Richard Wagamese nous avait enchantés avec la poésie brute de son roman paru l’année dernière, Les étoiles s’éteignent à l’aube, admirablement traduit par Christine Raguet aux éditions Zoé. Bonne nouvelle, cette rentrée a vu paraître Jeu blanc, où l’auteur parle de hockey mais aussi de racisme, de déchirure, de rédemption. Son talent d’écrivain donne une voix à ceux qui en ont besoin et son personnage, Saul Indian Horse, souhaiterait vous raconter son histoire…
Une histoire d’exclusion
Saul Indian Horse est abîmé par la vie, au bout du rouleau. Accueilli in extremis dans un centre de désintoxication, il prend peu à peu le temps de se retourner sur son passé, afin de comprendre ce qui l’a amené à se détruire avec une telle application. Il lui faudra remonter jusqu’à cette enfance passée dans les bois, au sein d’une famille Ojibwé qui tente de maintenir les traditions malgré l’emprise des blancs sur leur mode de vie. Il lui faudra explorer toute la violence et l’aberration des années passées dans un pensionnat dirigé par des catholiques dont l’ambition était de faire de ces petits « sauvages » des enfants intégrés à la société blanche, n’hésitant pas à les briser jusqu’au fond de leur âme pour parvenir à leur fin. Il lui faudra aussi revenir sur le hockey, un sport qui lui a sauvé la vie à cette époque, qui lui a permis de se sentir libre, vivant et puissant. Malheureusement, même dans ce domaine, être un Indien lui a valu mépris, rejet, moqueries, allant jusqu’à le dégoûter de cette passion et de lui-même.
Bouleversant, mais d’une générosité réconfortante
Avec ce roman, très largement inspiré de son vécu, Richard Wagamese confirme son talent de conteur : l’écriture est belle, équilibrée, les descriptions sont poétiques, les dialogues sont justes, les émotions transparaissent aisément au détour d’une expression, d’un mot… Ce livre est aussi un bel exemple de résilience et de pardon. À travers le parcours de Saul, c’est à la souffrance de tout un peuple que le lecteur se trouve confronté ; mais c’est aussi à sa guérison, à sa capacité à puiser au plus profond de ses racines, des ses traditions, de ses légendes, jusqu’à trouver la force nécessaire pour se relever et continuer. De manière plus universelle, ce récit rappelle que, de tout temps, en tout lieu, des hommes ont décidé que d’autres hommes ne pouvaient pas vivre selon leurs coutumes et devaient renier leur culture.
Richard Wagamese est malheureusement décédé en mars 2017, après une vie de combats menés contre la souffrance causée par une enfance privée de foyer et de victoires rendues possibles grâce à son amour pour la littérature, les gens et la nature. Récompensé par de nombreux prix, Richard Wagamese est l’auteur de 8 romans (seulement 2 sont traduits en français actuellement), d’essais et de poésie.
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Les étoiles s’éteignent à l’aube de Richard Wagamese
C’est d’une plume magnifique que Richard Wagamese écrit le dernier voyage d’un homme agonisant vers sa tombe, accompagné du fils qu’il a abandonné bébé. Ce livre est un vrai bijou : la force des sentiments et des émotions est voilée par la pudeur des dialogues de taiseux qu’échangent ce père et ce fils, qui n’auront pas d’autre chance de se connaître enfin. La beauté de la nature qui les entoure est sublimée par une poésie sauvage, minérale et rocailleuse, tout juste contenue dans des phrases qui semblent taillées au rabot mais sont en fait ciselées avec talent ! Chaque mot est à sa place et rend justice à une histoire poignante et splendide.
Hillbilly élégie de James-David Vance
Dans cette biographie qui se lit comme un roman, J.D Vance raconte son enfance entre Ohio et Kentucky. L’auteur souhaite, à travers ce récit, mieux faire connaître les « hillbillies », ces descendants d’immigrés irlando-écossais que l’on nomme aussi « redneck » ou « white trash ». Un bel hommage à sa famille, qui malgré la pauvreté, les faiblesses, le manque de culture, a su le pousser à faire mieux, à réussir. Ce livre explique aussi comment, dans un des pays les plus riches et les plus développés, toute une frange de la population est exclue de la société et a moins de chance que d’autres de s’en sortir. Isolement, rejet, toxicomanie, autant de thèmes abordés aussi par Richard Wagamese.
Indian roads, un voyage dans l’Amérique Indienne de David Treuer
Écrivain ojibwé, tout comme Richard Wagamese, David Treuer a grandi dans une réserve du Minnesota. Dans cet ouvrage, l’auteur raconte la vie dans les réserves, l’histoire de leur création, les bons et les mauvais côtés. Ce texte est une mine d’informations, de rencontres et permet de mieux cerner l’Amérique Indienne contemporaine. À travers ce livre, David Treuer rend aussi hommage à toutes celles et ceux qui se battent pour conserver leur culture et leurs traditions.
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Parution le 7 septembre 2017 – 256 pages