Décryptage

Portrait : Diam’s, entre ombre et lumière

19 mai 2022
Par Lisa Muratore
Portrait : Diam’s, entre ombre et lumière
©MANO

Diam’s sera de retour au Festival de Cannes pour présenter son documentaire Salam. À cette occasion, L’Éclaireur revient sur le parcours, pas toujours facile, de la rappeuse la plus emblématique de la scène musicale française.

Ma France à moi, La Boulette, Jeune demoiselle… Impossible d’être passé à côté des tubes de Diam’s dans les années 2000. Encore aujourd’hui, ses chansons font partie des meilleures playlists. Un plaisir – parfois coupable – que tout le monde reconnaît, et qui prouve surtout que la rappeuse a durablement marqué le paysage musical de l’Hexagone.

Car Diam’s, ce n’est pas que DJ (2003) ou Confessions nocturnes (2006). C’est aussi une voix rude et des textes engagés qu’elle balance grâce à une verve aussi cinglante qu’amusante. Si elle a fait ses armes en même temps que la chanteuse Nâdiya, et inspiré la génération aujourd’hui menée par Aya Nakamura, aucune artiste de hip-hop n’a réellement su s’imposer comme Diam’s. C’est pour cette raison que son retour sous le feu des projecteurs durant le Festival de Cannes, dix ans après sa retraite, est très attendu.

L’ex-rappeuse viendra en effet présenter, le 26 mai, en séance spéciale, le documentaire Salam, qu’elle coréalise avec Houda Benyamina et Anne Cissé. Dans ce projet, elle revient sur son parcours inédit, fait d’ombre et de lumière. L’occasion pour l’artiste de se livrer, et pour les spectateurs de (re)découvrir l’une des figures les plus emblématiques du rap français, en toute intimité.

Diam’s : l’ascension d’un diamant brut

Diam’s, de son vrai nom Mélanie Georgiades, débarque en France à l’âge de trois ans après le divorce de ses parents. Installée en banlieue parisienne avec sa mère après avoir quitté Nicosie (Chypre), elle tombe dans le rap durant la grande époque de NTM et de Dr Dre. Biberonnée aux tubes Je rap (1990), elle ponce plus tard l’album The Chronic (1992), qu’elle cite souvent comme ses références. L’adolescente est une vraie passionnée et, dès 1994, elle monte son premier groupe. Elle découvre alors la composition et choisit, en 1995, le pseudo que l’on connaît tous aujourd’hui.

Tout s’enchaîne rapidement pour l’étoile montante du rap français, pour qui le hip-hop devient un exutoire. Elle multiplie les scènes afin d’aiguiser son flow. Elle signe aussi des freestyles à la radio, tout en participant à plusieurs featuring et mixtapes avec des groupes et collectifs comme Mafia Trece ou ATK.

La couverture du single DJ de Diam’s.©EMI

En 1999, elle sort son premier album intitulé Premier mandat. Malgré son modeste succès, ce projet lui permet de rencontrer son futur producteur, Choukri, et de se faire un nom. Sa popularité explose, deux ans plus tard, lorsqu’elle pose le titre Suzy (2001) sur la compilation Original Bombattack. Le titre est diffusé à la radio et retient l’attention de Jamel Debbouze, qui décide alors de prendre la jeune Mélanie sous son aile. De Los Angeles aux émissions de radio françaises comme Skyrock, Diam’s fait plusieurs apparitions médiatiques grâce à l’humoriste.

Dans le même temps, elle prépare son prochain album, Brut de femme, qui lui permet, en 2003, d’accéder à une large notoriété, notamment grâce au tube DJ. Elle débute alors une tournée nationale, son deuxième album est certifié disque d’or et elle remporte en 2004 la Victoire de la musique pour le meilleur album rap de l’année.

Le premier album de Diam’s est intitulé Premier mandat.©BMG Music

Diam’s continue de briller en 2006 avec son troisième album Dans ma bulle qui comprend la célèbre chanson La Boulette. Les paroles et le clip deviennent cultes. C’est la consécration pour la chanteuse qui multiplie les récompenses et enchaîne les Zénith aux quatre coins de la France. Mais le trop-plein d’effervescence autour du disque pousse la chanteuse à faire une pause médiatique jusqu’à la sortie de son quatrième et dernier album, SOS (2009).

Une femme engagée

Avec ce projet, Diam’s prend un nouveau tournant artistique. Elle affiche fermement ses engagements humanitaires, notamment grâce au single Enfants du désert. C’est d’ailleurs à l’occasion de sa sortie qu’elle lance un appel pour le Big Up Project qu’elle préside et auquel elle reverse l’ensemble de ses royalties.

Diam’s a souvent utilisé sa notoriété pour parler des causes qui lui sont chères. Par exemple, elle s’est engagée médiatiquement en faveur des sans-logis de Cachan. Elle utilise aussi sa musique et le rap pour faire entendre ses positions politiques, contre le Front national notamment, qu’elle fustige dans plusieurs de ses textes, comme dans la chanson Marine consacrée à Marine Le Pen. Elle a également affiché son opposition à Nicolas Sarkozy qu’elle tacle dans La Boulette, ou dans la chanson Ma France à moi.

L’un de ses plus grands combats concerne aussi les violences faites aux femmes, contre lesquelles elle s’engage aux côtés d’Amnesty International. Durant une campagne associative en 2006, elle témoigne des violences physiques et psychologiques qu’elle a subies durant son adolescence, après les avoir évoquées dans sa chanson Ma souffrance (2003).

Diam’s : un faux diamant brut plein d’émotions et de sentiments

Diam’s, c’est aussi une facette sombre. En 1995, alors qu’elle n’a que 15 ans, la jeune fille commet une première tentative de suicide. Une expérience qu’elle n’a jamais vraiment cachée à son public, et sur laquelle elle revient avec pudeur en interview : « Je suis un faux diamant brut. Derrière, se cache une petite femme pleine d’émotions et de sentiments. »

Puis, en 2007, alors qu’elle est au sommet avec l’album Dans ma bulle, elle souffre d’une profonde dépression due à des problèmes personnels sur lesquels elle revient dans le morceau Si c’était le dernier (2009). Diagnostiquée bipolaire, elle alterne séjours en hôpital psychiatrique et carrière d’artiste. À sa sortie, elle décide d’arrêter son traitement médicamenteux et fait une nouvelle tentative de suicide en avalant des somnifères.

Ce n’est qu’en 2008, lorsqu’elle révèle s’être convertie à l’islam, que Diam’s confie avoir vaincu la dépression. Elle reviendra sur cette étape importante de sa vie dans son livre Autobiographie (2012), avant d’apparaître pour la première fois voilée devant les caméras de Sept à huit sur TF1. Elle annonce ensuite sa retraite musicale, une décision étonnante pour ses fans, mais une libération pour la chanteuse qui affirme avoir été broyée par le succès.

Depuis, la mère de Maryam et d’Abraham, nés de deux mariages différents en 2012 et en 2015, est partie s’installer en Arabie saoudite et se consacre à sa famille, à sa foi et à sa nouvelle carrière. Elle a créé une agence de voyages spécialisée dans les pèlerinages vers La Mecque, ainsi que des produits de papeterie. Preuve que Diam’s n’est jamais très loin de l’écriture.

Affiche du documentaire Salam réalisé par Diam’s, attendu au Festival de Cannes.©Brut X

En plus d’un second livre intitulé Mélanie, française et musulmane (2014), elle scénarise et réalise le documentaire Salam, présenté durant le Festival de Cannes cette année. L’occasion pour l’ex-rappeuse de se confier sur sa gloire, sa santé mentale, ou encore sa conversion à l’islam. Attendu en avant-première sur la Croisette, le film sera également à découvrir le 1er et le 2 juillet dans les salles de cinéma. Une nouvelle qui a enflammé la Toile ces derniers jours et qui prouve que, malgré son absence, l’icône nationale continue de briller.

À lire aussi

À lire aussi

Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste