À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, L’Éclaireur propose sa sélection des meilleurs textes féministes parus ces derniers mois.
1 Sur les mères : La puissance des mères, de Fatima Ouassak
Le constat de Fatima Ouassak est sans appel : l’État français mène une guerre larvée contre une partie de sa population. Les jeunes des quartiers populaires descendants de l’immigration post-coloniale subissent une opération, quotidiennement répétée, de « désenfantisation ». Loin d’être traités comme les enfants qu’ils sont, ils sont plutôt représentés et traités comme des menaces pour la survie du système. L’autrice, à partir de sa propre expérience et de son engagement associatif, envisage le rôle essentiel que jouent les mères dans ce contexte. Puissant.
2 Sur les finances dans les couples hétérosexuels : Le prix à payer, de Lucile Quillet
La journaliste Lucile Quillet a fait les comptes – les comptes de ce que le système et le couple hétérosexuels coûtent aux femmes. Entre les coûts liés à la « beauté », à la contraception et à la santé, les carrières mises à mal par la nécessité de donner son temps à sa famille, les divorces et les enfants dont les femmes se chargent majoritairement, le constat est sans appel : le couple hétérosexuel coûte très cher aux femmes. Le prix à payer est un texte aussi fluide que renseigné qui démontre que les sacrifices consentis par les femmes pour être en couple avec des hommes ne sont pas seulement existentiels mais aussi financiers.
3 Sur le couple hétérosexuel : Réinventer l’amour, de Mona Chollet
L’autrice du best seller Sorcières. La puissance invaincue des femmes (Zones, 2019) revient avec une réflexion sur le poids du système patriarcal dans les relations hétérosexuelles. Nombre de femmes et d’hommes qui cherchent l’épanouissement amoureux ensemble se retrouvent fort démunis face au troisième protagoniste qui s’invite dans leur salon ou dans leur lit : le patriarcat. Réinventer l’amour propose ainsi de nombreux éclairages historiques et sociologiques sur une question qui hante les féminismes depuis des décennies et qui revient aujourd’hui au premier plan de leurs préoccupations – celle de l’amour et du couple hétérosexuel.
4 Sur le corps des femmes : Un corps à soi, de Camille Froidevaux-Metterie
Longtemps ignoré ou mis de côté par les réflexions féministes, Camille Froidevaux-Metterie place le corps des femmes au cœur de sa démarche. Comment se constitue-t-il, entre injonctions – souvent contradictoires – et menaces ? Comment se le réappropier, pour le vivre librement ? Entre l’existentialisme de Simone de Beauvoir et la phénoménologie d’Iris Marion Young, l’autrice étudie, dans un texte aussi intime que théorique, les corps féminins par le biais des étapes qu’ils traversent au cours d’une vie. Passionnant !
5 Sur le post-partum : Ceci est notre post-partum, d’Illana Weizman
La naissance d’un enfant est présenté aux femmes comme un évènement magique, un bonheur immaculé. Pourtant, la réalité de la maternité comporte des nuances bien plus sombres – systématiquement passées sous silence. Pourquoi cacher la douleur, les difficultés, les souffrances physiques et psychiques que traversent les femmes dans les mois – voire les années – qui suivent l’arrivée d’un enfant ? Illana Weizman dénonce ainsi l’invisibilisation d’une expérience pourtant commune à des millions de femmes à travers le monde, et en décrypte les origines socio-culturelles. Elle encourage les femmes à s’informer, à partager leurs expériences, et avance des propositions politiques pour une meilleure prise en charge du post-partum – cette période qui débute après l’accouchement mais dont la durée reste indéterminée selon les définitions et le vécu de chacune. S’appuyant sur les nombreux témoignages du hashtag #MonPostPartum et sur ses qualités d’analyse sociologique, elle normalise ainsi les réalités du post-partum.
6 Sur les parcours sociaux : Se ressaisir, de Rose-Marie Lagrave
Renouant avec l’ambition d’une sociologie sensible et réflexive, Rose-Marie Lagrave propose dans Se ressaisir un nouveau type de socio-analyse : l’enquête autobiographique. Forte de son parcours de sociologue et de féministe, elle remet en cause les récits dominants sur la méritocratie, les stéréotypes associés aux transfuges de classe ou le mythe de l’« ascenseur social » . Surtout elle fait apparaître la façon dont les dominations de classe et de genre s’entremêlent. Entre souvenirs et archives, Rose-Marie Lagrave retrace les rencontres qui ont participé à façonner son parcours et à la construire. Contre les injonctions contraires à « réussir » et à « rester soi », Se ressaisir invite à imaginer de nouvelles formes d’émancipation par la socio-analyse, à acquérir un pouvoir d’agir, commun aux transfuges de classe et aux féministes, permettant de critiquer les hiérarchies sociales et même de les transgresser.
7 Sur la colère : Moi les hommes, je les déteste, de Pauline Harmange
Moi les hommes, je les déteste aurait pu rester un texte confidentiel – et ça aurait été bien dommage. D’abord repéré par le micro éditeur Monstrograph, le livre a bénéficié d’un merveilleux coup de communication : le jour de sa sortie, Ralph Zurmély, à l’époque chargé de mission au Ministère de l’Égalité femmes-hommes, affirme publiquement que le texte est un « appel à la haine » et menace l’éditeur de poursuites judiciaires. Pour faire face au buzz et à la demande qu’il a créé, Monstrograph a cédé le texte aux éditions du Seuil. Depuis, plus de 20 000 exemplaires ont été vendus. En moins d’une centaine de pages, Pauline Harmange livre une réflexion aussi juste que courageuse sur la médiocrité qu’elle constate chez les hommes, sur la méfiance qu’elle éprouve envers eux. La notion de misandrie lui permet d’aborder une multitudes de thèmes fondamentaux de la pensée féministe contemporaine, et d’ouvrir la possibilité concrète d’une sororité efficace. Un texte à mettre en toutes les mains.
8 Sur l’histoire : Ne nous libérez pas, on s’en charge, de Bibia Pavard, Florence Rochefort et Michelle Zancarini-Fournel
Dans ce texte passionnant qui retrace la naissance et l’évolution des féminismes en France, Bibia Pavard, Florence Rochefort et Michelle Zancarini-Fournel restituent les prises de parole, actes et gestes politiques qui ont constitué l’histoire des féminismes. Des tricoteuses de la Révolution française à la manière dont Adèle Haenel a quitté la cérémonie des Césars en 2020, les trois chercheuses reconstituent les contextes d’émergence des différentes revendications féministes. Indispensable.
9 Sur l’art : L’art du féminisme, de Lucinda Gosling et Hilary Robinson
Très tôt, les mouvements de lutte pour les droits des femmes se sont approprié le pouvoir de l’image, et l’ont utilisé pour servir leurs messages. Des affiches des suffragettes aux photographies de Carrie Mae Weems en passant par les Nanas de Niki de Saint Phalle ou encore les clips de Beyoncé, L’art du féminisme donne à voir la façon dont les combats des femmes ont influencé les arts graphiques, les médias et la culture populaire. En rassemblant plus de 350 oeuvres variées – tableaux, illustrations, photographies – ce livre invite à envisager la lutte féministe par le prisme des images.
10 Sur le cinéma : Le regard féminin, d’Iris Brey
Depuis toujours, les femmes sont filmées comme des objets de désir et de plaisir ; et se trouvent ainsi privées de pouvoir et d’agentivité au profit du regard masculin. Pour faire face à ce male gaze majoritaire, l’autrice et journaliste Iris Brey s’emploie à montrer comment s’est élaboré au cinéma un regard féminin.
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