A l’heure de « Good Grief », son nouvel album, le constat est implacable. Hugh Coltman possède définitivement ce truc que ces “maudits Anglais” maîtrisent particulièrement bien et qu’on leur jalouse souvent de ce côté-ci de la Manche : l’art du songwriting ! Une délicate “cuisine” qu’il nous sert dans le meilleur des chaudrons, entouré d’une brigade de subtils musiciens… Et la rentrée n’en sera que plus digeste !
La référence “culinaire” de ce post à propos d’un Britannique peut sembler louche quand on sait que nos chers voisins d’Outre-Manche ne brillent pas par leur gastronomie. Sans rancune lads ! Passé ce constat un brin chauvin, penchons-nous sur la nouvelle mixture de notre Englishman in Paris favori, qu’on a eu l’occasion de goûter avant l’heure officielle du festin.
Blues… Et cætera
Plutôt que de le qualifier d’artiste caméléon – Hugh Coltman est-il jazzman, crooner, folkeux ? un chanteur de pop, de soul, de blues ? – ce vocaliste au timbre élégant, en plus d’être une sympathique personne à l’humour très anglais, est surtout un type aux oreilles curieuses, que les rencontres nourissent et dont la riche culture musicale s’entend à chaque note… Et l’écoute de Good Grief est, de fait, un vrai régal.
Touche-à-tout Hugh Coltman ? Difficile de répondre. S’il se glisse dans plusieurs costumes avec aisance et cette élégance so british, c’est aussi que ses fondations sont solides. Avant de poser ses valises et ses guitares en France il y a une vingtaine d’années, Hugh Coltman officiait Outre-Manche dans The Hoax, un groupe électrique de ce blues aux tendances rock qui s’est vu jouer aux côtés de B.B King, Buddy Guy et même John Lee Hooker. En termes “d’école”, ce n’est pas rien… Et quand on sait que le blues est à la source de beaucoup d’autres musiques, on imagine très bien le bénéfice engrangé pour la suite de ses aventures musicales. D’ailleurs, un simple coup d’oeil dans le rétro et sur l’album précédent Night Trippin’ (hommage à Dr John, grande figure de la Nouvelle-Orléans) et l’on se passe de commentaires. L’évidente maîtrise du blues dans ses différentes formes est bien là.
Des chagrins… Et tout va bien
Pour son nouvel opus, on retrouve en filigrane cette couleur blues chevillée non pas aux compositions (quoique Hear No Evil ou Mid Life Crisis sonnent clairement blues/rhythm & blues), mais plutôt aux histoires que Hugh Coltman a décidé de nous raconter.
Car Good Grief (heureux chagrin en français), c’est aussi l’album d’un gars qui arrive à cet âge qu’on dit moyen et qui naturellement, fait le point. Classique mais néanmoins sincère, honnête et enrichissant quand on se penche sur la plume de Hugh Coltman.
Interrogations intimes, humaines et donc universelles. L’histoire de ce monde qu’il observe, qui change, qui l’interroge. Et voilà que finalement on revient à l’essence même du blues dans ce que raconte Coltman. Qu’est-ce que le blues si ce n’est des histoires de vies, tout simplement.
Passé cette parenthèse philosophico-musicale à deux sous, ce qu’on aime aussi beaucoup dans les nouveaux titres de Hugh Coltman, c’est sa capacité à envelopper l’auditeur musicalement parlant. Ce truc douillet dans lequel on se glisse et qu’on a du mal à quitter.
Une contrebasse rondelette, des arpèges de guitares qu’on égrène avec une simplicité trompeuse. Des tempos au swing délicat et ces arrangements que l’on doit aussi à cette brochette de musiciens qui l’entoure depuis déjà un moment (Matthis Pascaud, Raphael Chassin, Laurent Vernerey). Harmonica donnant la réplique à un piano aux confins d’un jazz minimaliste, le souffle tendu d’un saxophone et des chœurs, toujours distingués, judicieusement placés pour soutenir la voix singulière de notre Hugh Coltman préféré. Y en a-t-il un autre d’ailleurs ?
On voudrait éviter ce qualificatif redondant, véritable écueil de journaliste paresseux qu’on entend constamment : “c’est l’album de la maturité”. Mais reconnaissons que Good Grief par ses thématiques illustre sans équivoque ce truc “midlife” que traverse l’artiste. Des proches qui s’en vont, des enfants qui poussent, des constats amers, d’autres enthousiastes, des envies qui naturellement évoluent. La nécessité de trouver son petit chemin, sa petite route, son petit ruisseau en composant de délicates petites chansons que Hugh Coltman nous livre avec – ou sans – chagrin, mais toujours avec cette justesse de ton et cette entièreté qui font de cet Englishman in Paris l’un des plus attachants.