Article

La grande histoire des easter eggs dans les jeux vidéo

17 avril 2022
Par Ugo Bocchi
Le premier œuf de Pâques est apparu en 1979 dans le jeu vidéo Adventure sur Atari.
Le premier œuf de Pâques est apparu en 1979 dans le jeu vidéo Adventure sur Atari. ©Scott Canoni, Creative Commons

Pour beaucoup, Pâques est une fête chrétienne ou synonyme de chocolat. Mais, pour les gameurs, il s’agit d’une tradition bien ancrée toute l’année.

Au crépuscule des années 1970, le jeu vidéo se résume presque uniquement aux salles de jeux, leurs flippers et leurs bornes d’arcade. Mais tout est sur le point de changer. Quelques entrepreneurs flairent la mine d’or et veulent démocratiser ce secteur, aujourd’hui indispensable pour bon nombre de ménages. À l’époque, Warren Robinett travaille chez Atari, entreprise américaine quasiment seule sur le marché. Ce développeur originaire de Springfield, aux sourcils aussi larges que son talent, est frustré par la politique de son employeur. Il a peur de se faire voler ses orfèvres, Atari refusant de les créditer au début ou à la fin du jeu qu’ils sont en train de développer : le bien nommé Adventure.

Warren Robinett imagine donc un moyen de le faire secrètement et de se rendre un hommage bien mérité. Il le cache dans une partie du jeu, connue de lui seul. Mais c’était sans compter sur un joueur lambda, certainement perdu ou très curieux. Armé de son joystick d’une autre époque et de son écran tout pixellisé, il finit par découvrir le message caché (« created by Warren Robinett ») en déplaçant son avatar à travers plusieurs écrans et mondes cachés. Il en parle à Atari, qui cherche à supprimer ce défaut. Et puis, finalement, non : trop coûteux. Ainsi est né le premier easter egg (œuf de Pâques) de l’histoire des jeux vidéo. Une légende pour de nombreux gameurs, notamment reprise dans le livre et film Ready Player One.

Du Konami code à Age of Empires, des œufs de Pâques pour tous

Finalement séduit par cet heureux accident et le non-cambriolage de ses développeurs, le directeur d’Atari va encourager les easter eggs dans ses jeux vidéo suivants. À l’origine, le terme d’œuf de Pâques viendrait du cinéma, et plus précisément du film The Rocky Horror Picture Show. Sur le plateau, et durant le tournage, les acteurs s’amusaient à cacher des œufs de Pâques pour célébrer l’arrivée de ce dimanche de fête. Si bien que certains d’entre eux n’ont jamais été trouvés et apparaissent à l’écran. Depuis lors, l’expression désigne toute référence, message, fonctionnalité ou surprise cachée dans une œuvre créative. Les artistes en raffolent. Les développeurs de jeux vidéo, tout particulièrement.

Parmi les easter eggs les plus connus : le code Konami (haut, haut, bas, bas, gauche, droite, gauche, droite, B, A), premier cheat code de l’histoire qui revient dans de nombreux jeux du développeur japonais. À la base, il servait d’aide aux testeurs pour pouvoir obtenir des avancées dans le jeu sans devoir y passer des heures et suivre la chronologie, parfois chronophage. Mais avec le temps, cette combinaison est devenue une légende et le code s’est retrouvé dans de nombreux jeux de Konami : League of Legends, Dofus ou encore Rocket League. Mieux, ce code fait aujourd’hui partie de la culture populaire et la référence est utilisée par toute sorte de milieux, que ce soit politique, culturel ou humoristique.

Les easter eggs sont partout, il suffit de les chercher

Il y a aussi les œufs de Pâques d’Age of Empires, célèbre série de jeux de stratégie, friande de ces petites surprises. Il est par exemple possible de lever une armée de pingouins, de catapulter des vaches, de dresser un chien volant ou encore de fabriquer un père Noël. Pour les développeurs, c’est une manière comme une autre de fidéliser, créer une communauté autour de leur jeu vidéo et surtout de remercier le public de passer autant de temps sur leur création.

Car de leur côté, les fans fouillent de fond en comble, passent du temps, s’entraident et forcément communiquent autour de leur quête de l’œuf de Pâques. Une relation donnant-donnant, en somme. Preuve en est : la liste des jeux recelant des easter eggs est longue comme plusieurs bras. Grand Theft Auto (avec notamment une fin à la Thelma et Louise), Assassin’s Creed, Call of Duty, Half Life, Metal Gear Solid, Hitman, Silent Hill, Doom, Fallout, Batman, Diablo, Minecraft, Halo, Zelda, Uncharted, The WitcherLe site internet The Easter Egg Archive s’est donné la mission (certainement sans fin) de recenser tous les œufs de Pâques dans les jeux vidéo.

Bugs et polémiques : les œufs de Pâques y ont aussi droit

Parmi les œufs de Pâques, on compte aussi des bugs mythiques. Comme sur Tiger Woods PGA Tour, jeu de golf datant de 2008, où l’avatar du célèbre sportif américain peut marcher sur l’eau. Mais plutôt que de se lamenter sur ce défaut de fabrication, EA Games, en connaisseur, l‘a utilisé comme moyen de communication. Le développeur américain a demandé au golfeur de tourner une vidéo dans laquelle il taperait la balle sur l’eau. Une vidéo accompagnée d’un message aussi clair que simple : « Ce n’est pas un bug. Il est juste très fort. » Résultat : plus de 9 millions de vues. Efficace.

Il y a également eu des ratés de Pâques, comme en 2009, quand un court métrage interdit au moins de 18 ans s’est caché dans le mythique GTA : San Andreas. Grosse polémique aux États-Unis, forcément. Mais, dans la majorité des cas, la chasse aux œufs de Pâques dans les jeux vidéo reste bon enfant. Et, comme pour ceux en chocolat, elle ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin.

À lire aussi

À lire aussi

Article rédigé par
Ugo Bocchi
Ugo Bocchi
Journaliste