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Dans Judas, Amos Oz nous invite à douter de tout

29 janvier 2018
Par Le Cercle Littéraire
Dans Judas, Amos Oz nous invite à douter de tout
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LE CERCLE LITTÉRAIRE – Le livre de chevet de Gilles M. : « Je ne sais pas du tout si ce livre va ou peut rencontrer le public, mais quel roman ! Vous y apprendrez à ne plus croire à la théorie de l’évolution, à douter des histoires officielles, à faire la différence entre traître et traîtrise et saurez comment l’on invente une religion ! »

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Judas

Le livre de chevet de Gilles M. (Paris)

Je ne sais pas du tout si ce livre va ou peut rencontrer le public, mais quel roman ! Vous y apprendrez à ne plus croire à la théorie de l’évolution, à douter des histoires officielles, à faire la différence entre traître et traîtrise et saurez comment l’on invente une religion !

Les personnages

 Judas

Shmuel, éternel étudiant dans la Jérusalem des années 1950- 1960, socialiste et s’intéresse à Jésus dans la tradition juive ! Shmuel doit travailler et se rend dans une maison isolée, pour servir d’homme de compagnie d’un homme âgé. Gershom Wald, l’homme invalide, à la fois historien, philosophe, celui dont Shmuel devrait et va s’occuper, est-il seulement ce personnage discourant sur le temps qui passe, parmi tous les livres de sa bibliothèque ? Atalia Abravanel, la femme, jeune encore, vit dans cette maison avec Wald. Mais quels sont leurs rapports ? Qui est cette femme « à la démarche chaloupée et aux hauts talons » ? Enfin, un personnage fantomatique, mort mais toujours présent : le père de Atalia, le vrai sujet du livre ? Du moins sa vie est-elle le vrai thème du roman ?

Une scène de théâtre

Il y aura bien quelques autres portraits, esquissés parfois, bien dessinés  d’autres fois. Ils surgissent comme les détails d’un tableau, que l’on oublie et qui pourtant nous reviennent au fil des pages. Un tableau ? Ou une scène de théâtre, les personnages souvent dialoguent, en scènes successives, et l’unité de temps, de lieu (la maison) et d’action (tous ne parlent que de leur mal être) renforce cette théâtralité. Beaucoup ont parlé « d’univers tchékovien » à propos de Amos Oz, et c’est vrai. Ces gestes qui ne finissent pas, ces questions que l’on ne pose pas, ces regards qui disent tout mais interdisent tout en même temps, ces personnages hiératiques, ces lenteurs, ces calmes, ces tentatives de gestes, de questions, d’interrogations… Oui il y a du théâtre mais c’est leurs vies qu’ils essayent tous de sauver, de transcender peut-être, et l’on est emporté par la réalité de ces vies, par leurs drames, par Le Drame, et c’est bien Amos Oz qui nous tient la main dans ses écrits, il y a chez lui une « pétillance », une vivacité et une curiosité intellectuelle rare.

Les idées

Faut-il croire croire à la théorie de l’évolution ? Wald disserte sur… la sottise de Darwin,  comment quelques cellules ont-elles pu se transformer en un œil alors que « nul n’avait besoin de regarder et que rien ni personne n’était en mesure de concevoir la nécessité de voir » ? Amos Oz vient de justifier l’épigénétique… Vous continuerez avec un paragraphe désopilant sur les chats inaptes à creuser des trous pour faire leurs besoins qui ont dû être tous exterminés… puisque seuls ceux qui couvrent leurs besoins vivent toujours, l’esprit de Oz/Wald est là.

Vous apprendrez à douter des histoires officielles ! Amos Oz dynamite l’antisémitisme et donne un très intéressant regard du judaïsme sur le christianisme. Wald réduit à néant la dite Polémique de Nestor, vous apprendrez à être œcuménique à tout le moins ou à détester les religions « le judaïsme, le christianisme et l’islam dégoulinent de bons sentiments » voilà ce que dit encore Wald. Vous lirez comment l’on invente une religion et vous saurez tout de La Dispute de Barcelone.

Différencier traitre et traitrise. Qu’est ce qui compte, la trahison ? Le traitre ? Judas a trahi, mais comment ? Pourquoi ? Abravanel, le père d’Atalia a trahi Ben Gourion lors de la création d’Israël, mais ses raisons ?

Amos Oz, Abravanel, Wald et Shmuel…

Encore quelques mots : la construction de ce roman est très intéressante et l’intrication des personnages avec Amos Oz lui-même est remarquable, il y a du Oz dans Wald, dans Abravanel et bien sûr dans Shmuel, tour à tour les personnages s’expliquent, s’affrontent, Amos Oz discute avec lui-même, se pose des questions, Les Questions, il doute de son pays, de sa naissance, de son avenir mais comme Shmuel et Atalia, il vit ici et toujours !

« Et il resta là à s’interroger ».

Parution le 7 juin 2018 (parution initiale le 25 août 2016) – 400 pages

Traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen

Judas, Amos Oz (Folio) sur Fnac.com

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