Décryptage

Le rap et les rappeurs au cinéma

06 mai 2022
Par Mathieu M.
Le rap et les rappeurs au cinéma

Avec la sortie du premier film avec Dadju comme acteur, et la parution vidéo de Suprêmes, biopic sur NTM, les musiques hip-hop sont plus que jamais un sujet cinématographique majeur. Depuis les années 1990, à la faveur de passage de rappeurs devant la caméra, puis d’évocation de l’histoire du rap, le thème est particulièrement porteur. On rembobine.

Le rap devient rapidement cinématographique

Do the right thing1983, à New York. Le rap existe depuis 1979, et commence à attirer une certaine popularité à ses premiers artisans. Membre de Grandmaster Flash, le rappeur Melle Mel sort une chanson en solo. Un jeune étudiant en cinéma réalise la vidéo, underground, associée au titre. C’est ainsi que l’un des principaux cinéastes afro-américains de la fin du XXe siècle, Spike Lee, inaugure sa filmographie avec White Lines, un des morceaux cultes du hip-hop des eighties.

Si le vidéoclip deviendra un élément important de l’esthétique rap – et la spécialité de quelques artisans très talentueux, de Paris Barclay à Hype Williams – le cinéma est rapidement attiré par le genre. Spike Lee, avec Do The Right Thing, inaugurera une série de films cultes dont l’ambiance évoque clairement la culture urbaine afro-américaine, et par là même le rap.

Boyz n the hoodBoyz N The Hood, premier grand rôle du rappeur Ice Cube, s’inscrit dans ce courant. Le film dépeint la violence et les gangs qui ravagent les quartiers populaires de Los Angeles au début des années 1990. Thématiquement, le long métrage se rapproche des réalités du gangsta rap californien, fort bien représentées dans sa bande originale. Too $hort ou les Compton Most Wanted participent en effet du climat si particulier du film.

En 1993, John Singleton réitère cette coloration hip-hop avec son deuxième film, Poetic Justice. Dans cette love story sur fond de cavale, Tupac, la star montante du hip-hop, obtient un rôle important, un an après avoir débuté au cinéma dans Juice, autre long métrage nourri aux musiques urbaines, notamment par sa b.o..

Menace II SocietyUn autre grand classique de l’époque du gangsta rap se nomme Menace To Society. Sortie en 1993, cette tragédie nous plonge dans un univers de meurtres et de vengeances particulièrement saisissant. Servi par une b.o. west coast du plus bel effet, il voit notamment l’apparition de MC Eiht comme acteur.

Les rappeurs font leur cinéma

La haineAlors que quelques rappeurs brillent comme acteurs (LL Cool J, Ice Cube) au milieu des années 1990, l’envie de diversification va pousser certains artistes hip-hop à écrire eux-mêmes leurs propres scénarios. En France, notamment, l’essor de cette culture se manifeste assez tôt : La Haine, en 1995, incarne une certaine mise en avant de la scène hexagonale. La B.O. est en effet confié à Assassin, groupe dont le MC Rockin’ Squat est le frère de l’acteur principal Vincent Cassel. Une scène mythique du film montre par ailleurs le DJ Cut Killer mixer à une fenêtre. Ce long métrage inspiré de Do The Right Thing  témoigne depuis lors de la place de l’expression artistique dans la vie des jeunes paupérisés des quartiers dit « difficiles ».

8 MileCinq ans plus tard, Akhenaton et Kamel Saleh tournaient Comme un aimant, un témoignage sociologique sur la vie dans les quartiers populaires marseillais. Avec sa b.o. rassemblant la fine fleur du rap de la ville, et la participation du MC d’IAM devant la caméra, le film a montré que les passerelles entre hip-hop et septième art s’établissaient naturellement.

Comment c'est loinEnsuite, c’est la vie des rappeurs eux-mêmes qui est devenu un sujet de film. Avec 8 Mile, inspiré de sa propre jeunesse, Eminem a donné un prolongement de l’autobiographie à laquelle il se livrait, de manière plus humoristique, sur ses albums. Surtout, le long métrage révélait une facette de sa carrière très intéressante : les battles. Elles sont la colonne vertébrale de cette œuvre culte pour tous ceux qui s’intéressent au hip-hop. Le protégé d’Eminem, 50 Cent, allait suivre les pas de son maître dans un autre long métrage autobiographique, Réussir ou mourir. A leur tour, Orelsan et Gringe ont adapté leur démarrage dans le game, avec Comment c’est loin, tranches de vie de losers caennais rêvant de gloire (et d’achever un morceau).

Rap et cinéma : une normalisation

FatalSi le rap a connu un certain déclin au milieu des années 2000, en France comme aux États-Unis, son rôle culturel n’a cessé d’être reconnu. Au cinéma, le genre musical a été parodié : Ali G de Sacha Baron Cohen fait référence aux auditeurs blancs privilégiés de hip-hop, quand Fatal incarné par Michaël Youn reprend nombre de clichés médiatiques associés au rap.

Le business du rap est devenu ensuite le sujet d’une série à succès : Empire, plongée dans l’industrie musicale particulièrement réussie. Parallèlement, Ice Cube, Ice-T ou LL Cool J ont continué, sur petit et grand écran, à se faire connaître d’un large public. Plus récemment, un acteur et MC talentueux est devenu la coqueluche de la presse internationale : Donald Glover s’est révélé dans Community, a mené une carrière cinématographique convaincante (Seul sur Mars, Solo : A Star Wars Story) et créé une série très réussie, Atlanta, autour du rap et du racisme dans la ville éponyme. Sous le pseudonyme de Childish Gambino, il a également prouvé son génie comme MC, avec des albums comme Awaken, My Love ! ou Because the Internet.

NWA Straight outta comptonCes dernières années, l’arrivée de biopic concernant des stars du rap montre que le patrimoine du hip-hop devient un sujet à part. Après Notorious, biographie académique, mais complète, autour de la vie de Biggie Smalls, c’est l’excellent NWA : Straight Outta Compton qui a renouvelé le genre. Revenant sur la relation entre Eazy-E, Ice Cube et Dr. Dre (ce dernier ayant même écrit un album inspiré du film, Compton), puis sur l’essor de Snoop Dogg, le long métrage narre l’Histoire du son West Coast par le menu, dans un mélange bienvenu de drame et de film musical.

En France, la sortie de Suprêmes, sur la naissance et le succès d’NTM, intervient alors même que Kool Shen et Joey Starr sont désormais aussi connus pour leur rôle de MC pionniers que pour leurs carrières cinématographiques. Preuve que les grandes figures du rap ont tout à gagner à se frotter au cinéma. Dadju, roi des musiques urbaines actuelles, l’a bien compris : son premier film, Ima, accompagne son nouvel album Cullinan, la musique et les images s’étant nourries mutuellement pour aboutir à un projet artistique complet.

Article rédigé par
Mathieu M.
Mathieu M.
Disquaire sur Fnac.com
Sélection de produits