Critique

C’est magnifique ! : voyage dans la bienveillance

01 juin 2022
Par Erwan Chaffiot
C’est magnifique ! : voyage dans la bienveillance
©Cine Nomine/Claire Nicol

Pierre Feuillebois n’a connu que la gentillesse, la montagne et Dario Moreno. À la mort de ses parents il découvre Lyon – et se prend le mur de la réalité.

Si le pitch du troisième long-métrage réalisé par Clovis Cornillac est plutôt simple, son concept l’est beaucoup moins. Son personnage – incarné par le comédien-réalisateur –, Pierre Feuillebois, est en effet une véritable personnification de l’idée directrice du projet : la bienveillance. Élevé dans la montagne et préservé du monde, il est pourtant forcé de descendre dans l’enfer du réel après la mort de ses parents et la destruction de son sanctuaire familial. Il va devoir survivre à Lyon, au milieu du bruit et de la fureur.

Sur un malentendu, C’est Magnifique ! pourrait résonner comme un énième message crétin sur la pureté de la France des campagnes traditionnelles, celle qui caresse ses fleurs et fait son miel, face à la société puante et cynique du citadin moderne. Heureusement, le film ne s’arrête pas là – mais on a quand même frôlé la catastrophe démagogique !

Gentil, mais pas con

Pierre Feuillebois est ainsi davantage un concept qu’un personnage. Cette nuance habile parvient à emmener le récit vers des contrées plus poétiques et évite au film de devenir un conte moraliste pour les nuls. Et si l’on accepte le principe de ce héros symbolique, alors cette histoire mignonnette devient une fable plutôt agréable. L’idée de Clovis Cornillac est ici de faire le constat de la gentillesse face à l’environnement réaliste du monde. Le cinéaste ne fait d’ailleurs pas une apologie du « c’était mieux avant » : C’est Magnifique ! aurait en effet pu se passer à n’importe quelle époque – d’où son look un peu atemporel. On part ici du principe qu’un être pur peut transmettre sa bienveillance quels que soient les obstacles.

C’est sûrement un peu naïf, mais ça a le mérite d’être sincère. D’ailleurs, le film ne joue jamais avec des éléments cyniques, ce qui aurait été assez facile dans un tel contexte narratif. À ce titre, Clovis Cornillac reste fidèle à son idée et tient bon jusqu’à la fin. Ce personnage décalé est finalement cohérent et on l’accepte – à l’image d’Amélie Poulain ou de Forrest Gump. Car, pour faire passer la pilule qui pourrait paraître trop grosse et trop sucrée, le réalisateur a eu la bonne idée de placer son film dans une réalité décalée.

L’interzone populaire

On avait déjà pressenti un éloignement de la réalité dans le premier film de Clovis Cornillac, Un peu, beaucoup, aveuglément. Dans C’est Magnifique !, cette tendance est désormais assumée, car il apporte un élément fantastique à son personnage : Pierre Feuillebois, alors qu’il apprend que ses parents n’étaient pas vraiment les siens, commence à perdre ses couleurs… littéralement. Ce virage, qui fait entrer le film dans le fantastique, est l’élément scabreux du projet. Mais, là encore, l’intelligence d’avoir créé un personnage-concept rend l’idée acceptable. Pierre Feuillebois est une plateforme symbolique grâce à laquelle le réalisateur déploie son histoire et ses thèmes : ceux de la bienveillance, de la gentillesse et de la pureté. Il insère également son récit dans un Lyon parallèle, sorte de village coloré peuplé de personnages un peu fantasques qui font entrer C’est magnifique ! dans une véritable interzone, sorte de croisement entre la réalité et le fantasme.

Mais, loin de vouloir créer un univers excluant à la David Lynch ou à la Wes Anderson, Clovis Cornillac tente une traversée de l’onirisme sans jamais lâcher la main d’un public populaire, parfois peu enclin au mélange de la comédie et du bizarre. Et c’est là sa grande force. Bien entendu, le réalisateur étant loin d’être un spécialiste des univers fantastiques, le film manque parfois de clarté et d’homogénéité dans son approche surréaliste. On reste à la lisière de ce qui aurait pu être un film totalement fou, à l’image d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind (Michel Gondry, 2004) ou de Dans la peau de John Malkovich (Spike Jonze, 1999). Les risques de déstabilisations sont ici très mesurés, mais la maîtrise de cette retenue prouve le talent de bon faiseur de son réalisateur.

Pour apprécier C’est Magnifique !, il faudra donc accepter un personnage qui n’en est pas un, un univers hors du réel, le tout enveloppé dans une comédie aux ressorts purement convenus. La recette est risquée, mais pas au point d’en faire un film qui marque longtemps. Dommage que Clovis Cornillac n’ait pas souhaité sortir davantage du sentier ; mais on se doit de respecter la rigueur qu’il s’est donnée afin, justement, de ne pas trop s’en éloigner.

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