Décryptage

Fun Fnac : quand la PS2 était considérée comme une arme de guerre

23 novembre 2020
Par Valentin Boulet
Fun Fnac : quand la PS2 était considérée comme une arme de guerre
©Fnac

À l’occasion de la sortie des consoles de nouvelle génération, on parle, comme toujours, d’une « guerre des consoles ». Aujourd’hui un peu moquée, cette expression n’a jamais été aussi vraie que pour la sortie de la Playstation 2…

En 2000, alors que le monde vient de survivre au fameux « bug de l’an 2000 » en franchissant le cap du troisième millénaire sans encombre, le marché des consoles de salon continue son incroyable croissance, entamée une dizaine d’années auparavant. Comme aujourd’hui avec la sortie de la PS5 et des Xbox Series, chaque nouvelle génération de consoles représente un bond technologique et une porte d’entrée vers le futur. Le 4 mars 2000, la planète entière a donc les yeux rivés sur le Japon, où sort en exclusivité mondiale la nouvelle Playstation 2, qui n’arrivera dans le reste du monde que de nombreux mois plus tard.

La toute puissante PS2

Pour vendre sa nouvelle merveille, qui reste encore à ce jour la console de salon la plus vendue de l’histoire, Sony met en avant sa puissance inédite, son incroyable capacité à gérer la 3D mieux que n’importe quel ordinateur de l’époque et la possibilité de la connecter à internet. Une promotion agressive qui attira l’oeil du gouvernement japonais, qui se voit à l’époque contraint de restreindre les exportations de la nouvelle console.

En effet, la loi nippone considère la PS2 comme tellement puissante que celle-ci pourrait être utilisée… à des fins militaires ! Les Japonais n’ont donc pas le droit de se procurer plus de deux unités par personne, et les exportations vers la Corée du Nord, l’Irak ou la Syrie sont par exemple totalement interdites.

Si un tel contrôle peut paraitre aberrant aujourd’hui, ce n’est pas du tout une première. Quelques mois plus tôt, Steve Jobs présentait le Mac G4 comme une révolution technologique avant de voir le gouvernement américain limiter fortement son exportation pour les mêmes raisons. Mais après quelques mois de négociations et de mises à jour du système de sécurité, Apple avait été autorisé à vendre son nouvel ordinateur partout dans le monde. Mieux, la publicité qui accompagnait sa sortie mondiale représentait l’ordinateur au milieu de tanks de l’armée américaine. Une habile manière de rebondir sur le scandale pour se faire connaitre.

Sadam Hussein et ses 4 000 PS2

La PS2 arrive finalement le 26 octobre 2000 aux Etats-Unis. Quelques semaines plus tard, George W. Bush est élu Président, avec déjà la ferme intention de finir le « travail » commencé par son père lors de la Guerre du Golf au début des années 90. Bien avant le 11 septembre 2001 donc, l’administration Bush fait déjà pression sur l’ONU pour dénoncer le prétendu armement de l’Irak, et demande un contrôle strict des importations du pays dirigé d’une main de fer par Sadam Hussein.

Au début du mois de décembre, le média d’extrême droite World Net Daily fait sensation avec un article relatant le témoignage d’une source haut placée dans les services secrets américains. Selon cette source, les experts des services secrets ont alors décrété qu’en combinant entre 12 et 15 PS2, il était possible de construire un super-ordinateur capable de contrôler à distance des tanks et des avions, voire même de servir à la direction de missiles à très longue portée, ou à la conception d’armes nucléaires…

Au même moment, exactement comme pour la sortie de la PS5 à l’heure où sont écrites ces lignes, la PS2 cartonne. A tel point qu’elle est en rupture de stock un peu partout aux USA à l’approche des fêtes de Noël. Mais dans son article, en plus du témoignage de ce cadre des services secrets, WDN révèle que le FBI aurait suivi la trace de près de 4 000 PS2 achetées aux Etats-Unis puis exportées vers l’Irak. Une aubaine pour le gouvernement Bush qui souhaite que le contrôle de l’ONU sur les importations irakiennes soit alors étendu à tous les domaines, même celui du jouet, la catégorie de biens à laquelle est raccrochée cette pauvre PS2 qui n’avait rien demandé.

Détroit, capitale de l’Irak ?

Les yeux de tous les américains, frustrés pour beaucoup de ne pas pouvoir mettre la main sur une PS2 en rupture de stock, se tournent alors vers la ville de Détroit. En plus d’accueillir une forte communauté d’origine irakienne, la ville de Détroit avait, plus de vingt ans plus tôt, offert symboliquement les clefs de la ville à Sadam Hussein, alors allié des USA, pour le remercier d’avoir financé à hauteur de 750 000 dollars la restauration d’un centre catholique d’accueil pour les enfants orphelins. Un citoyen de la ville est alors accusé d’avoir acheté 400 PS2 à lui seul et de les avoir envoyé vers l’Irak, qui pour rappel, faisait partie de la liste des pays où l’exportation de PS2 était formellement interdite par le Japon.

sadam detroit ok

Après les attentats du 11 septembre 2001, les USA entrent officiellement en guerre et envahissent l’Irak pour « protéger » le monde contre « l’axe du mal » et ses « armes de destruction massives ». Finalement, au même titre que les fameuses armes de destruction massives, aucun super-ordinateur construit avec des PS2 n’a été retrouvé en Irak. Et si des PS2 ont effectivement été envoyées depuis les Etats-Unis vers les pays du Golf, elles ont très probablement plus servi à jouer à Jak and Daxter qu’à préparer une guerre nucléaire…

PS3 et rebelote

Visiblement, l’armée américaine avait encore cette histoire incroyable en tête au moment de la sortie de la PS3, en novembre 2006. Elle aussi louée pour sa puissance, la console de Sony abrite, exactement comme la PS5 aujourd’hui, des composants très puissants et surtout très chers par rapport au prix de vente de la machine.

Le département de la Défense aux USA a donc, en combinant 1 760 PS3, bâti le Condor, 33ème super-ordinateur le plus puissant du monde à l’époque, capable d’accomplir pas moins de 500 billions d’opérations par seconde. Un équipement qui servira vraiment à l’armée américaine dans de nombreuses opérations et qui aura coûté un peu plus de 2 millions de dollars, soit environ 10% du prix d’un tel équipement à l’époque.

Condor

Face à ce constat, Sony a pris une décision très forte en mettant à jour les consoles du monde entier pour qu’aucun autre système d’exploitation que le leur puisse être installé sur une PS3. Un patch qu’ils ont conservé et qu’ils appliquent désormais à toutes leurs nouvelles consoles. Merci donc de ne pas essayer de construire en bombe nucléaire en accumulant des PS5.

Article rédigé par
Valentin Boulet
Valentin Boulet
Conseiller fnac.com jeux vidéo et high tech
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