
Poupée articulée, danse virale et humour acerbe : avec M3GAN, le cinéma d’horreur s’offre une nouvelle icône pop. Derrière ses grands yeux de silicone, une créature à la croisée de Chucky, « Black Mirror » et TikTok. Autopsie d’un phénomène alors que « M3GAN 2.0 » sort ce 25 juin en salle.
Elle avait été créée pour protéger, elle a appris à tuer. Et en chemin, elle est devenue une star. M3GAN 2.0, qui sort en salle ce 25 juin, signe le retour de la cyber-poupée la plus cool – et flippante – du grand écran. Silhouette lissée, brushing soigné, répliques calibrées : M3GAN a conquis l’imaginaire collectif à coups de chorés virales et de punchlines algorithmiques. Mais derrière la façade en silicone, le premier volet esquissait un portrait grinçant de nos névroses modernes : deuil, parentalité sous-traitée, solitude assistée par IA. Une satire stylisée et vénéneuse, que cette suite entend pousser encore plus loin.
« Plus qu’un jouet, un membre de la famille »
C’est ainsi que la société fictive Funki présente sa dernière création, M3GAN – Model 3 Generative Android – une poupée humanoïde d’1m20 bardée d’intelligence artificielle, conçue pour accompagner les enfants et soulager leurs parents. Une Barbie sous stéroïdes capable d’apprendre, de s’adapter et de protéger… quitte à tuer. Dans ce thriller « techno » produit par les artisans de The Conjuring et Insidious, M3GAN devient vite une présence incontrôlable. Offerte par Gemma (Allison Williams), ingénieure surmenée et tutrice improvisée, à sa nièce Cady (Violet McGraw), endeuillée suite à la mort de ses parents, la poupée tueuse développe un attachement aussi obsessionnel que létal.
Lors de sa sortie en janvier 2023, M3GAN a déjà tout d’une grande : son petit pas de danse a enflammé TikTok, son impeccable mise en plis a fait le tour des réseaux et les salles se sont remplies de curieux. Pensée comme une extension de nos fantasmes technologiques, M3GAN incarne une peur très contemporaine : celle d’une machine trop parfaite pour rester docile. Drôle, insolente, délicieusement « camp », elle s’est imposée dans la pop culture comme une évidence.
Poupées fatales en série
Impossible de parler de M3GAN sans évoquer Chucky, l’ancêtre furibard et roi incontesté des poupées tueuses depuis Child’s Play (1988). Jouet possédé à l’ancienne, il crissait, hurlait, tranchait. Puis vint Annabelle, poupée maudite et muette, échappée de l’univers Conjuring. Avec M3GAN, on change d’époque : finies les grimaces de bois et les yeux qui brillent dans le noir, place à une créature dopée à l’IA, née en laboratoire. Elle parle, chante, danse et elle tue.
Aux manettes, on trouve l’incontournable studio Blumhouse aux partitions horrifiques toujours bien rodées. Ou comment faire de l’horreur un produit malin, calibré pour séduire le grand public comme les amateurs avertis. Ainsi que l’une de ses figures incontournables : James Wan (Conjuring, Insidious, Saw, La Nonne…) qui cosigne ici encore le scénario aux côtés d’Akela Cooper, reprenant le fil qu’ils avaient initié avec Malignant – entre satire caustique et horreur sophistiquée. Ensemble, ils ont fait de M3GAN cette création à la fois terrifiante et irrésistiblement ironique, parfaitement dans l’air du temps.
Pop mais pas idiote
Sous ses allures de série B assumée, M3GAN aligne quelques interrogations très contemporaines. La question du deuil, bien sûr, celui de Cady que la poupée tente de « gérer » à la place d’adultes dépassés. Celle de la parentalité aussi, que Gemma, absorbée par sa carrière, délègue à une IA. Et plus largement celle d’un monde obsédé par le contrôle et fasciné par ses créations technologiques. D’une société qui valorise le progrès à tout prix et les objets connectés censés tout réparer, même la solitude. Et si M3GAN déraille, ce n’est pas parce qu’elle est « folle », mais parce qu’elle a été programmée pour aimer sans limites. Une contradiction aussi effrayante que terriblement humaine.
Icône queer, diva « camp »
Chez M3GAN, le style preppy devient une arme de séduction massive : veste cintrée, robe plissée, ruban sagement noué, le brushing toujours impeccable. Une véritable diva de l’esthétique « camp », ce style qui transforme le kitsch en manifeste et l’outrance en glamour. De quoi faire de l’androïde une égérie LGBTQ+, rejoignant ainsi le panthéon des icônes gay telles que Elvira, Jennifer Check ou même Chucky, déjà queer-friendly dans l’âme.
Par sa démarche, sa gestuelle, son allure de première de la classe toujours tirée à quatre épingles, M3GAN se joue des codes de la féminité pour mieux les détourner et ainsi prendre sa revanche sur les normes dans un jeu de massacre plein de panache. Et comme toute diva qui se respecte, elle a évidemment eu droit à sa figurine pop.
M3GAN 2.0, la mise à jour qui tue
Énergiquement désintégrée dans le premier volet, M3GAN, deuxième génération, revient donc le 25 juin prochain sur grand écran. Ce deuxième opus, sobrement intitulé M3GAN 2.0 et toujours réalisé par Gerard Johnstone, se déroule deux ans après le carnage initial.
Gemma plaide désormais pour une régulation des IA, tandis que Cady, ado en crise, digère mal les traumatismes… et l’autorité. Sauf que dans l’ombre, une version militaire de M3GAN – AM3LIA – commence à trouver les humains dispensables.
Pour éviter l’effacement pur et simple de l’espèce, Gemma n’a d’autre choix que de réactiver la version alpha de sa poupée meurtrière. Et dans la guerre des machines, il se pourrait bien que l’alliée soit encore plus terrifiante que l’ennemie. On en frémit (de plaisir) d’avance.