L’Instant Lire à la Fnac : le rendez-vous de toutes les littératures à ne pas manquer. Baptiste Liger, directeur de la rédaction du magazine Lire Le Magazine Littéraire, partage ses conseils de lecture. Pour ce rendez-vous de septembre, intéressons-nous à la figure du père dans les romans de la rentrée littéraire.
La figure du père à travers l’histoire de la littérature
Baptiste Liger : « Il y a des thèmes qui semblent nous préoccuper et ce, depuis le berceau de l’humanité. Et parmi ceux-ci, il y un thème qui a particulièrement obsédé tous les écrivains, celui de la figure du père. Petit état des lieux à l’occasion de la rentrée littéraire.
Cette thématique paternelle interroge les auteurs depuis l’Antiquité, tout simplement. On trouve en effet de beaux spécimens de pères dans la Bible, ou bien encore chez Sophocle avec Œdipe Roi. On pourrait citer Corneille avec Nicomède et son père particulièrement jaloux de son fils, ou bien encore la Lettre au père de Franz Kafka, des figures pas toujours positives. Heureusement, il y a des figures plutôt positives, à l’image de Joseph, le sympathique instituteur de La Gloire de mon père de Marcel Pagnol.
Mais s’il y a bien un écrivain qui symbolise l’exploration de la question paternelle, c’est notre Honoré de Balzac national avec Le Père Goriot évidemment, ce père qui aime tellement ses filles qu’il va un petit peu confondre argent et bonheur, deux entités qui ne font pas toujours bon ménage.
Ou bien encore, le père d’Eugénie Grandet atteint d’une avarice maladive. Je ne cite pas le cas Grandet par hasard, en effet, Marc Dugain l’auteur de La Chambre des Officiers ou bien d’Une exécution ordinaire, par ailleurs cinéaste, va sortir très prochainement sur les écrans son adaptation d’Eugénie Grandet et, hasard du calendrier, il va faire paraître un nouveau roman intitulé La Volonté dont le sujet est justement son propre père.
Il n’est pas le seul, loin de là, en cette rentrée littéraire, à aborder le sujet. En effet, des pères, on en trouve dans de très nombreux romans qui viennent tout juste de paraître. Alors, on pourrait citer Sorj Chalandon qui avait déjà fait Profession du père, ou bien encore Christine Angot dans Voyage dans l’Est. On sait que le père est cher à son œuvre sur la question de l’inceste. Simonetta Greggio ou bien encore Claire Castillon, Éric Fottorino, enfin bref, ils sont très nombreux.
Mais j’aimerais bien qu’on se focalise sur deux titres particulièrement attendus, à savoir les romans d’Amélie Nothomb et Jean-Baptiste Del Amo.
Premier Sang, Amélie Nothomb
Chaque cuvée de la dame au chapeau, c’est un peu un fruit de saison avec des crus plus ou moins réussis et c’est tout à fait normal quand on est si prolifique.
Premier Sang donc, appartient à la veine “autobiographique” d’Amélie Nothomb. Cette fois-ci, elle a décidé d’évoquer la vie de son père Patrick, décédé l’an passé, en racontant sa jeunesse et notamment tous ces étés qu’il a pu passer dans le domaine familial du Pont d’Oye et on découvre quelque chose qui ressemble un petit peu à la famille Adams. Un grand-père paternel qui se prend pour un immense poète, qu’il n’est pas forcément, avec des enfants très nombreux et qui n’ont pas forcément les mêmes droits que les adultes à table. Ce qui nous vaut une scène absolument mémorable. Et puis surtout, dans ce château, il fait froid, ça caille.
En tous les cas, de cette expérience Patrick va tirer bien des enseignements qui vont l’amener à devenir le diplomate qu’on connaît et une expérience qui aura bien des répercussions sur celle qu’on connaît tous aujourd’hui, la romancière Amélie Nothomb.
Qu’on soit ou pas un inconditionnel de l’auteure de Stupeur et Tremblements, il faut se rendre à l’évidence, ce Premier Sang compte assurément parmi les meilleurs ouvrages d’Amélie Nothomb en raison de son thème universel. Elle nous montre en effet à quel point ces instants d’enfance nous constituent en tant qu’individu et ont un impact sur notre destin. Elle le fait par petites touches, de manière subtile. Elle le fait bien, tout simplement.
Le cas Del Amo
S’il n’a pas la notoriété d’Amélie Nothomb, il n’en demeure pas moins vrai que Jean-Baptiste Del Amo est bien connu des amoureux des librairies depuis Une éducation libertine ou Règne animal qui lui avait valu le prix du Livre Inter.
Le Fils de l’Homme confirme ce que l’on savait déjà, Jean-Baptiste Del Amo est l’un des plus beaux stylistes de la langue française, certainement l’une des plus belles plumes de la littérature française contemporaine. Justement, ses qualités d’écriture, il les met au service d’une histoire. Une histoire aux relents quasiment mythologiques, une mère, un père, un fils, ils sont dans un décor aride de pierres, la forêt n’est pas loin, il y a les animaux, il y a aussi la tentation des armes à feu avec l’apprentissage de celles-ci.
Il s’agit très certainement d’une des œuvres les plus maîtrisées de cette rentrée littéraire, en tout cas, une des plus belles démonstrations de virtuosité et absolument pas vaine et je suis quasiment certain que Jean-Baptiste Del Amo ne repartira pas bredouille de la saison des prix littéraires.
Bien sûr, on ne saurait résumer la rentrée littéraire à cette seule évocation du cas paternel. Il y a plein de romans qui abordent des thèmes absolument variés et plein de romans formidables. Mais, en tous les cas, à travers le cas de Jean-Baptiste Del Amo ou d’Amélie Nothomb et de quelques autres, se pose une sorte de paradoxe, de dilemme qu’on va résumer en détournant la célèbre formule d’André Gide : entre famille je vous hais et famille je vous aime, y a-t-il fondamentalement une si grande différence ? Vaste question… »
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