L’année 2021 marque le cent cinquantième anniversaire de la Commune de Paris, événement fondateur pour certains ou à la portée exagérée pour d’autres. Une chose est certaine, les 72 jours du printemps de 1871 qui ont vu une insurrection se transformer en projet politique et sociétal ont marqué l’imaginaire français et international. De nombreux auteurs, penseurs, historiens, témoins directs ou plus lointains se sont penchés sur le sujet. On vous en parle.
Histoire de la Commune de 1871, de Prosper-Olivier Lissagaray (La Découverte)
Avec l’Histoire de la Commune de 1871, Prosper-Olivier Lissagaray, témoin direct des événements, a voulu raconter l’histoire de ces 72 jours de la façon la plus fidèle possible.
Écrivain et journaliste de tendance républicaine et socialiste, il s’oppose déjà à Napoléon III lors des années qui précédent la guerre de 1870. Présent à Paris lors du moment de flou de la capitulation française face aux troupes prussiennes, il assiste à la naissance de la Commune et prend les armes et sa plume pour aider le mouvement populaire à grandir.
Exilé à Bruxelles après l’anéantissement de l’insurrection par l’armée du gouvernement conservateur réfugié à Versailles, il entreprend de raconter les faits en 1876. Désireux de s’attaquer au sujet en historien, il rencontre de nombreux communards exilés en Suisse et en Angleterre et présente les évènements en tentant de rester le plus objectif possible.
Il n’occulte ainsi pas les massacres de la Semaine Sanglante perpétués par les troupes loyalistes ni les exécutions d’otages ou les atermoiements des dirigeants de la Commune.
Paris insurgé – La Commune de 1871, de Jacques Rougerie (Gallimard)
Grand spécialiste de l’histoire de la Commune, chercheur et universitaire reconnu, Jacques Rougerie a profondément renouvelé la recherche sur le sujet.
Ce Paris insurgé – La Commune de 1871 présente de la façon la plus dépassionnée possible les évènements. Il raconte comment la population de Paris se révolta contre une assemblée nationale monarchiste accusée de baisser les armes face à la Prusse. Comment elle tenta l’aventure impossible d’une république indépendante, égalitaire et juste. Comment elle fut écrasée dans le sang par le gouvernement conservateur d’Adolphe Tiers. Et enfin comment elle est devenue dès 1885 un point d’ancrage idéologique, une référence des mouvements ouvriers et révolutionnaires et la dernière grande insurrection sociale du XIXème siècle.
La Commune de Paris par ceux qui l’ont vécue, de Laure Godineau (Parigramme)
Dans La Commune de Paris par ceux qui l’ont vécue, l’historienne Laure Godineau, spécialiste du XIXème siècle, propose de laisser de côté les a priori idéologiques pour revisiter les évènements de manière objective.
Elle fait appel pour cela à de très nombreuses sources directes, auteurs reconnus comme Prosper-Olivier Lissagaray ou les frères Goncourt, ou simples anonymes couchant leurs observations, leurs pensées, leurs sentiments sur papier.
En résulte un ouvrage remarquable d’objectivité, qui donne la parole autant aux soutiens de la Commune qu’à ses détracteurs restés sur place, à tous ces habitants spectateurs plutôt qu’acteurs, qui assistèrent impuissants à la sanglante répression gouvernementale, ainsi qu’aux observateurs extérieurs. Richement illustré de portraits, photographies et caricatures, il donne une voix et une apparence aux acteurs de cet évènement si particulier de l’histoire de France.
La Commune, de Louise Michel (La Découverte)
Grande figure de la Commune, féministe avant l’heure, militante infatigable des causes ouvrières et anarchistes, Louise Michel fait partie de ces personnages clés de l’histoire de France, qui se confondent avec les évènements auxquels ils ont participé.
Cet ouvrage rédigé en 1898, sobrement intitulé La Commune, fut l’occasion pour elle de raconter l’insurrection devenue république indépendante. Avec de saisissantes qualités littéraires et armée de ses souvenirs, Louise Michel propose de revivre les folles semaines du printemps 1871, où l’espoir d’une société plus juste et les rêves d’égalité fleurissaient à Paris.
Elle y raconte également les difficultés et les hésitations qui ont conduit au drame final, la Semaine Sanglante. Puis la répression sauvage et les procès expéditifs qui l’ont envoyée au bagne pendant près de dix ans.
La guerre civile en France, de Karl Marx (Science Marxiste éditions)
Une expérience de révolution et de gouvernement par le peuple d’une telle ampleur ne pouvait qu’intéresser le grand théoricien et philosophe Karl Marx, alors en exil à Londres.
Depuis l’Angleterre il suivit les évènements, par des connaissances et par les journaux anglais. Il proposa alors à l‘Association internationale des travailleurs, la fameuse Première Internationale à laquelle il était l’un des principaux contributeurs, de rédiger un pamphlet sur la situation parisienne adressé à la classe ouvrière mondiale.
Publié le 30 mai 1871, soit deux jours après la répression féroce du mouvement, La guerre civile en France est un article relativement court qui attaque le gouvernement de Thiers ainsi que le personnage lui-même et n’hésite pas à dénoncer l’attitude contestable de nombreux républicains comme Jules Ferry accusés de profiter de la situation chaotique. Il met également en lumière les formidables avancées sociales et les combats de la classe ouvrière.
Paris, bivouac des révolutions – La Commune de 1871, de Robert Tombs (Libertalia)
L’historien anglais Robert Tombs, grand spécialiste de la Commune de Paris enseignant à l’université de Cambridge, livre avec Paris, bivouac des révolutions – La Commune de 1871 une tentative particulièrement convaincante de travail critique objectif sur cet évènement de l’histoire de France qui influença l’histoire du monde.
Son titre est inspiré de L’Insurgé de Jules Vallès, témoin direct et acteur de la Commune. Délaissant les mythes à propos de l’insurrection, il propose une remise à plat des faits, interroge les témoins directs et confronte les interprétations successives pour arriver à une magistrale leçon d’histoire, claire et stimulante, la plus complète sur le sujet.
La Commune et les Communards, de Jacques Rougerie (Gallimard)
Dans La Commune et les Communards, le grand historien spécialiste de la Commune Jacques Rougerie livre la somme de ses travaux sur le sujet.
La première partie, « Paris insurgé », porte sur les évènements eux-mêmes avec le sérieux et l’objectivité habituels du chercheur. Tandis que la seconde s’intéresse aux hommes. Intitulée « Le procès des Communards », elle présente des portraits de ces héros, grands ou anonymes, qui participèrent à l’insurrection.
S’appuyant sur les dossiers longtemps secrets de la justice militaire, l’historien donne une voix à ces personnages tragiques qui furent jugés sommairement après la Semaine Sanglante. Un formidable travail de remise en contexte sur un sujet à forte valeur émotionnelle.
La proclamation de la Commune – 26 mars 1871, de Henri Lefebvre (La Fabrique Éditions)
Henri Lefebvre, philosophe, sociologue et géographe français du XXème siècle consacra une grande partie de sa vie à l’étude du marxisme, à tel point qu’il fut l’un de ceux qui introduisirent la pensée de Marx en France dans les années 30.
Pas étonnant donc qu’il se soit intéressé à cet évènement qui fascina tant le philosophe, la Commune de 1871. Avec La proclamation de la Commune – 26 mars 1871, Henri Lefebvre retrace d’abord les étapes qui ont amené à cette situation, en resituant la Commune dans son contexte économique, politique et idéologique, avant de brosser le portrait fascinant du Paris insurgé.
Il effectue un travail d’historien, mais il s’agit d’une histoire partisane, qui a pour but de montrer que malgré son œuvre inaboutie, ses échecs militaires et ses contradictions idéologiques, la Commune est un phare pour la classe exploitée, qui doit prendre conscience de sa force.
Rimbaud, la Commune de Paris et l’invention de l’histoire spatiale, de Kristin Ross (Les Prairies ordinaires)
Essayiste, professeure de littérature à l’université de New York et grande spécialiste de la culture française du XIXème siècle notamment, Kristin Ross propose dans Rimbaud, la Commune de Paris et l’invention de l’histoire spatiale de repenser ces trois sujets ensemble.
Ni une biographie de Rimbaud ni une histoire de la Commune, cet ouvrage invite à penser la parenté entre un évènement poétique et un évènement politique. La Commune se révèle être un moment d’appropriation d’un lieu par ses habitants, et permet une circulation permanente à travers les barrières de classes et les métiers. Elle constitue un mouvement de redistribution de l’espace social et urbain et s’élève contre les hiérarchies spatiales. En ce sens elle fait corps avec la poésie rimbaldienne, faite de mouvement et de transgression, miroir de la vie tumultueuse du jeune poète fasciné par la Commune alors qu’il avait 17 ans.
L’Insurgé, de Jules Vallès (Le Livre de Poche)
Troisième roman de la trilogie autobiographique mettant en scène son alter ego Jacques Vingtras, L’Insurgé est pour Jules Vallès l’occasion de revenir sur les évènements de la Commune dont il a été témoin et acteur.
L’auteur décrit avec son style habituel, animé, proche du lyrisme révolutionnaire, où la satire et l’ironie sont omniprésentes, l’espoir sans limites des premières semaines de la Commune, la guerre des barricades, la mise en place d’un gouvernement populaire où Vingtras devient l’un des membres influents avant la chute et la répression sauvage de la Semaine Sanglante.
Roman à la fois tragique et virevoltant, il est l’occasion pour Jules Vallès de faire passer ses idées, lui l’infatigable militant de la cause ouvrière et d’une république sociale, compagnon de lutte d’Auguste Blanqui et opposant déterminé à la République de Thiers et à l’Empire.
—
Aller + loin :
Retrouvez toute l’Histoire de la 3ème République sur Fnac.com
