Critique

Nature humaine de Serge Joncour : prix Femina 2020

03 novembre 2020
Par Frédérique
Nature humaine de Serge Joncour : prix Femina 2020
©dr

L’homme et la nature, la façon de vivre de la nature, de l’exploiter harmonieusement ou de la détruire. Les déchirements d’un jeune agriculteur entre son amour de la terre, de sa ferme et son besoin de liberté, son envie de faire partie de sa génération, de ses luttes et de ses révoltes. Voilà tout ce que Serge Joncour va nous faire vivre dans son dernier roman, dense et émouvant.

NatureHumaine_PrixFin de siècle…

À travers l’histoire d’Alexandre, jeune éleveur dans le Lot, et de sa famille, c’est l’évolution d’une société de la fin des années 1970 au passage à l’an 2000 qui nous est décrite, avec ses bons et ses mauvais côtés, ses pertes et ses profits.

Les jeunes s’ouvrent au monde, on se modernise, on s’enrichit, certains font des études, quittent leur région. Mais c’est aussi l’avènement de nouvelles conceptions des échanges commerciaux, la naissance des hypermarchés, des centrales d’achat, qui vont imposer aux agriculteurs d’autres façons de travailler, pour la quantité mais pas toujours pour la qualité, pour une viande pas forcément meilleure mais plus rentable, dont la couleur présente mieux sous l’éclairage des rayons boucherie…

Un monde qui rétrécit

Les nouveaux échanges ont aussi pour conséquence la modernisation des moyens de communications, de nouveaux besoins en énergie, en infrastructures routières et tout cela n’est pas sans impact sur la nature, les campagnes et ceux qui y vivent.

Si Serge Joncour parle d’une région qu’il connait bien, le Sud-Ouest, où il a grandi, son épopée rurale est celle de tout un monde paysan français, voire européen. En 1981, on espère que Mitterrand va libérer le plateau du Larzac et abandonner le nucléaire, en 1986, on vit Tchernobyl au ras des champs de maïs.

Une vie de jeune éleveur bovin

Par le moyen de périodes clés dans sa vie, on suit le cheminement d’Alexandre de 1976 à la soirée du 31 décembre 1999, une date charnière pour un nouveau siècle, mais peut-être aussi pour le jeune homme.

Alexandre, c’est l’image d’un agriculteur loin des stéréotypes que les citadins peuvent avoir. Certes, il ne fera pas de longues études à Toulouse ou à Paris, comme ses sœurs. Depuis toujours, il se destine à reprendre l’élevage bovin que son père a hérité de ses parents et c’est son choix. Mais c’est aussi un jeune homme du XXe siècle, qui aime le rock, le cinéma, est amoureux de Constanze, une étudiante Allemande pour qui l’Europe n’est pas assez grande, et qui à son contact, va découvrir les luttes anti-nucléaires, l’écologie, la vie communautaire, côtoyer une certaine extême gauche européenne. La mondialisation n’est pas seulement dans les échanges commerciaux, elle l’est aussi dans les échanges d’idées et peut se révéler aussi exaltante que déstabilisante.

Entre récit de vie et fresque sociétale, Serge Joncour ne choisit pas, et c’est logique. Il montre avec finesse et sensibilité à quel point nos destins sont autant façonnés par nos désirs et nos choix que par le monde qui nous entoure, et en cette fin du 20e siècle, où les frontières se rapprochent, le monde d’Alexandre dépasse largement les limites de sa région.

Parution le 19 août 2020 – 400 pages

Prix Femina 2020

Nature humaine, Serge Joncour (Flammarion) sur Fnac.com

Copyright de la photographie d’illustration : Philip Base sur Pixabay

Article rédigé par
Frédérique
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