Critique

La Maison aux insectes, du maître de l’épouvante Kazuo Umezu

17 février 2022
Par Thomas M.
La Maison aux insectes, du maître de l’épouvante Kazuo Umezu
©DR

Kazuo Umezu n’est pas un mangaka comme les autres… Cet auteur précurseur dans le genre d’horreur manga mélange les influences pour construire des récits d’épouvante psychologique, entrelacés de critique sociale. Sommet de son art, le recueil La Maison des insectes était sélectionné dans la catégorie Patrimoine pour le festival Angoulême 2016.

Un mangaka rock’n’roll

Dans le registre du manga « de patrimoine », ceux de Kazuo Umezu auront de quoi dérouter le lecteur avide d’idées de scénario retors et d’horreur aussi bien graphique que psychologique. Considéré comme un des premiers maîtres du manga horrifique, Kazuo Umezu a bâti une carrière depuis les années 60. Aussi bien auteur et dessinateur que figure publique et musicien de rock, Umezu a influencé des mangakas tels Junji Ito et la scène manga dite « ero guro » qui ont profondément marqué le manga pour adultes des années 70 et 80.

umezu portrait

Plus que ses séries longues (Baptism et son chef d’œuvre L’école emportée), Kazuo Umezu s’est distingué dans l’exercice de l’histoire courte selon le modèle de comics américains tels Amazing Stories ou Les contes de la crypte. Seulement, là où ces recueils d’histoires d’épouvantes pouvaient prendre toutes les directions, l’auteur japonais situe ses scénarios dans un contexte urbain et met en scène très souvent des histoires de couples mélodramatiques.

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Le chef d’œuvre d’Umezu

Le recueil La Maison aux insectes – sélectionné cette année dans la catégorie Patrimoine du Festival d’Angoulême – fait partie indéniablement de cette catégorie. On y découvre par exemple une épouse qui, pour échapper à la domination et la jalousie de son mari, s’enferme dans un monde intérieur où elle croit se transformer en insectes. Dans l’histoire Les yeux, une épouse idéale trompe un jour son mari et surprend une jeune voisine en train de l’espionner. Rongée par la culpabilité et la peur d’être trahie par la petite fille, elle sombre dans la folie et envisage de l’assassiner… Dans La bougie, un condamné à mort innocent voit défiler toute une vie de bonheur qu’il n’aura pas eu en contemplant une bougie se consumer.

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Que dire du mari méprisé par sa femme dans La tête, poussé au meurtre par une ultime provocation ? Bien qu’il retrouve le corps de sa femme passée sous les roues de sa voiture, il ne récupère jamais sa tête. Voilà notre mari coupable possédé par cette disparition. Il hallucine partout la réapparition de la tête, y compris dans le ventre de sa nouvelle compagne enceinte…

planche 6

Horreur psychologique et mélodrame social

Au-delà de la perversité des situations et des idées de Kazuo Umezu, ses histoires, contrairement à ses modèles américains, évitent très consciemment tout manichéisme ou personnage totalement maléfique. La folie, plus que la malveillance, est le plus souvent la source des tragédies ou de la violence mise en scène. L’auteur illustre également une forme de récit fantastique où le fait surnaturel est rarement expliqué ou même avéré. Le mari de la première histoire emblématique de ce recueil n’est pas peut être pas le témoin objectif de la folie de sa femme. De même, dans Le lien, le mari dévoué auprès du chevet de son épouse plongée dans le coma est en réalité victime d’un rêve sans fin…

planche 4 MDI

Cette approche plus sérieuse du genre témoigne de préoccupations plus littéraires et sociologiques. Kazuo Umezu retisse en effet un lien étrange avec le roman gothique britannique (Rebecca ou les œuvres des sœurs Brontë) qu’il traduit dans un contexte contemporain et japonais. Les turpitudes, les obsessions et les jalousies de ses personnages constituent également une critique et une description de la pression sociale que les Japonais subissent encore aujourd’hui face à l’heure du mariage. Institution sacralisée et synonyme de réussite sociale, le mariage est mis à rude épreuve chez Umezu. En particulier du point de vue des femmes, qui trouvent souvent chez l’auteur de La Maison aux insectes l’occasion d’une revanche tantôt symbolique, tantôt tout à fait réelle et cruelle.

Paru le 6 mai 2015 – 214 pages

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