Entretien

Di(x)vin(s) de François-Xavier Demaison : in vino veritas

24 février 2022
Par Félix Tardieu
François-Xavier Demaison dans son nouveau spectacle, "Di(x)vin(s)"
François-Xavier Demaison dans son nouveau spectacle, "Di(x)vin(s)" ©Bazil Hamard

Dans son tout dernier one man show au Théâtre de l’Oeuvre, qu’il dirige depuis six ans, François-Xavier Demaison déploie, à travers la mémoire des vins qu’il a goûtés, une série de souvenirs et de personnages qui ont marqué sa vie. Le comédien saute allègrement d’un personnage à l’autre dans ce spectacle à la fois sincère et burlesque.

François-Xavier Demaison n’est pas du genre à faire de pause. Même confiné, le comédien a écrit sans relâche son nouveau spectacle, Di(x)vin(s), tout en veillant sur son domaine viticole. Cet amour pour le vin constitue alors l’occasion rêvée pour Demaison de mettre sur pied ce nouveau one man show – sans doute le plus autobiographique – détonnant et débordant d’énergie. Ici, nul cours magistral d’oenologie, mais plutôt un spectacle où les souvenirs impérissables de bonnes bouteilles constituent le fil (très) rouge d’un effort d’introspection et d’auto-dérision.

À vrai dire, François-Xavier Demaison a fait du chemin depuis ses débuts sur scène puis au cinéma au milieu des années 2000, revenu à sa passion première après avoir laissé tomber une carrière de financier à New York au lendemain des attentats du 11 septembre. Depuis, l’acteur et comédien, nommé au César du meilleur acteur pour Coluche : L’Histoire d’un mec (2008) d’Antoine de Caunes, enchaîne les longs-métrages à un rythme effréné, à l’aise dans tous les registres. Malgré son emploi du temps très chargé – en 2022, il sera à l’affiche de pas moins de trois films, dont Le temps des secrets de Christophe Barratier, et tourne en ce moment un nouveau film avec Isabelle Huppert (La Syndicaliste de Jean-Paul Salomé) – François-Xavier Demaison a accepté de se confier à L’Éclaireur sur la genèse de Di(x)vin(s).

François-Xavier Demaison dans Di(x)vin(s) au Théâtre de l’Oeuvre ©Bazil Hamard

Ce spectacle, c’est votre manière à vous de clamer haut et fort que « avez de la bouteille » ? 

Sans doute (rires) ! Quelques-uns de vos confrères et de mes amis me disent que c’est mon spectacle le plus abouti : effectivement, ça fait vingt ans que je monte sur scène et j’avais vraiment envie d’être sincère et proche de l’os. Je remonte donc dans mes souvenirs, mais la bouteille de vin n’est qu’un prétexte. Ça me permet de voyager dans le temps et l’espace, d’aller aux États-Unis en un claquement de doigts, en Italie, dans la Creuse de mon enfance… Je trouve que les bouteilles de vin nous racontent beaucoup. C’est une équation à plusieurs entrées : il y a les gens qui les ont faites, une première piste de personnages, les gens avec qui je les ai bues, une autre piste, puis la symbolique de l’événement. Tout cela participe à un spectacle surprenant qui part un peu dans tous les sens. 

Vous dirigez le théâtre de l’Oeuvre depuis six ans. Comment vivez-vous cette expérience?

C’est un rêve de gosse qui se réalise. On a fait venir beaucoup de monde, Jerry Seinfeld, Gad Elmaleh, Manu Payet, Camille Cottin, Camille Chamoux, mais aussi le dernier spectacle de Robert Hirsch… Je dirige le théâtre de l’Oeuvre depuis six ans mais c’est la première fois que je monte sur cette scène. À un moment donné, je me glisse dans la peau d’un directeur de théâtre qui regarde le gamin que j’étais et qui était venu voir une pièce dans cette même salle. J’ai l’impression d’avoir bouclé certaines choses pour la première fois de ma vie et me dire que j’ai réalisé pas mal de mes rêves d’enfance est assez agréable.

On vous a vu sur scène et on vous sent très proche du public. C’est quelque chose qui vous manquait tout particulièrement ? 

Oui, on s’aperçoit que ma came, ce n’est pas le pinard, c’est le public (rires) ! C’est un faux prétexte, mais il faut avoir la curiosité de venir au théâtre pour comprendre que ce n’est pas du tout une conférence sur le vin, loin de là. Au contraire, c’est la nostalgie et le manque que j’ai eus de ce public, qui est au rendez-vous malgré le Covid, les grèves, les convois…

D’où vous est venue cette passion pour le vin ?

La transmission surtout. Mon père est un bon vivant ! Ce sont aussi les tournées, qui m’ont permis de rencontrer beaucoup de monde. Je trouve ça très convivial et chaleureux. 

D’ailleurs vous êtes vous-mêmes devenu vigneron...

Effectivement j’ai un petit domaine dans le Roussillon qui marche bien. Les rencontres avec les vignerons me passionnent. Dominique Laporte (meilleur sommelier de France en 2004, ndlr) est une sommité dans le monde du vin et je prends du plaisir avec ce projet qui dure depuis quatre ans et m’apporte beaucoup de satisfaction. 

François-Xavier Demaison dans Di(x)vin(s) au Théâtre de l’Oeuvre ©Bazil Hamard

Comment avez-vous approché l’écriture de ce one man show par rapport à vos précédents spectacles ?

Toujours avec la même équipe, c’est-à-dire Mickaël Quiroga, co-auteur de tous mes spectacles, et Éric Théobald, qui met en scène Plaidoiries et plein d’autres spectacles. Je leur ai dit que je voulais garder ce fil rouge  : on croit que je vais parler de ma passion du vin, mais c’est la passion pour le public et la naissance de ma passion pour le théâtre qui priment. On a eu beaucoup de discussions, mais on a eu du temps devant nous avec le confinement, étant donné que les spectacles ont quasiment tous été reportés d’un an.

Comment avez-vous choisi les dix crus qui rythment le spectacle ? J’imagine que vous en avez d’autres en réserve.

Effectivement, il y en a d’autres qui pourraient faire un deuxième spectacle – en réalité, j’en ai écrit deux. Je ne sais pas s’il y en aura un deuxième, en tout cas j’avais suffisamment de matière pour écrire deux spectacles entiers. J’ai gardé le meilleur et ce qui était le plus efficace. 

Quels auteurs de théâtre vous ont marqué ?

Il y a évidemment Edmond Rostand avec Cyrano de Bergerac (1897), que je revisite humblement dans mon spectacle. J’aime bien les pièces américaines, Jean Anouilh, Marivaux, j’aime bien mes classiques ! Mais j’adore aussi les pièces d’auteurs contemporains, à qui l’on fait d’ailleurs la part belle au théâtre de l’Oeuvre – Florian Zeller (le réalisateur de The Father, ndlr) était venu y créer sa dernière pièce, Avant de s’envoler, avec Robert Hirsch, qui est malheureusement décédé.

Y a-t-il un vin que vous avez toujours rêvé de goûter ?

J’en ai goûté beaucoup ! Il n’y a pas vraiment de bonne réponse. C’est comme lorsqu’on me demande quel rôle j’aimerais jouer… En réalité, j’adorerais jouer dans les films Dune par exemple ! On dit toujours : j’aimerais jouer Napoléon ou Flaubert, que sais-je… Non, moi je veux jouer un soldat dans Dune ! C’est le premier film que j’ai vu au cinéma au moment de la réouverture des salles. Je suis resté jusqu’à la fin du générique ! J’étais si content de retourner dans une salle de cinéma, c’était fou.

Vous vous voyez un jour passer à la réalisation ? 

Je fais déjà beaucoup de choses entre le théâtre, mon spectacle, le vin, le cinéma – j’ai déjà quatre films qui vont sortir en 2022. En plus de cela, j’organise avec ma femme un festival dans le sud de la France, Pellicu-live. L’année dernière, on a par exemple accueilli Woodkid et Grand Corps Malade. C’est un festival hybride mélangeant masterclass de cinéma, musique et gastronomie. 

Et si vous ne deviez choisir qu’une seule de ces facettes pour le restant de vos jours ?

Le théâtre. C’est ma vie, c’est ma passion, ma vocation. C’est ce que j’aime le plus. J’espère que les gens vont revenir en salles !

François-Xavier Demaison dans Di(x)vin(s) au Théâtre de l’Oeuvre ©Bazil Hamard

Di(x)vin(s), le nouveau spectacle de François-Xavier Demaison – Théâtre de l’Oeuvre (Paris 9e), du 11 février au 02 avril 2022 – du mercredi au samedi à 21h – à partir de 24€ – Billetterie par ici

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Article rédigé par
Félix Tardieu
Félix Tardieu
Journaliste