
Biopic hollywoodien sur les écrans oblige, 2025 sera placée sous le signe du Dylan. Qui s’en plaindra ? Mais l’actualité, c’est aussi une jeune génération de gratteurs de cordes et de songwriters que l’on pourrait ranger dans la grande famille de l’americana, un genre qui monte le son de ses micros. Héritage « dylanesque » ou nouvelle façon d’aborder les genres folk, country, blues & bluegrass : petit tour d’horizon de ces nouvelles têtes qui aiguisent notre appétit.
À l’heure de la musique générée par l’IA (intelligence artificielle) et de la démocratisation des outils de MAO (musique assistée par ordinateur), il est toujours amusant d’observer une partie de cette jeune génération de musiciens faire le choix d’ancrer leur pratique artistique comme on le fait depuis presque un siècle, sans trop d’artifices ni beaucoup d’effets « studio ». Les artistes se réclamant du genre « americana » (ce grand sac dans lequel on range le folk, le blues, la country, le bluegrass…) ont semble-t-il encore pas mal d’avenir.
Si le folk du (grand) père Bob Dylan prit un virage électrique en 1966 avec le désormais classique Highway 61 revisited – comme le raconte le biopic Un parfait inconnu sorti au cinéma fin janvier -, d’autres musiciens pourtant bien ancrés dans le 21ee siècle optent plus ou moins pour le simple appareil. Guitare, voix et quelques leviers rythmiques pour tout accompagnement.
Une réponse aux trop pleins de la technologie actuelle peut-être, ou la volonté d’être et de sonner le plus sincère possible. Focus sur quelques albums fraîchement parus (et à paraître ces prochaines semaines) qui font la part belle à une forme d’authenticité, dans le fond comme dans la forme.
Larkin Poe : blues sisters
Pour attaquer cette sélection consacrée à des formes de musiques sans trop d’électricité, le nouvel album des frangines Lovell fait un peu tache. Si cet opus tout frais confirme le haut niveau de ce duo originaire de Géorgie, on a connu plus « acoustique », quoique l’héritage southern rock ait toujours été en embuscade. Cette fois, la production est gonflée à bloc, et le registre plutôt blues rock en comparaison au bluegrass sur lequel elles ont fait leurs gammes à l’âge de… 5 ans.
Exceptionnelles musiciennes, on vous engage non seulement à savourer leurs disques, mais surtout à courir les voir sur scène à l’automne. Attention, malgré des venues régulières en Europe, elles jouent systématiquement à guichets fermés. Vous voilà prévenus.
Tamino : indie folk flamand
En un peu plus d’une poignée d’années et après deux disques, ce fils spirituel de Leonard Cohen et d’Hamza El Din aura mis tout le monde dans sa poche avec sa formule tout en retenue et en poésie. Sa musique résonne d’influences folk anglo-saxonnes, mais pas seulement pour ce trentenaire belge d’origine égyptienne. Son troisième album, Every Dawn’s a Mountain, est attendu pour mars 2025, et vous allez en entendre parler.
Early James, gouaille folk’n’roll
Les deux premiers albulms de ce natif de l’Alabama étaient chouettes et sympas, mais on était passé rapidement à autre chose face à une avalanche de sorties. En revanche, on attendait avec envie ce nouvel exercice, Medium Raw, pour le compte du surbooké Dan Auerbach, notamment depuis la mise en ligne de ce Steely Knives tubesque qu’on se repasse en boucle. Brut et catchy, un juste dosage entre country folk, blues râpeux et ce que l’Amérique a de meilleur : rock’n’roll, R&B et autres musiques raciniennes.
Jerron Paxton, la force tranquille
Un tout premier album pour LE label historique de référence (Smithonian Folkways), et tout ce qu’on lit et entend sur ce « faux » rural (il vit à New York) mais véritable bluesman « roots », nous engage à nous procurer le formidable Things Done Changed sorti en 2024. Guitare, banjo, harmonica, percussions et même piano parfois… Jerron touche à tout, chante brillamment, raconte des histoires tristes ou parfois très drôles, et fait tout ça avec brio. Make America Great Again ? Avec Monsieur Paxton, on signe sans hésitation.
Zach Bryan, country superstar
Depuis des décennies, outre-Atlantique, les artistes estampillés « country » sont soient des « outlaws » (musiciens opérant dans ce que le monde journalistique aime à qualifier d’alternative country), soient ils évoluent dans le circuit mainstream, qu’on raccroche parfois un peu vite aux élans traditionalistes et réactionnaires. Pourtant, à 28 ans, Zach Bryan reflète peut-être une réalité plus judicieuse. Les méga salles qu’il remplit et ses réseaux sociaux aux millions de fans n’empêchent pas ce songwriter talentueux de pondre des disques somptueux, tel ce Great American Bar Scene où l’on croise Springsteen au détour d’un titre.
Jason Isbell : le prochain Dylan ?
Ancien membre du groupe de country rock Drive-By Truckers, Jason Isbell a depuis fait un bon bout de chemin solo pour un quarantenaire. Un talent d’écriture comme on n’en trouve pas si souvent, une voix gorgée de ce gospel chevillé à son éducation musicale, une soul dont les gosses ayant grandi dans le sud se sont imprégnés naturellement, et ce nouvel album à paraître ce 7 mars 2025, Foxes In The Snow, sans décorum, ni guirlande… ni auto-tune. Des chansons à l’état brut, sans filets.