Décryptage

La K-pop : un phénomène musical au-delà des frontières

12 mai 2022
Par Lisa Muratore
Le groupe BTS est actuellement l’un des groupes phares de K-pop.
Le groupe BTS est actuellement l’un des groupes phares de K-pop. ©Big Hit Entertainment

La K-pop, ou pop sud-coréenne, a fêté ses 30 ans en avril dernier. L’occasion de revenir sur cette révolution musicale, qui a su conquérir la scène internationale.

Blackpink, Red Velvet, Stray Kids… Contrairement à ce que leurs noms pourraient faire croire, ces groupes ne viennent pas des États-Unis, mais sont en réalité de purs produits de la Corée du Sud – et de la K-pop.

La recette de la K-pop – refrains pop, hip-hop et électro, et paroles entre coréen et anglais – s’est imposée sans difficulté sur la scène musicale internationale. Depuis déjà trois décennies, de nombreux boys bands et girls groups investissent ainsi les plus grands festivals, s’imposent dans la course aux récompenses et, surtout, drainent des communautés de fans toujours plus investies. Clips, chorégraphies, tournées et looks ultrasoignés, musique faite pour coller aux tympans : les codes de la pop sud-coréenne ont su s’imposer durablement dans l’industrie musicale.

Nan Arayo : aux origines

L’empreinte de l’Occident s’impose en Asie à la fin du XXe siècle : de nouveaux genres musicaux, dont le rock, y trouvent ainsi leur public. C’est dans ce contexte d’effervescence culturelle que les premiers boys bands asiatiques font leur apparition, dès les années 1970 – avant de connaître un véritable essor dans les années 1990.

Le 11 avril 1992 fait d’ailleurs date dans l’histoire de la K-pop. Ce jour-là, le groupe Seo Taiji and Boys participe à une émission de télévision et présente Nan Arayo, un titre aux sonorités urbaines mélangeant chant, rap, et danse. Le morceau rencontre immédiatement un succès fulgurant et se hisse en première place des charts du pays. Une révolution nationale et populaire qui s’étendra sur quatre albums, jusqu’à la séparation du groupe en 1996.

Le groupe Seo Taiji and Boys est considéré comme le premier groupe de K-pop.©Bando Records

La K-pop à travers les générations

C’est aussi à ce moment-là que l’on assiste à la fondation du célèbre label SM Entertainment, un pionnier du genre, considéré aujourd’hui comme l’un des « Big 3 » aux côtés de JYP Entertainment et de YG Entertainment. La fin du XXe siècle est aussi marquée par la popularité des idoles, dont les groupes H.O.T et S.E.S seront les ambassadeurs de la première génération.

Au début des années 2000, ils laisseront la place à la deuxième génération, avec des groupes comme Super Junior, BigBang Girl ou Kara. Ces derniers ont véritablement lancé la K-pop à l’international, bénéficiant d’Internet et de la musique digitale. Ils ont aussi modifié les contours du genre en démocratisant le terme de Korean Pop, et en appuyant l’hégémonie des Big 3.

Une « génération 2.5 » fera aussi son entrée sur la scène musicale à partir de 2010 ; elle sera rapidement remplacée par la troisième génération, portée par BlackPink, EXO ou BTS. Ces derniers verront leur popularité exploser grâce à YouTube, tandis que la quatrième génération utilisera davantage des réseaux sociaux comme Instagram et Twitter pour se faire connaître. L’usage de ces plateformes les propulsera au rang d’influenceurs, gage d’une célébrité toujours plus grandissante.

Le tournant des années 2010 : la mondialisation du genre

À partir des années 2010, le genre déborde des frontières de la Corée et impose sa signature : des clips colorés, des coiffures soignées, des mélodies et des danses entraînantes.

Elle profite pour cela du modèle marketing et culturel de Séoul. Le pays souhaite en effet améliorer son image afin de se désolidariser de sa voisine nordique. Pour cela, de grandes initiatives sont mises en place, et la K-pop est utilisée par le gouvernement comme un vecteur de sa diplomatie. Cette méthode permet au genre de gagner l’Occident. La scène américaine réserve d’ailleurs un accueil positif au phénomène, qui ne tarde pas à envahir les classements Billboard et à signer dans les plus grands labels.

L’arrivée des BlackPink, en 2016, va achever de propulser la K-pop sur la scène internationale. Le girls group bat des records à chaque sortie de clip, et s’impose au sommet des classements musicaux. Mais BTS n’a rien à lui envier : de son côté, le groupe coréen a été nommé en 2017 par le magazine Times parmi les personnalités les plus influentes. En 2018, il a été sacré Disque d’or, grâce au remix de Mic Drop en collaboration avec Steve Aoki.

Les featurings avec des artistes internationaux – tels que Kanye West, les Jonas Brothers, Will.i.am ou Diplo – participent à la mondialisation du genre, tout comme les concerts et les tournées organisés en Amérique du Nord et en Europe. La K-pop intègre aussi les cérémonies de récompenses à l’étranger. En 2019, une catégorie spéciale dédiée à la meilleure chanson K-pop de l’année a été créée aux Video Music Awards. Une précieuse reconnaissance de la langue coréenne et du genre, dans l’un des temples de la musique.

Un phénomène éclaboussé par plusieurs controverses

Mais cette place dans l’industrie musicale mondiale coûte cher, et la K-pop fait aujourd’hui l’objet de nombreuses critiques, y compris de la part de ses fidèles fans. Ces derniers reprochent en effet au genre de se compromettre désormais dans les codes outre-Pacifique et d’avoir perdu son authenticité initiale. En cause, la multiplication des collaborations entre artistes américains et coréens. C’est ce qui explique que la K-pop est aujourd’hui difficile à définir. À l’heure actuelle, le terme est utilisé, surtout à l’étranger, pour désigner toute musique populaire coréenne : divers styles musicaux sont regroupés sous cette étiquette, dès lors que le succès est au rendez-vous.

Mais les controverses les plus marquantes sont très certainement celles liées aux recrutements, aux entraînements des artistes, et à la direction de leur carrière. Malgré son univers coloré, la K-pop possède un côté obscur. Le comportement des maisons de disques, la production massive d’idoles et les « contrats d’esclavage » ont ainsi souvent été pointés du doigt. Ces clauses léonines imposaient notamment un entraînement et un régime quasi-militaire aux idoles – sans garantie, évidemment, d’en ressortir célèbre. Un rythme effréné et dangereux qui a conduit plusieurs artistes au burn-out, voire au suicide (Jonghyun, chanteur du groupe SHINee, et les chanteuses Sulli et Goo Hara).

Un genre en perte de vitesse ?

Malgré ces scandales, la K-pop n’a jamais été aussi puissante. 2021 a ainsi représenté l’année la plus prometteuse pour la scène coréenne, tandis que 2022 devrait voir fleurir plus de 20 groupes. Parmi eux, on retrouvera Trendz, Baby Monster, NCT Hollywood, Blaze : une nouvelle génération d’idoles, ainsi que des super-groupes composés d’anciennes figures du genre.


À une époque où la culture asiatique est de plus en plus mise en avant à travers la gastronomie, le cinéma et les séries, la pop coréenne est une fabrique à succès pour Séoul, mais aussi pour l’industrie musicale. Depuis 2020, le genre n’a cessé de battre des records sur la scène internationale, et tend à être de plus en plus reconnu. Espérons simplement que les nouvelles générations d’idoles sauront conserver cette distinction, afin que K-pop rime longtemps avec popularité !

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste
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