Isabelle Filliozat est psychothérapeute. Elle travaille sur les émotions depuis plus de quarante ans et s’est spécialisée depuis une vingtaine d’années dans la parentalité et l’accompagnement des enfants. Elle nous présente « Disney Émotions », une collection de livres élaborée en partenariat avec Disney, et nous livre quelques clés pour accompagner l’enfant dans l’apprentissage de ses émotions.
Les petits livres « Disney Émotions » sont des albums illustrés de 32 pages, accompagnés d’un cahier de 12 pages. Ils s’adressent à la fois aux parents et aux enfants et comprennent notamment un ensemble d’exercices pratiques. Ils sont pensés comme des petits guides ludiques pour aider les plus petits à mieux comprendre et appréhender leurs émotions, avec l’aide de leurs parents. Au programme : jalousie, peur, joie et colère.
Isabelle Filliozat, vous avez imaginé cette nouvelle collection de livres, « Disney Émotions ». Pouvez-vous nous la présenter ?
Isabelle Filliozat : C’est une collection qui va permettre à l’enfant de mieux comprendre ses différentes émotions et de se les approprier en faisant les petites activités. Chaque livre est organisé en plusieurs parties : quelques scénettes d’abord, qui permettent de comprendre. Les personnages Disney sont en situation de vivre une émotion et, à chaque fois, quelques mots expliquent ce qui se passe à l’intérieur d’eux, à l’intérieur de Boo, de Mickey, de Woody… Puis il y a une partie activités : des petits jeux très simples où l’enfant peut dessiner, relier, faire des labyrinthes et s’approprier de l’intérieur ce qu’est cette émotion. Il y a bien sûr le moment où l’on peut colorier, en s’appliquant à ne pas dépasser (mais en dépassant quand même un petit peu). Enfin, quelques mots, quatre pages, pour les parents, pour mieux comprendre, mieux accompagner chaque émotion. Parce que ce n’est pas toujours simple d’accompagner les états émotionnels de nos enfants. Chaque livre met en avant une émotion. Notre vie émotionnelle est un tout, un ensemble, mais c’est utile de pouvoir se focaliser. Colère, tristesse, joie : quand on peut arriver à nommer une émotion, l’approfondir un petit peu, on arrive déjà à mieux la maîtriser, à en avoir un peu moins peur, à se sentir plus à l’aise avec.
Pourquoi vous être associée à Disney pour ce projet ?
J’ai vu ce film fantastique, Vice-Versa. Il est tellement précis, tellement pointu et il donne des informations scientifiques fiables. Je me suis donc senti tout à fait en confiance pour partager avec tout le monde ces informations fondamentales sur les émotions. On raconte toutes sortes d’histoires à nos enfants, on leur lit des livres, on leur montre des films et toutes ces histoires font mûrir leur imaginaire, leur psychisme. Il y a quelques années, nous avions des histoires un peu douloureuses, difficiles. Dans les premiers Disney, la maman mourrait à chaque fois ! L’objectif était de protéger la maman de la colère de l’enfant. On n’en est plus là. Disney progresse et les images que nous fournissons à nos enfants portent des valeurs constructives, des valeurs positives. Chaque film est animé d’une énergie qui donne envie de vivre, qui donne envie de se réaliser et qui donne aux enfants des clés pour mieux se débrouiller. Dans Vice-Versa particulièrement : j’admire la qualité, la justesse des informations qui ont été fournies par le spécialiste mondial des émotions, Paul Ekman. On voit que l’on s’est appuyé sur ce qui est scientifique aujourd’hui. On dit des choses aux enfants qu’ils ont besoin de savoir et ça leur permet d’être plus en confiance avec eux-mêmes et de vivre plus heureux. Oui, c’est important les histoires, et il faut continuer de créer des histoires qui vont avec notre époque pour aider les enfants de notre époque à vivre dans notre époque.
Comment faire découvrir et comprendre à un enfant ses émotions ?
Les émotions de l’enfant sont extrêmement violentes à l’intérieur de lui. Il est envahi de toutes sortes de réactions et il a besoin de nous pour l’aider à comprendre ce qui se passe. Il se retrouve à faire des gestes qu’il ne mesure pas, qu’il ne comprend pas et il a donc besoin de notre accueil, de notre calme pour se sentir contenu et comprendre progressivement. Tous les humains ont des réactions émotionnelles, mais les enfants sont démunis face à elles. Nous, les adultes, avons toutes les zones du cerveau bien construites, avec des réseaux de neurones. Tout est connecté. Nous savons relativement réguler nos émotions. Un enfant, à l’âge de deux ans par exemple, n’a pas encore le lien entre la zone des émotions et la zone préfrontale qui permet de calmer l’émotion. Il est donc envahi par ses réactions émotionnelles. Notre rôle de parents est de bien garder notre cerveau préfrontal calme. On respire. Ensuite, avec tout notre amour, on accueille ce que vit l’enfant et on peut mettre des mots sur ce qu’il vit. Quand, avec délicatesse et attention, on met des mots sur l’émotion qu’est en train de vivre un enfant, on sait que cela construit littéralement des réseaux de neurones entre la zone émotionnelle qui déclenche les réactions et la zone du préfrontal où l’on réfléchit et où l’on pense. Le cerveau se connecte et c’est comme ça, petit à petit, que l’enfant apprend à maîtriser ses émotions et à se comprendre lui-même.
Quelle attitude adopter face à la colère de son enfant ?
Réalisons déjà que tout n’est pas colère. Quand l’enfant est dans tous ses états, hors de lui, il n’est pas du tout en colère. On croit que c’est de la colère, mais, en réalité, c’est de la rage. C’est une crise de stress. Ça ne va pas du tout s’accueillir de la même manière qu’une vraie colère. La colère est focalisée. La colère nous permet d’être juste, de dire les choses qui sont vraiment importantes pour nous. La rage, ce n’est pas ça : le cerveau est saturé d’informations, on disjoncte. Quand l’enfant est en rage, on le prend dans ses bras, on l’aide à calmer son énergie. En revanche, quand il est en colère, on l’écoute et on mesure ce qui se passe pour lui. On reconnait sa colère. On nous a raconté que la colère était mauvaise conseillère. Pas vraiment… Les scientifiques ont pu mesurer que nous sommes beaucoup plus précis quand on est colère. On dit d’ailleurs : « une colère juste ». On a besoin de la colère dans notre société, parce que la colère dit ce qui est juste, ce qui ne l’est pas, ce que nous désirons, ce que nous voulons, ce que nous exigeons. Nous avons besoin de savoir exprimer nos justes colères. Nos colères nous informent de manière précise.
Comment réagir face à la peur ?
La peur est une émotion qui nous inquiète. Nous avons tendance, en tant que parent, à vouloir rassurer l’enfant. Attention ! On rassure pendant une ou deux minutes. Si l’enfant n’est pas rassuré, stop ! Continuer de chercher à le rassurer va augmenter ses craintes. Plutôt que de chercher à calmer les peurs de nos enfants, nous allons les aider à comprendre l’utilité de la peur. La peur face au danger est nécessaire, elle nous permet de nous préparer. On a besoin de l’énergie que nous donne la peur pour pouvoir se sauver, se protéger. La peur, c’est aussi l’anxiété. La peur est une émotion extrêmement importante face au danger et l’anxiété est une émotion très importante face à l’inconnu. Il faut faire parler l’enfant de son anxiété, évoquer avec lui tous les scénarios qui l’inquiètent. On va aider le travail d’anticipation. Quand on est anxieux, on développe son intelligence, parce que cela veut dire qu’on imagine plein de possibilités. Notre job de parents est d’accompagner l’anxiété de nos enfants plutôt que de chercher à la réduire. Le but de l’anxiété, c’est de trouver la sécurité. Le but de la peur, c’est de nous protéger.
À quoi sert la joie ?
La joie est l’émotion de la connexion, de la réussite, du sens de la vie. La joie, c’est l’émotion que l’on ressent quand on va dans la bonne direction : on est dans son axe, on est dans la réalisation de soi. La joie, c’est simplement se sentir vivre à l’intérieur de soi. C’est pour cela que l’on peut éprouver de la joie à regarder la nature, le soleil… Tout ça, le personnage de Mickey le vit au quotidien ! Pour aider vos enfants à être plus joyeux au quotidien : diminuez le temps consacré aux écrans et permettez-leur d’être au maximum dans leur corps. Ce qui permet de se sentir joyeux, c’est de bouger, de crier, de grimper… Plus l’enfant est en maîtrise de son corps, plus il a de capacités à être joyeux au quotidien. La connexion est aussi importante : les enfants ont besoin de nous voir heureux. Ce qui éteint la joie de l’enfant, c’est le manque de connexion avec l’adulte et c’est le manque de mouvement.
Quelle réaction adopter quand son enfant est jaloux ?
La jalousie est un sentiment qui est fait de plusieurs émotions. Il nous faut répondre à chaque émotion. La jalousie n’est pas un vilain défaut. La jalousie, c’est de la peur : l’enfant a eu peur d’être abandonné, il a honte parce qu’il pense avoir été remplacé. La jalousie va s’éteindre naturellement si nous savons écouter et donner une réponse à chaque émotion. Un enfant jaloux est un enfant en détresse. Il faut lui fournir davantage d’attachement : un petit jeu, du contact, des chatouilles, des câlins… On ne lui fait pas la morale, on l’écoute. La jalousie entre frères et sœurs peut faire très mal. Il faut être vigilant. Pas de punition, pas de réprimande, il s’agit plutôt de permettre à chacun de s’exprimer.
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À partir de 3 ans
Parution le 29 mai 2019
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