Décryptage

Edward Norton, acteur indéfinissable

30 octobre 2023
Par Lucie
Edward Norton, acteur indéfinissable

Insaisissable, caméléon, exigeant, refusant les diktats hollywoodiens, Edward Norton se fait rare et choisit toujours consciencieusement ses rôles, toujours différents, souvent dans la performance. Il le prouve encore une fois dans Asteroid City de Wes Anderson, en dramaturge homosexuel et en noir et blanc. Portrait d’un acteur incorruptible, imprévisible et ultra-sensible.

Des débuts prometteurs

En près de trente ans de carrière, Edward Norton a réussi à imposer au cinéma sa silhouette longiligne, son physique de garçon modèle dissimulant des zones sombres qui ne demandent qu’à surgir et sa prédilection pour les rôles hors norme. Sans pour autant sacrifier son âme sur l’autel du Tout-Hollywood, alors que la tentation aurait pu être grande. On le rencontre pour la première fois en 1996 dans Peur primale de Gregory Hoblit, en schizophrène bègue défendu lors d’un procès par Richard Gere. Sa performance, digne des grands, est saluée par la critique. Il reçoit d’ailleurs le Golden Globe du meilleur acteur dans un second rôle et sera nommé à l’Oscar. On le retrouve ensuite dans Larry Flint de Milos Forman, biopic qui fit scandale. Tous les grands réalisateurs commencent à s’arracher Edward Norton. Rarement carrière aura été aussi fulgurante. Il n’a que 27 ans, tourne pour Woody Allen et va monter encore d’un cran avec deux rôles coup sur coup, rappelant les De Niro ou Pacino de la grande époque, auxquels on compare souvent sa gravité, son intensité et son grain de folie.

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 © Rysher Entertainment

Des performances hallucinantes

Dans American History X en 1999, crâne rasé, tatouage de croix gammée et corps affûté, il incarne un skinhead américain néo-nazi, raciste et violent, se retrouvant en prison après le meurtre d’un jeune Afro-américain. Là, il prend conscience de l’injustice du monde qui l’entoure, rajoute de la couleur à sa vie monochrome et après être devenu lui-même l’objet de toutes les haines, change du tout au tout et prône la tolérance. Il sera nommé à l’Oscar du meilleur acteur. La même année, pour David Fincher, il incarne un nouveau rôle de schizophrène poussé par des pulsions ultra-violentes. Face à Brad Pitt (ou plutôt devenu ce dernier), il offre dans Fight Club une performance totalement habitée et électrique, dans un univers de combats clandestins où tout est permis. Après cela, sa carrière, qui semble sur une voie toute tracée, va totalement dévier. Norton choisira des chemins de traverse, des rôles inattendus, éloignés de tout ce qu’on aurait imaginé de lui, comme s’il cherchait à faire oublier ses débuts en feux d’artifice.

Un enchaînement de films hétérogènes

Films de casse, comédies, thrillers, blockbusters, Norton entre dans une boulimie de tournages. On ne voit que lui, jusqu’à quatre longs-métrages par an au début des années 2000. Il joue sous la direction de Frank Oz, Danny DeVito, Spike Lee ou Ridley Scott. Il est un profiler du FBI arrêtant le cannibale Hannibal Lecter dans Dragon rouge, se lance dans un Marvel (L’Incroyable Hulk de Louis Leterrier, en Bruce Banner qui voit vert lorsqu’il s’énerve), devient un magicien perdant peu à peu possession de ses moyens (L’Illusionniste), un policier enquêtant sur une affaire de drogue et de meurtres (Le Prix de la loyauté), ainsi que des frères jumeaux, l’un vertueux, l’autre drogué notoire (Escroc(s) en herbe). Edward Norton est surtout un acteur exigeant, refusant que son nom seul soit vecteur de promotion. Il demande ainsi à ne pas être crédité sur Kingdom of Heaven pour créer un élément de surprise. C’est peu dire qu’une telle attitude, jusqu’au-boutiste, tournée vers les spectateurs, désarçonne les producteurs et un Hollywood capable de faire et défaire des carrières en un clin d’œil.

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© Darkstar

Une deuxième partie de carrière hors lumière

Quand on a commencé si fort, si vite, si haut, il faut parfois savoir se mettre un peu en retrait. C’est ce que Norton va entreprendre à partir des années 2010, passant des premiers aux seconds rôles, hormis quelques exceptions notables telles que Jason Bourne : L’Héritage, où il compense l’absence de Matt Damon par son sens de la démesure. Il devient un second couteau récurrent de choix pour Wes Anderson (déjà cinq films ensemble, de Moonrise Kingdom à Asteroid City), et parvient régulièrement à ne pas se faire oublier du grand public par des rôles éclatants. Si Birdman marque le come-back inespéré de Michael Keaton, ce dernier se fait voler la vedette par un Norton en surchauffe, interprétant un acteur génial mais aux exigences confinant à l’exaspération. Nouvelle nomination aux Oscars à la clé. Il en fait de même avec Daniel Craig dans Glass Onion : Une histoire à couteaux tirés sur Netflix, en interprétant un démiurge milliardaire qui manipule ses proches.

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© Fox Deutschland

Un réalisateur rare, mais brillant

Si Edward Norton s’éclate devant la caméra, quitte à se brûler parfois les ailes, il se prend également de passion pour la réalisation. Il n’a pourtant que deux films à son actif entre 2000 et 2019. Le premier, Au nom d’Anna, est un triangle amoureux entre un rabbin, un prêtre et une de leurs amies d’enfance qui ressurgit et sème le trouble. Norton y donne la réplique à un Ben Stiller à la rare sobriété. Près de 20 ans plus tard, il signe un polar poisseux, Brooklyn Affairs, dans lequel il interprète un détective privé atteint du syndrome Gilles de La Tourette, donnant la réplique à des stars telles que Bruce Willis, Alec Baldwin et Willem Dafoe. Le film est un succès critique. Norton cherchant à s’effacer de plus en plus, va-t-il désormais se consacrer à sa disparition totale derrière la caméra ?

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© Warner Bros. France

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Article rédigé par
Lucie
Lucie
rédactrice cinéma sur Fnac.com
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