Critique

Music for a while, Henry Purcell façon Christina Pluhar

18 février 2014
Par Frédérique
Music for a while, Henry Purcell façon Christina Pluhar
©dr

Ce nouvel opus de Christina Pluhar et de l’Arpeggiata va sans doute en laisser plus d’un perplexe, totalement conquis ou résolument allergique. Reprenant une démarche déjà expérimentée dans All’improviso en 2004, la musicienne retrouve le clarinettiste Gianluigi Trovesi, Philippe Jaroussky et bien d’autres pour explorer la musique de Purcell en mode improvisation jazz….

Music for a while, nouvel opus de  Christina Pluhar et de L’Arpeggiata va sans doute en laisser plus d’un perplexe, totalement conquis ou résolument allergique. Reprenant une démarche déjà expérimentée dans All’Improviso, la musicienne retrouve le clarinettiste Gianluigi Trovesi, Philippe Jaroussky et bien d’autres pour explorer la musique de Purcell en mode improvisation jazz.

Que ce soit dans All’Improviso, Los pajaros perdidos ou Mediterraneo, les albums « crossover » (non ce n’est pas un gros mot !) de Christina Pluhar partent toujours d’un postulat qui sera le fil conducteur, la raison d’être du « mélange » choisi, car pour Christina Pluhar et sa bande, la musique ne connait pas de frontières. All’Improviso partait « à la recherche de l’essence de l’improvisation, indissociable de la réalisation de l’ostinato baroque mais aussi du travail du musicien de jazz ». Los pajaros perdidos retrouvait les instruments baroques importés par les colons espagnols et toujours utilisés dans les traditions musicales sud américaines. Mediterraneo était « un dialogue enchanteur des instruments à cordes pincées de la tradition méditerranéenne (…), avec les cordes baroques de l’Arpeggiata ».

 

             all'improvviso-l'arpeggiata    LosPajarosPerdidos      mediterraneo

Pour Henry Purcell le point de départ est la basse obstinée (l’ostinato) un des piliers de sa musique, très reconnaissable dans Music for a while, le Lamento de Didon et Enée, ou le fameux Cold Song du King Arthur. C’est sur ce socle à la fois harmonique et rythmique que les mélodies se déploient. Pourquoi ne pas s’en servir comme base d’improvisation jazz, les violes de gambes, orgue, clavecin, luth ou théorbe remplaçant, la guitare basse, la contrebasse et la batterie ? Une démarche somme toute assez proche de celle d’All’Improviso, mais sans doute poussée ici un peu plus loin.

Le clarinettiste de jazz Gianluigi Trovesi, déjà présent dans All’Improviso fait donc de nouveau partie de l’aventure ainsi que le contre-ténor Philippe Jaroussky, Vincenzo Capezzuto (chanteur à la voix d’alto très féminine) et la soprano Raquel Andueza, tous trois complices de longue date. Le contre-ténor Dominique Visse et le guitariste de jazz australien Wolfgang Muthspiel (guitare électrique et acoustique) les rejoignent.

Voilà donc de quoi faire un savant mélange, détonnant et surprenant qui débute par une ambiance country (’Twas within a furlong) et prendra à l’occassion des tournures latino (Strike the viol, One charming night). La clarinette de Gianluigi Trovesi donnera parfois une couleur klezmer, et l’on pense aussi à Jacques Loussier à cause du mélange baroque/jazz. Plusieurs extraits de Didon et Enée, de Fairy Queen, plusieurs « tubes », Music for a while, O solitude, Strike the viol, Here the deities approve, One charming night, vont ainsi « passer à la moulinette » de L’Arpeggiata. Parfois, la mélodie d’origine est préservée et c’est principalement l’environnement qui change (O solitude), parfois le morceau d’origine est moins reconnaissable comme Wond’rous machine dans laquelle la transposition jazz est poussée à son extrême. Petit moment magique : An Evening Hymn on a Ground, jolie chaconne chantée par Philippe Jaroussky qui donne lieu à une partie improvisée au cornet à bouquin.

L’avant dernière plage, seule pièce instrumentale, est une autre chaconne extraite de Timon d’Athènes au tempo légèrement plus rapide et surtout au rythme plus marqué par des percussions. Petite surprise en dernière plage, la reprise d’Hallelujah, célébrissime chanson de Leonard Cohen par Raquel Andueza.

Comme pour les précédentes incursions de L’Arpeggiata dans le monde de l’impro jazz, je n’ai pas accroché tout de suite. Il faut se détacher de ce qu’on a déjà dans l’oreille et accepter le voyage. Mais pour certains, ce sera peut-être le coup de foudre. En grande perfectionniste, Christina Pluhar ne fait pas les choses au hasard et sait toujours s’entourer de très bons musiciens. Qu’elles enchantent ou bien irritent, ses escapades musicales sont toujours dignes d’intérêt.

 Retrouvez ici les prochains concerts de Christina Pluhar et l’Arpeggiata !

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Frédérique
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