Avec son célèbre plombier moustachu, Nintendo enchaîne les succès depuis plus de 35 ans. Mais un jeu presque terminé et magnifique pour l’époque n’a pourtant jamais vu le jour. Découvrez l’histoire de Super Mario’s Wacky Worlds.
À la fin des années 80, la guerre des consoles fait rage. Le marché des jeux vidéo est déjà bien installé, et toutes les plus grandes entreprises s’imaginent pouvoir s’emparer d’une part de ce magnifique gâteau, alors que Nintendo et Sega dominent largement. C’est notamment le cas de Sony et Philips, déjà bien installés dans leur domaine respectif. Mais pour intégrer un marché aussi complexe, les deux entreprises se tournent vers Nintendo.
Sony humilié, Philips adoubé
Des négociations s’entament. Entre Sony et Nintendo, elles vont très loin. Le support CD-ROM vient de débarquer sur le marché, et il présente l’avantage de proposer une énorme capacité de stockage par rapport aux cartouches utilisées jusqu’à présent. Chez Nintendo, bien que le support CD soit très critiqué pour les temps de chargement qu’il impose, on hésite à franchir le pas. Mais Sony sait se montrer convaincant, et les premiers prototypes de périphériques CD-ROM pour la Super Nintendo voient le jour. Le concept est alors nommé Nintendo Play Station.
Mais alors que tout semble fin prêt, Nintendo met subitement un terme à ses relations avec Sony, et préfère se tourner vers Philips, toujours dans le but de construire un lecteur CD pour sa Super Nintendo. La nouvelle fait scandale au Japon, et ni la population ni le gouvernement ne comprennent le geste de Nintendo, qui humilie une société nippone pour se tourner vers une entreprise européenne. Sony finira évidemment par se laver de cette humiliation en réussissant plutôt bien son arrivée sur le marché des consoles…
Mais c’est donc avec Philips que Nintendo signe un accord. Et si le fameux support CD créé par Philips pour accompagner la Super Nintendo ne verra finalement jamais le jour, l’entreprise néerlandaise conserve toujours certains avantages grâce à son accord signé avec Big N. Parmi ces avantages, le droit de développer des jeux des deux plus grosses licences Nintendo : Zelda et Mario.
La CD-I de Philips
Avec une telle mine d’or entre les mains, en plus des capacités techniques de l’entreprise, Philips décide finalement de construire sa propre console, qui servira aussi de lecteur multimédia : la CD-I. En plus des licences Nintendo, la console est surtout pensée pour le développement de jeux éducatifs, ce qui explique la forme assez étrange de sa première manette, qui fait plus penser à une télécommande qu’autre chose.
Autre problème, Philips offre des moyens très limités à ses studios de développement et des délais absolument intenables pour sortir les fameux jeux Zelda et Mario.
Résultat, trois jeux Zelda sortiront : Link the Face of Evil, Zelda the wand of Gamelon et Zelda’s adventure, qui resteront tristement célèbres et connus sous le nom de la Triforce de la honte. Absolument désastreux autant graphiquement qu’en termes de gameplay, les jeux Zelda seront des échecs, tout comme Hotel Mario, sorti en 1994, qui restera particulièrement célèbre pour ses cinématiques catastrophiques et encore aujourd’hui tournées en dérision sur Internet.
Mais malgré tous ces échecs, Philips ne se décourage pas, et demande au studio Novalgic de développer une suite à Super Mario World. Un travail de titan, d’autant que Nintendo, qui avait certainement anticiper l’échec de la CD-I, ne fournit aucune base de ses jeux Mario à Novalgic, qui devra donc tout redessiner à la main en étant le plus fidèle possible aux dessins japonais. Après deux semaines de développement particulièrement intenses, Novalgic est fier de présenter à Nintendo son jeu : Super Mario’s Wacky Worlds.
La bonne, puis la mauvaise nouvelle
À la grande surprise de Nintendo, qui s’attendait certainement au pire, le jeu semble excellent. Mario est très fidèlement représenté, et l’aventure colle parfaitement à l’univers. En plus, les capacités techniques de la console de Philips permettent aux développeurs de faire évoluer le plombier moustachu dans de sublimes décors, très travaillés. Chaque monde présente des décors différents, s’inspirant de nombreuses périodes historiques comme l’Egypte ou encore la Grèce antique. Un environnement sublime pour un gameplay fluide et fidèle à la saga : Philips tient enfin un hit pour sa console.
Malheureusement, devant les très mauvais chiffres de vente de la CD-I, Nintendo impose son veto, et toute l’équipe de développement arrête du jour au lendemain son travail sur Super Mario’s Wacky Worlds. On apprendra quelques années plus tard qu’il s’agissait d’une stratégie mise en place par Nintendo pour se rendre compte de ce que pourraient donner ses propres licences sur des jeux en support CD. Après cette expérience globalement ratée, la firme japonaise décidera de conserver le format des cartouches pour sa Nintendo 64.
Ce qui aurait pu être une nouvelle révolution pour Mario en termes de graphismes ne verra finalement jamais le jour. Une légende de plus qui vient s’ajouter à l’Histoire incroyable du plus célèbre des plombier, qui vient tout juste de fêter ses 35 ans.