A l’occasion de la sortie de Ratched de Ryan Murphy, depuis le 18 septembre sur Netflix, on vous parle de ce serial créateur, qui n’a pas peur de s’exprimer, de montrer et de multiplier les projets aussi insolites que fascinants.
Qui est Ryan Murphy ?
Vous ne connaissez peut-être pas son nom, mais son travail ne vous est pas inconnu. Ryan Murphy, réalisateur, scénariste et producteur, de multiples séries à succès et récompensé pour la plupart d’entre elles, est un créateur non conformiste dans l’ombre d’Hollywood depuis plus de 20 ans. Avec un passif de journaliste et une ambition mesurée, Ryan Murphy sait écrire et nous le prouve à chaque instant. Avec un début de carrière, un peu plus édulcoré qu’on ne le connait maintenant, il débarque sur le petit écran avec Popular en 1999, une série sur deux adolescentes en conflit de popularité. Même si la série ne sera pas renouvelée après deux saisons, elle est fortement plébiscitée par le public.
Nip/Tuck, Glee : les révélations
C’est grâce à Nip/Tuck en 2003 que le succès escompté va enfin le faire connaitre et reconnaitre et lancer définitivement sa carrière. La série conte les tribulations de deux chirurgiens esthétiques amoraux, durant 6 saisons, sous la coupe Hollywoodienne, où règne le mal être permanent et la fascination du corps sous toutes ses coutures, des stars de seconde zone. Une série qui va instaurer une version sinistre et glauque à l’image de son créateur. Le ton est donné, la critique et satire de la société sera désormais le fond de teint de Ryan Murphy.
Toujours là où l’on attend le moins, il poursuit son ascension avec la série Glee (2009) qui revient dans la veine teenage de ses débuts, en y ajoutant une grosse touche de comédie musicale. Récompensée de plusieurs trophées, la série sera malheureusement arrêtée après 6 saisons suite à la mort par overdose de l’un de ses acteurs de premier plan, Corey Monteith. Une série qui fait encore beaucoup parler d’elle aujourd’hui, dans la rubrique nécrologique du 8ème art. La malédiction comme beaucoup l’appelle, s’est depuis abattue sur une grande partie du casting, accusation de pédo-pornographie, suicides, morts accidentelles… Glee compte tristement le plus de décès à son actif que n’importe qu’elle autre des années 2000, la dernière en date, celle de Naya rivera, l’éternelle Santana, tragiquement noyée en juillet 2020.
American Horror Story : la consécration
C’est sans conteste avec sa série American Horror Story (AHS), lancée en 2011, que Ryan Murphy va trouver sa véritable identité visuelle. Une série d’anthologie qui aujourd’hui continue de fasciner les puristes du cinéma d’horreur. L’attraction et l’esthétisme du morbide sur fond de tueurs en série déjantés et d’histoires macabres sont un réel bijou qui se démarque clairement des autres séries TV. Avec une force d’écriture qui nous embarque d’une saison à l’autre, d’un univers à un autre avec toujours la même ligne de conduite, l’horreur. Elle est pour moi et beaucoup d’autres, sa meilleure création à ce jour, et ce n’est pas un hasard si 9 ans après, elle est toujours en production.
Un concept de psychologie horrifique qui sera utilisé dans son projet Scream Queens (2015), terme légendaire attribué aux survivantes de slasher movie, dans cette comédie qui se moque des cris poussés par de jeunes femmes lorsqu’elles sont en danger de mort. La référence ultime étant Jamie Lee Curtis, dans le classique du slasher Halloween (1978) de John Carpenter.
La représentation LGBTQ
Homme engagé auprès de la cause LGBTQ+, il crée The New Normal (2012) qui ne comptera qu’une saison sur un couple homosexuel qui fait appel à une mère porteuse pour réaliser leur rêve de famille. Il réalise The Normal Heart (2014), pour HBO, une mini-série sur l’arrivée du sida dans les années 80 et réitère avec Pose (2018 -) sur l’underground Queer dans le New York des années 80. C’est à ce jour la série qui met en scène le plus d’acteurs et actrices transgenres dans l’histoire de la télévision. Avec la mini-série Hollywood (2020), il expose de nouveau ce droit à la différence et le parcours du combattant pour percer à Hollywood lorsque l’on fait partie des minorités. On retrouvera par ailleurs dans grands nombres de ses séries une majorité d’acteurs de la communauté LQBTQ+.
En 2016, il se lance dans la réalisation et la production de American Crime Story (2016-). Une série qui change d’histoire d’une saison à l’autre et revient sur des faits divers marquants, connus de tous. Le procès d’O.J Simpsons pour la première saison, l’assassinat du couturier Gianni Versace pour la seconde et l’affaire Monica Lewinsky et Bill Clinton pour la troisième bientôt en diffusion.
Feud, The Politician… : en aparté
Avec Feud (2017), on se retrouve dans le glamour des années 60 sur le tournage du film Qu’est-t-il arrivé à Baby Jane ? (1962) opposant deux actrices : Joan Crawford (Jessica Lange) et Bette Davis (Susan Sarandon), l’une connue pour sa beauté et l’autre reconnue pour son talent. Encore une fois, Ryan Murphy ne fait pas dans le demi-mesure lorsqu’il s’agit d’exploiter cette industrie sombre et superficielle et ces deux actrices s’en donnent à coeur joie, n’en déplaiera aux représentants des principales intéressées, désincarnées pour l’occasion.
Avec 9-1-1 (2018 -), l’attente est différente, il n’y a pas d’expectation particulière. On suit le parcours entremêlé de policiers et pompiers à Los Angeles dans cette série contemporaine, où Angela Bassett est bien la maitresse de ces deux corps de métiers. Une série sans complexe, bien dialoguée bien jouée et bien menée, qui casse un peu l’image que l’on peut se faire de Ryan Murphy. Une note plus positive et réaliste et résolument moins sombre, loin de son registre habituel.
Avec The Politician (2019 -), comme son nom l’indique, il se joue de la politique, comme il avait pu le faire dans American Horror Story 7 (Cult), et s’approprie à sa facon la présidence. Bien qu’ici lycéenne, il n’en faut pas beaucoup pour s’imaginer celle d’un pays et constater les défauts de celui en charge actuellement. Une satire comme on les aime, qui joue sur l’apparence, la tromperie, et le manque d’humanité.
Si les projets sont différents, son incroyable maîtrise photographique et sa vision unique elles, sont bien présentes à chaque nouvelle série. On y retrouve par ailleurs la même équipe derrière la caméra (Brad Falchuck et Ian Brennan), mais aussi devant l’objectif. Des acteurs fétiches qui n’hésitent pas à signer encore et toujours pour une nouvelle dose de Murphy. Il n’y a qu’à regarder les 9 saisons de American Horror Story pour le démontrer, où dans chacune, les rôles de chacun s’inter-changent. Des rôles taillés sur mesure à chaque création, Ryan nous prouve qu’il a bien raison de les engager. Il a redonné vie à ces légendes quelque peu oubliées du système telles que Jessica Lange, Kathy Bates, Angela Bassett, ou même Susan Sarandon… Et nous en a fait connaître d’autres d’un peu plus près, telles que Connie Britton, Emma Roberts, Sarah Paulson (qui pourtant est loin d’être une inconnue sur grand écran), Lily Rabe…
Ne vous méprenez pas, les acteurs ne sont pas en reste et le casting loin d’être exclusivement féminin mais on sent une certaine sensibilité à mettre en avant la gente féminine on ne va pas s’en plaindre, pour une fois que l’équité est d’actualité.
Ratched : dans la continuité
Avec ce dernier projet Ratched, si la série n’est pas à son nom, on ne peut s’empêcher d’y voir un retour à la saison 2 d’AHS Asylum, considérée pour beaucoup comme la meilleure saison (arrivant en deuxième pour ma part, juste derrière la cinquième Hotel).
Très librement inspirée du roman Vol au dessus d’un nid de coucou (1962) de Ken Kesey, l’histoire se situe avant les événements du roman et du film avec Jack Nicholson (coïncidence hasardeuse, le rôle de ce dernier est prénommé McMurphy, à qui l’on peut trouver des similitudes avec Finn Wittrock…). Sharon Stone est aussi de la partie, repêchée du star système par Ryan, et que ça fait du bien de la voir dans un rôle comme celui-là. Mais c’est surtout Sarah Paulson, cette incroyable actrice caméléon, la plus présente dans la filmographie de Murphy depuis Nip/Tuck, qui incarne le rôle principal. Celui de Mildred Ratched, une infirmière à l’obssession macabre débordante. Determinée à faire ce qu’elle croit juste, elle va devoir être persuasive pour se faire embaucher dans l’hopital de la Lucia où séjourne dans la prison du sous-sol le meurtrier du moment, Edmund Tolleson, tueur de prêtres sans antécédent psychiatrique. On ne perçoit pas encore toute la folie de Mildred dans cette premiere saison, mais on assiste à tous les événements qui vont nous conduire à celle incarnée par Louise Fletcher dans le film (probablement dans les prochaines saisons).
Plusieurs histoires parallèles (celle de Sharon Stone entre autre est absolument géniale) vont s’assembler comme un puzzle psychologique typique de Ryan Murphy, avec des retournements de situation et des personnages complexes. Niveau esthétisme, on en attendait pas moins quand on connait son travail. Les décors (la maison de Sharon, la prison…), la garde robe, tout est absolument magnifique. La bande son aussi, est digne des grands polars. Sans oublier le générique, partie intégrante de son oeuvre, qui comme pour chacune de ses séries est très travaillé et mérite d’être observé jusqu’au bout.
Vous l’aurez bien compris, Ryan Murphy n’a que faire des détracteurs, il n’a plus rien à prouver et ses prix (Emmy Awards et Golden Globes) parlent d’eux même. Il a son fan club, dont je suis une adepte de tous les instants. C’est encore l’un des rares à Hollywood, qui arrive à se démarquer et à nous embarquer dans des aventures. Un créateur en roue libre que rien n’arrête, pas même la critique, et qui nous délivre encore aujourd’hui une série de très haut vol (au dessus d’un nid de coucou) !