Critique

Les Bannis et les Proscrits : bonnes recettes et vieux chaudrons

10 mai 2012
Par Mangatore
Les Bannis et les Proscrits : bonnes recettes et vieux chaudrons
©DR

Voici une saga de fantasy dont la toute première page est un avertissement au lecteur qu’il se méfie du narrateur menteur et manipulateur. Suivi d’un document à parapher et signer qui engage la responsabilité dudit lecteur si ces écrits interdits venaient à être diffusé au-delà des seuls initiés. Une influence rôliste ? Quoiqu’il en soit, ce prologue ludique est d’une efficacité redoutable, et voici le lecteur accroché.

Voici une saga de fantasy dont la toute première page est un avertissement au lecteur qu’il se méfie du narrateur menteur et manipulateur. Suivi d’un document à parapher et signer qui engage la responsabilité dudit lecteur si ces écrits interdits venaient à être diffusé au-delà des seuls initiés. Une influence rôliste ? Quoiqu’il en soit, ce prologue ludique est d’une efficacité redoutable, et voici le lecteur accroché. Partant de là le romancier James Clemens – aka James Paul (Jim) Czajkowski – tend une perche en forme de clin d’œil à l’amateur de big commercial fantasy pour mieux l’emporter sans autre forme de procès dans une univers où les forces du Mal (surnuméraires et organisées !) devront être repoussées par un petit groupe d’aventuriers malgré eux (hétéroclites et réunis par le destin !). Rien d’original au royaume du genre,… cependant…

L’histoire : Cinq siècles avant le début de l’aventure, face à l’assaut des forces du Seigneur Noir sur les terres pacifiques d’Alaséa, trois mystérieux individus décident un acte magique désespéré afin de sauver leur territoire. La cérémonie interdite tourne (très !) mal et ne laisse qu’un seul survivant estropié qui parvient de justesse à fuir les troupes maléfiques qui se déversent alors sur le pays. Le temps a passé, l’occupation d’Alaséa s’est inscrite dans la durée, et la magie de ce royaume semble avoir disparu sous les ruines de l’ancienne académie de cet art aujourd’hui totalement prohibé. Loin d’être satisfait pourtant le Seigneur Noir et ses hordes maléfiques redoutent une prophétie annonçant le retour de la Sorc’ière de la Pierre et de l’Esprit, qui dit-on doit se réincarner, et la magie avec elle, quelque part en Alaséa. Elena de Morin’stal, jeune rouquine un peu frondeuse appartenant à une famille de fermier, n’imagine pas un seul instant qu’elle puisse être l’élue de la légende, jusqu’au jour où son Don se manifeste…

Comme souvent avec ces univers c’est la sincérité (très premier degré, basée sur l’adhésion de principe de son public) et le traitement du détail qui font la différence. James Clemens est un conteur généreux (5 gros romans aux éditions Milady attendent les morfales du genre !), comparable en cela à Reymond E. Feist et autre James Barclay, il n’invente rien de neuf mais sait parfaitement trousser une histoire riche en aventures et rebondissements, en personnages attachants et en méchants pour le coup vraiment très méchants. Et donc la compagnie d’aventuriers, et tous les personnages secondaires, qui arpentent les contrés de cet univers de High Fantasy sont de purs archétypes qui ne tiennent debout que par la maitrise technique et le talent de conteur du romancier – en cela les détracteurs de la Big commercial Fantasy ne changeront pas d’avis quant à cette littérature – et le moteur narratif passe par une énième prophétie et son élu(e) malgré-lui (elle !). Pour autant on ne croise pas ici de personnages falots, et même au contraire le passé et les caractères de chacun s’affermissent face aux nombreuses épreuves et révélations. Après tout lecteur aura ses préférences, mais au moins on ne propose pas un casting monolithique et sans psychologie uniquement mené par le flux de la narration, d’où une lecture très agréable. On aura compris que l’intérêt réside plus dans les personnages et leurs interactions (aux dialogues parfois cocasses !) que dans un récit typique du genre et qui a pu décevoir certains lecteurs au terme de l’aventure (comme souvent c’est le chemin qui compte d’avantage que son aboutissement logique, la quête plus que son achèvement…)

Particularité plus surprenante mais qui participe au charme du titre : les hordes du Mal chez James Clemens sont ignobles au propre et au figuré, tant ici le bestiaire monstrueux s’appuie sur des descriptions organiques peu ragoûtantes faites de métamorphoses et d’humeurs qui feraient passer l’Arachne (Shelob) de Tolkien pour une cousine obèse de Hello Kitty. Les nombreux séides du Seigneur noir, pourris de l’intérieur, agissent malgré eux tels des marionnettes gangrénées par le Mal, leur mise en propos impose visions de cauchemar, scènes violentes inattendues, et même parfois une cruauté sèche et glaçante. Chez James Clemens ce Mal dissimulé, rampant, grouillant et sous pression, surgit toujours avec brutalité et provoque de brusques montés dramatiques propres à redynamiser constamment la saga au fil des pages. Sous les assauts de la vermine on ne compte plus les scènes intenses où les héros, en troupe ou isolé, se retrouvent acculés face à une multitude avide et dévorante, ou encerclés par plusieurs adversaires les ayant rabattus, apparemment sans espoir d’en réchapper. Souvent marquantes et diablement efficaces les nombreuses scènes d’action et de tension accélèrent la lecture sans qu’on s’en aperçoive.

Pour sa description particulière et outrancière du Mal, ses héros sincèrement attachants et aux motivations conflictuelles, mais aussi pour la générosité du conteur James Clemens qui parvient à entretenir la flamme de son histoire sans jamais donner l’impression de remplissage, bref pour ce bon gros moment d’évasion je ne peux que vous recommander de vous plonger dans la série les Bannis et les Proscrits (disponible en poche5 volumes chez Milady)

Efficace et sans prétention, une belle saga qui en donne pour leur argent aux fans de high-fantasy grand public.

What elfe ?

Article rédigé par
Mangatore
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