Critique

La Golf blanche de Charles Sitzenstuhl, sur la route de la violence familiale originelle

04 février 2020
Par Sébastien Thomas-Calleja
La Golf blanche de Charles Sitzenstuhl, sur la route de la violence familiale originelle

C’est une marque de fabrique, celle d’une classe sociale dans les années 90 et le symbole de la folie d’un père tyrannique, qui emmène sa famille pied au plancher sur un chemin pavé d’humiliations insupportables jusqu’au point de non-retour.

Le mépris de soi

La-Golf-blanche


« Toute mon enfance, j’avais vécu dans la peur. Mon père créait la peur partout, tout le temps. Même quand il n’était pas là, j’avais peur. Cette crise était celle de trop. Je ne savais pas où s’arrêterait sa violence, quand s’arrêterait sa violence. Que devait-il se passer pour qu’il arrête ? Ce soir-là, je finis de basculer contre lui. Je basculai intérieurement, définitivement, complètement contre lui. Il fallait en finir. » 

La première scène est fondatrice. Nous sommes dans le salon d’un pavillon familial. Le ton monte entre les parents, les insultes pleuvent, faites essentiellement de jurons allemands et proférées par un père hors de lui, bousculant les meubles, renversant un vase ou soulevant un fauteuil en menaçant sa femme, prostrée de peur, avant de se calmer et de partir dans la cuisine préparer son gratin de pâtes en sifflotant le tube du moment : It’s my life de Bon Jovi.

Le petit garçon a douze ans. Cette violence, il la connaît bien : quasi quotidienne, il a appris à vivre avec la peur. La peur de la crise de nerfs du père. Une de plus, toujours plus loin. Mais cette fois-ci, il sent que les limites peuvent encore être bafouées. Il sent que le père va taper.

La rupture des autres

« La Golf blanche grimpe la route dans la forêt sombre. Au-dessus de la cime des arbres, on devine le ciel bleu et le soleil. Un motard en combinaison de cuir noir nous dépasse, son phare jaune scintille dans l’obscurité, son pot d’échappement pétarade. Mon père débraye, empoigne le levier de vitesse et accélère. Mes oreilles se bouchent, mes tympans vibrent, j’avale ma salive. » 

C’est le récit d’une violence ordinaire et démesurée, une violence familiale racontée ici par la voix de l’enfant, fils aîné d’une famille sans histoire de Sélestat, en Alsace : la mère est institutrice, le père responsable technique dans une usine de cuisine. D’origine allemande, les liens sont prégnants dans cette région, les mots et la sonorité de cette langue vont aussi forger le caractère particulier de ce drame personnel.  

Avec sa petite sœur Flora, l’indifférence, le mépris et l’hostilité vont peu à peu faire partie du menu quotidien. Une violence sans raison et déraisonnée, tant on s’approche petit à petit d’une folie dévastatrice qui risque de tout emporter sur son passage. Jusqu’au point de non-retour, jusqu’à la rupture. 

Un premier roman de Charles Sitzenstuhl qui impressionne par la qualité de son écriture. D’une ligne claire, la cruauté nous est présentée sans rien nous épargner pour mieux la déconstruire et retrouver peut-être une liberté salvatrice. Intense et bouleversant ! 


 

Parution le 9 janvier 2020 – 208 pages 

Photo d’illustration © Martin Katler sur Unsplash 

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Article rédigé par
Sébastien Thomas-Calleja
Sébastien Thomas-Calleja
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