Critique

Le dernier quartier de lune de Chi Zijian, nature writing à la chinoise

30 septembre 2016
Par Frédérique
Le dernier quartier de lune de Chi Zijian, nature writing à la chinoise
©dr

Paradoxe chinois : alors que l’écologie et le respect de la nature sont des valeurs encore peu partagées, les livres exaltant la beauté de la nature et les modes de vie traditionnels font recette. En témoigne l’immense succès en 2003 du Totem du Loup de Jiang Rong, adapté en film par Jean-Jacques Annaud (Le dernier Loup, une production chinoise). C’est aussi le cas du dernier roman de Chi Zijian, qui a reçu en Chine le prestigieux prix Mao Dun.

Les Evenks, une minorité chinoise

Chi Zijian-Le dernier quartier de luneL’histoire que nous conte Chi Zijian se déroule dans l’ancienne Mandchourie, au Nord-Est de la Chine, dont est originaire l’auteure, une région frontalière avec la Russie, le Japon et l’actuelle Mongolie Intérieure. Dans un précédent roman, Bonsoir la rose, elle évoquait le sort des juifs réfugiés dans cette région au début du XXe siècle pour échapper aux pogroms. Le dernier quartier de lune, s’intéresse à une autre minorité, les Evenks, peuple nomade aujourd’hui sédentarisé, qui jadis vivait principalement de la chasse et de l’élevage des rennes.

Une journée dans la vie des Evenks

Dans ce récit découpé en quatre parties (Matin, Midi, Crépuscule et Nuit), une vieille femme de 90 ans se raconte, et raconte l’histoire de sa famille et de son peuple durant tout le XXe siècle. Elle décrit une vie rude, dans les montagnes du « Grand Nord de la Chine ». Une existence au fil des saisons, des déplacements des Evenks là où leurs rennes pouvaient se nourrir, ponctuée par les mariages, les naissances, les morts et les aléas de l’histoire dans cette zone frontalière qui sera un temps sous domination japonaise, puis russe, subira la politique de déboisement du gouvernement chinois et connaîtra la Révolution Culturelle.

Une mort pour une vie

Traditionnellement, les Evenks pratiquaient le chamanisme, un culte que décrit en détail Chi Zijian, qui a vécu parmi eux pour préparer son roman. Mais la romancière s’est gardée de porter un regard extérieur. C’est du point de vue de la vieille femme, unique narratrice dont nous ne saurons jamais le nom, que nous découvrons les coutumes Evenks. Rien n’arrive par hasard, la magie est partout car la nature est d’essence divine ; et chaque vie sauvée doit être compensée par une mort. Une terrible loi que connaît chaque Evenk, en particulier le chamane, dont les pouvoirs de guérisseur se payent souvent par la perte d’un de ses proches.

Le crépuscule des Evenks

Si le matin et le midi sont des époques troublées mais souvent heureuses, le crépuscule annonce déjà l’agonie du peuple Evenk. Quand arrive la nuit, le dernier quartier de lune est l’annonce de la fin de ce peuple, car pour ces nomades la sédentarisation entraîne inévitablement l’abandon des modes de vie traditionnels et l’assimilation aux Han, donc la disparition.

Chi Zijian nous immerge totalement chez les Evenks et nous fait cheminer avec eux. Il faut accepter de prendre son temps, de vivre au rythme des saisons, admettre aussi les lois de la nature telles que ce peuple les conçoit. Même si l’on sait quelle sera l’issue de ce périple.

Photo de l’auteure © Philippe Picquier

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Paru le 1er septembre 2016, 356 pages

Traduit du chinois par Stéphane Lévêque et Yvonne André

Le dernier quartier de lune, Chi Zijian (Philippe Picquier) sur Fnac.com
 

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