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Sport, nutrition… L’analyse ADN permet-elle de créer des programmes ultrapersonnalisés ?

29 mars 2022
Par Florian Gallant
Sport, nutrition… L’analyse ADN permet-elle de créer des programmes ultrapersonnalisés ?
©doodlia/Shutterstock

Et si vos gènes permettaient de déterminer en amont si vous êtes susceptibles de développer certaines maladies ? Ce n’est pas de la science-fiction, mais bel et bien la grande révolution médicale de ces dernières années. De plus en plus de start-ups veulent analyser l’ADN pour proposer des programmes et traitements toujours plus personnalisés. C’est ce que l’on appelle la médecine de précision.

« Bien manger, c’est bien, mais ce n’est pas suffisant ! On a chacun un régime alimentaire adapté ! » Cet éclat de voix, c’est celui d’Éric Lameignere. Après une quinzaine d’années en R&D dans l’industrie pharmaceutique, le doctorant a choisi de s’associer pour cofonder son entreprise de MedTech : FabLife« Nous avons un objectif : donner des conseils nutritionnels personnalisés afin de pouvoir faire de la médecine préventive », explique le responsable scientifique.

Pour cela, la quinzaine de diététiciens qui travaillent avec lui se basent sur une technologie : l’analyse génomique. « Le principe est simple : sur prescription médicale, on réalise une analyse ADN que l’on séquence ensuite avant de le comparer aux bases de données déjà bien fournies. Cela nous permet de voir les différentes mutations génétiques qui font que notre corps va métaboliser les aliments différemment. »

Vous n’avez rien compris ? On récapitule : ce sont nos gènes qui déterminent comment notre corps récupère dans tous les aliments nos protéines, vitamines, et autres nutriments qui nous gardent en vie. Certaines mutations de notre ADN facilitent ou non ce travail quotidien. En les déterminant, certaines start-ups proposent désormais des compléments alimentaires ou des suivis nutritionnels pour éviter toutes carences. C’est notamment le cas de FabLife, donc.

« Outre perdre du poids, cette analyse génomique peut également permettre de mieux manger pour booster sa fertilité, et prévoir certaines pathologies dont la nutrition est centrale comme le diabète ou certaines maladies cardio-vasculaires », reprend le responsable scientifique.

L’avènement de la médecine de précision

Nombre de médecins et professionnels de santé sont en effet unanimes : à l’avenir, la médecine sera préventive, mais aussi « de précision ». Et ce en grande partie grâce à l’analyse de notre ADN. « Un seul séquençage permettra à tous les professionnels de santé gravitant autour d’un patient de déterminer quelles sont les pathologies que ce dernier est le plus susceptible de développer dans un avenir plus ou moins proche. Agir directement pourrait permettre de retarder de plus de dix ans l’arrivée des premiers symptômes », assure ainsi Jean-Marc Holder, directeur des opérations de la start-up Montpelliéraine SeqOne Genomics. Depuis son incubation en 2015 et sa création en 2017, l’entreprise a déjà fait deux levées de fonds – 3 millions d’euros en mars 2019, puis 20 millions en janvier 2022 – pour développer et mettre à disposition des médecins une plateforme d’analyse de données ADN. Près de la moitié des CHU en France s’en sont déjà équipés, tout comme nombre de cliniques privées. Les États-Unis et autres pays industrialisés sont les prochains marchés à conquérir.

« Dans l’histoire de la médecine, avant, on combattait surtout les maladies contagieuses. Désormais, tout du moins dans notre système de santé, la mortalité est due majoritairement à des maladies génétiques. D’où l’intérêt de déterminer au plus tôt les risques et de proposer aux patients le bon traitement au bon moment via l’analyse des données génomiques, reprend le directeur. C’est ce que l’on appelle la médecine de précision. »

Des projets plus ou moins sérieux

Ces dernières années, nombre de start-ups se sont ainsi lancées dans le business de l’analyse ADN et de l’élaboration de produits toujours plus personnalisés. Il faut dire que le prix du séquençage est en chute libre. Il y a 20 ans, le premier séquençage ADN avait ainsi coûté plusieurs milliards d’euros. Aujourd’hui, les machines les plus performantes permettent de réaliser la même opération en quelques heures et quelques centaines de dollars. Toujours interdits en France aux particuliers lorsqu’ils sont récréatifs, ces tests se sont grandement banalisés outre-Atlantique et outre-Manche, entraînant dans leurs sillages des entrepreneurs aux projets plus ou moins sérieux.

L’entreprise britannique NGX – pour Nutri-Genetix – propose ainsi des smoothies sur mesure, adaptés à vos besoins en vitamines, gras, minéraux et autres protéines, une fois un test ADN salivaire réalisé. DNAFit propose quant à elle de vous concocter un programme fitness personnalisé en déterminant – toujours via l’analyse ADN – si vous êtes plus sensible au gras, au sucre, à l’alcool, et si vous avez des prédispositions pour certaines maladies ou risques musculaires. Pourquoi pas, après tout.

Certains projets laissent néanmoins circonspects les experts et professionnels que nous avons rencontrés. C’est le cas de ce projet de la Meantime Brewing Company, une brasserie londonienne, qui propose à ses clients une bière personnalisée et adaptée à leur goût, une fois une analyse génomique réalisée. Cependant, Eric Lameignere et Jean-Marc Holder expliquent, unanimes, que l’ADN n’explique pas tout. En effet, le goût est aussi une construction sociale qui varie en fonction du cadre familial, du lieu de naissance, etc.

Bienvenue à Gattaca ?

Acteurs à part entière de cette nouvelle technologie amenée à révolutionner la médecine, tous se mettent à rêver d’un monde où le séquençage serait aussi usuel qu’une prise de sang. Mais faut-il séquencer le monde entier ? « Si l’on veut accentuer la médecine préventive, plutôt que la guérison, alors oui, nous devons aller en ce sens. Mais cela ne se ferait pas sans d’importants débats de société », résume Éric Lameignere, conscient de la levée de boucliers que cette idée pourrait soulever et de l’impact qu’ont eu certaines œuvres comme Bienvenue à Gattaca.

« Aujourd’hui, on connaît à peine 1% du génome, estime Jean-Marc Holder. Et le développement de nouvelles technologies telles que l’intelligence artificielle pourra nous permettre d’analyser toujours plus de données sur toujours plus de patients. Il y a encore beaucoup à découvrir. »

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Article rédigé par
Florian Gallant
Florian Gallant
Journaliste