Avec plus d’un million d’exemplaires vendus en France, le manga d’espionnage est une réussite en tout point. Le tome 8 sortira début mai en France, et l’anime vient tout juste d’entrer en scène. Retour sur les raisons de ce succès.
Il y a peut-être eu un effet Covid. Depuis le début de la crise sanitaire, les librairies et plus généralement le monde du livre, des mangas et de bandes dessinées ont bien résisté. Parmi les secteurs culturels particulièrement touchés par les mesures de confinement, celui du livre est en effet le seul à avoir limité la casse. Pour l’année 2020, par exemple, le Syndicat national de l’édition (SNE) parle d’une baisse de 2 % de son chiffre d’affaires comparé à l’exercice précédent. À titre de comparaison, le cinéma a perdu durant cette période 69 % de ses entrées. Et parmi les grands gagnants de cette période compliquée, on compte de nombreux mangas, dont L’Attaque des Titans, Demon Slayer ou encore Spy × Family, prescripteurs d’évasion, de détente et de légèreté.
Spy × Family, une histoire de famille drôle, touchante et crédible
Mais attribuer uniquement le succès de la série aux différents confinements serait injuste. Spy × Family, c’est avant tout un manga d’une finesse remarquable. Contrairement à de nombreux shōnens, les personnages évitent les clichés. Tout comme le scénario, pourtant visité et revisité par Hollywood et autres romans d’espionnage. L’histoire est simple : même si Ostania et Westalis semblent en paix, les tensions persistent entre ces deux pays frontaliers, l’un à l’Est et l’autre à l’Ouest. Pour une nouvelle mission, se rapprocher d’un politicien d’Ostania et lui soutirer des informations, Twilight, célibataire, espion phare de Westalis, maître dans l’art de la dissimulation et du déguisement, a besoin d’une famille.
Il va donc adopter Anya, orpheline télépathe et en manque d’amour. Elle va lui permettre de s’approcher du fils de sa cible. Pour sa femme, Twilight va nouer un pacte (initialement pour la couverture et un peu plus avec le temps) avec Yor Briar, Princesse Ibara de son vrai nom, tueuse à gages de métier. Parce que leurs intérêts convergent, tous les trois vont apprendre à se connaître, à vivre ensemble malgré leurs différents secrets et parts d’ombre. Touchants, profonds et crédibles, ils sont la principale raison du succès de Spy × Family. Leur relation fonctionne à merveille et le dessin, à première vue noir et minimaliste, offre une large palette de nuances au niveau des émotions de ces trois héros.
Manga, light novel et anime, universels et accessibles
L’autre force de la saga est le fait de ne pas parler qu’à des fans de manga, tant au niveau de l’univers que de la narration. Le manga (trame officielle) et le light novel (spin-off), sont aussi accessibles l’un que l’autre pour des lecteurs peu habitués aux shōnens. Dans un monde rappelant de nombreux films d’espionnage, ambiance guerre froide, le manga de Tatsuya Endō prend le parti de se moquer, de s’éloigner parfois, bref, de s’amuser avec les codes du genre, humour noir au rendez-vous, sans pour autant tomber dans la caricature.
Twilight, censément extralucide et flegmatique, se retrouve souvent compromis par les comportements puérils d’Anya et la discrétion beaucoup trop prononcée et donc suspecte de son épouse. De son côté, Yor est partagée entre son travail routinier de fonctionnaire à la mairie et ses heures supplémentaires d’assassine. Autant de contrastes et de situations qui font frôler le fou rire.
Un manga qui mêle action, comédie et drame
L’humour est donc au rendez-vous. Et l’intensité dramatique n’est pas en reste. Spy × Family multiplie les rebondissements et les moments de tension. Que ce soit au niveau international et politique ou bien à plus petite échelle, au sein de l’école d’Anya. Dans le deuxième tome, une scène de bagarre entre Anya et un camarade illustre parfaitement le côté familial, comique et à la fois poignant de la série. La colère monte crescendo jusqu’à se terminer par un coup de poing si réaliste qu’on a l’impression de se le prendre en pleine tête.
Depuis sa sortie en 2019, le manga a reçu de nombreux prix et c’est amplement compréhensible et mérité. Au Japon, il a notamment dépassé les 12 millions d’exemplaires vendus, avant même la sortie de l’anime. Ce qui est suffisamment rare pour être souligné. Diffusé depuis le 9 avril sur Crunchyroll, le premier épisode devrait encore booster les ventes du manga. Bref, Spy × Family n’a pas fini de battre des records.