Pour accompagner « 50 Shades of Grey », il faut une musique sensuelle, à la limite de la sexualité, exsudant un érotisme de bon aloi. Pour cela ont été convoqués des superstars, Sia, Beyoncé, les Stones, Frank Sinatra, entre autres, qui mènent totalement à bien leur mission…
Quand un film s’annonce prestigieux et particulièrement attendu, il est rare qu’il ne soit pas accompagné par une bande-annonce de qualité. Si les exemples abondent, on se souvient notamment de celle de Gatsby le magnifique qui alliait la force du son à la puissance des images. Forcément, quand s’annonce un long métrage comme 50 Shades of Grey, on s’attend à la même chose, à la différence près que le film retrace les amours et les aventures sexuelles et sadomasochistes d’un maître et de sa jeune élève.
Dès lors, il s’agit de trouver le bon dosage musical, celui qui collera parfaitement à cet univers si particulier. Trop de saxo et on a tout de suite l’impression d’être dans un vieux porno des années 80, trop de musique électronique et on passe tout de suite au sexe 2.0, froid et sans âme. 50 Shades étant ce que l’on a appelé un « Mommy Porn », on ne pouvait brusquer ni le spectateur, ni l’auditeur. C’est pourquoi, la bande-originale de 50 Shades of Grey recèle elle aussi plein de nuances, surfant sur les différences entre Annie Lennox reprenant le standard I Put A Spell On You ou The Weeknd avec le magique et hypnotique Earned It.
Mais, passé ce léger, très léger, choc des cultures, on s’aperçoit vite que la bande-originale du film le plus sulfureux de l’année ne prend pas vraiment de risques et assure ses arrières en convoquant des stars internationales comme Sia, Beyoncé, Ellie Goulding, Frank Sinatra, les Rolling Stones, réservant quand même au passage quelques pépites comme Awolnation. A noter que ce disque correspond aux titres qui servent de support musical à la narration du film, le second disque attendu, la BO proprement dite, a été entièrement composée par un génie de la musique cinématographique, Danny Elfman, quatre fois nommé aux Oscars, créateur de la plupart des musiques des films de Tim Burton et du thème des Simpsons… On l’aura compris, le film devrait être un blockbuster, sa musique aussi, le risque ne semble pas faire partie de l’équation. Que le film soit bon ou non, il sera un carton mondial au box-office. Difficile alors de penser à une BO expérimentale.
Finalement, le plus important, n’est pas là. Pour un long métrage comme 50 Shades of Grey, ce qu’il faut avant tout, c’est une ambiance, une atmosphère, un univers. Vous pensez que c’est difficile de créer cela en compilant des artistes venus d’horizons différents ? Vous avez tort. Car la BO de 50 Shades est parfaitement calibrée, parfaitement huilée. Les BPM sont lents voire très lents, le tempo se s’envole jamais et pour cause, tout doit prêter à la sensualité, voir à la sexualité, ou, au moins, exsuder un érotisme évident. Il faut donc quelque chose de beau, de classe, qui donne envie. Certains pensent que Barry White est la parfaite bande-son d’une soirée amoureuse, et bien, les concepteurs de cette BO ont dû réinventer le concept, d’autant que le génie n’est plus et que sa musique, aussi sensuelle soit-elle, est presque up-tempo si on considère ce que l’on trouve dans ce disque : des musiques lentes sur lesquelles on imagine l’héroïne, Anastasia Steele, se dévêtir en douceur, des voix douces accompagnant l’amour unissant les deux êtres.
Alors, il n’y a pas de folie rythmique à attendre, ce n’est pas un disque que vous mettrez pour brûler le dancefloor. A priori, il est plutôt réservé à une autre activité, tout aussi brûlante soit dit en passant. Et la force de cet album finalement, c’est son unité : chaque morceau s’imbriquant parfaitement l’un avec l’autre et donnant l’impression d’un seul et même tout, c’est bien là le signe évident d’une compilation réussie. Le but est clair et il est assumé : il s’agit de faire monter la température, distillant ce qu’il faut de classique, de rock et de pop. Pour mieux coller à l’ambiance, Beyoncé en personne n’a pas eu peur de réenregistrer son tube Crazy In Love dans une version plus sombre. Pour éviter d’avoir l’impression que l’on écoute la même chose du premier au dernier track, on peut compter sur Beast Of Burden des Stones ou sur l’excellent Witchcraft de Frank Sinatra, morceaux qui permettent aussi de rassembler plusieurs générations.
Alors oui, c’est bouillant, c’est sensuel, c’est sexuel, c’est parfois explicite, I’m On Fire d’Awolnation portant particulièrement son nom par exemple, mais c’est cohérent, ça tient parfaitement le choc et il se dégage une vraie homogénéité de ce disque qui finalement atteint parfaitement son but. Il devrait assez bien accompagner le propos du film, mais surtout, il peut aussi s’écouter à deux, sous la couette…