telle qu’il la voit, c’est extrêmement prenant et touchant. La Routine c’est ce que nous raconte Haroun, c’est sombre, ça nous laisse un goût amer dans la bouche mais c’est tellement réaliste cette vision. 11 ans après rien n’a changé et ce texte a toujours autant de valeur. Avec s’qu’on vit est certainement un des plus beaux morceaux que la Scred est écrit, et que dire de l’instru et son sample de flûte ? MAGNIFIQUE ! Dans ce morceau Koma et Morad partagent leur rapport à la France et leur vécu, la notion d’intégration « On va pas se mentir/Détruire le peu qu’on a/On met un pied après l’autre/Avance à petits pas/On est pas venue pour fumer la moquette/Pas plus remplir Fleury , Bois d’Arcy ou les Beaumettes/On est pas là pour se contenter des minima sociaux/On préférerait que nos morceaux passent en boucle à la radio/On est pas là pour choquer par notre nonchalance/On pense à notre lendemain mais est-ce-qu’il pense à nous/Et toutes ces fausses promesses/Ils ne se souviennent de rien/Mais bon c’est sur l’instant qu’ils sont prêts à tout/Nos parents ont construits la France ne sont que locataire/Ils ont fuit l’arbitraire/Pour un rêve éphémère/Des vacances à la mer/3 semaines dans l’année/Les 49 autres à trimer pour vivre il faut manger… » Ils décrivent ce qu’il se passe dans la société française avec justesse et simplicité. Sans concession, la Scred ne balance rien d’irréfléchi, n’oublie jamais ses origines et Haroun le dit si bien « je fais gaffe à ce que je vais dire sachant que je peux avoir de l’influence ».

Le collectif fait donc dans le rap conscient, qui oscille entre rancœur et hommage, avec le morceau J’oublierai pas et son saxo entrainant, hymne à la Scred et ses motiviations Scred Connexion, Bouteille de gaz ou encore mélancolie Avec s’qu’on vit, La routine. Les instrus sont toutes excellentes, les samples extrêmement bien choisis et collent bien avec les textes et les ambiances. Du violon (Bouteille de gaz), de la flûte (Avec s’qu’on vit), du saxo (J’oublierais pas) ou des instrus plus orientales (les diables et les anges). Dans cette première sortie discographique, qui regroupe des morceaux que l’on avait déjà pu entendre ailleurs, mais tellement intemporels, nous aurons un véritable plaisir à écouter la lucidité des emcees et dans leurs comparaisons fatales. Car si la Scred Connexion « s’entête à lancer des mots des rimes censés/c’est qu’en même temps que tes pieds ils veulent voir ton cerveau danser », le collectif se pose des questions « suis-je d’ici ou d’ailleurs, le couscous ou la choucroute, la djellaba ou le tailleur », et afin de faire passer le message joue la carte de la provocation « je ne suis pas le beur qu’on tartine ni celui qu’on baratine » tout en laissant toujours l’impression de savoir d’où ils viennent, où ils vont et pourquoi ils le font.

Si vous n’avez jamais écouté ces morceaux de la Scred, ce disque, achetez-le, téléchargez-le, vous verrez à quel point le rap français à évoluer de matière négative, avec des groupes et des rappeurs qui ne valent plus rien du tout et qui ont des textes proches du néant. Avec ce skeud, si vous l’écoutez aujourd’hui vous verrez qu’en 2011 il est toujours d’actualité au niveau des textes, des thèmes abordés et que la Scred avait certainement un temps d’avance sur de nombreux groupes de rap français. De plus, vous vous rendrez compte que notre pays est loin d’avoir évolué à tous les niveaux (immigrations, intégration, pauvreté, lutte des classes et j’en passe, morosité, ras-le-bol, discrimination), bien au contraire, rien à changé et à même régressé… Comme le rap français d’ailleurs !

Bonne écoute.

Article rédigé par
Ludo
Ludo
disquaire à Fnac Créteil
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