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Meta et Twitter s’intéressent aux NFT, qu’en pense la communauté crypto ?

22 février 2022
Par Marion Piasecki
Twitter propose aux membres premium de mettre un NFT en photo de profil.
Twitter propose aux membres premium de mettre un NFT en photo de profil. ©Twitter

Depuis quelques mois, de plus en plus de réseaux sociaux s’intéressent aux NFT et cherchent des manières de les intégrer. En première ligne : Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp) et Twitter. Est-ce pertinent ? Et quel est le sentiment des premiers intéressés ?

Pour Meta, cela prendrait la forme d’une place de marché pour acheter et vendre des NFT et des objets virtuels à utiliser dans son metaverse. Pour Twitter, il est possible depuis janvier de connecter son portefeuille crypto pour mettre un NFT en photo de profil, lui conférant une forme hexagonale qui permet à l’utilisateur de se distinguer des autres.

Twitter est apprécié de la communauté crypto, pas Meta

L’accueil de ces propositions par la communauté crypto est plutôt mitigé, surtout selon la plateforme dont on parle. L’annonce de Twitter a été très bien reçue : « C’est le réseau social n°1 de la communauté metaverse et NFT, parce qu’historiquement c’est le réseau des informaticiens, explique John Karp, présentateur du podcast NFT Morning et organisateur de la Non Fungible Conference. En plus, l’approche de Twitter consiste à embrasser ce mouvement en vérifiant les NFT des personnes et en reconnaissant l’intégrité des NFT quelle que soit leur source, donc en reconnaissant leur approche décentralisée. » Ce qui ne semble être à la base qu’une simple photo de profil est donc vu par la communauté crypto comme une approbation claire et publique qui respecte ses valeurs.

Cependant, les NFT divisent aujourd’hui sur les réseaux sociaux, au point que des anti-NFT vont boycotter des artistes et des marques ou encore créer un plug-in qui bloque automatiquement tout utilisateur Twitter qui a un NFT en guise de photo de profil. S’afficher comme pro-NFT pourrait donc être une décision risquée pour les réseaux sociaux, mais John Karp n’est pas inquiet : « Ça fait partie d’un nouveau mouvement, le Web 3, et ça finira par être un état de fait. C’est comme aux débuts d’Internet, les gens s’en moquaient et pensaient que ça ne servait à rien. Au final, Internet est partout et on ne se pose plus de questions. Il va se passer la même chose. » Ce n’est donc pas une question de risque immédiat pour les réseaux sociaux : ils y travaillent plusieurs années en avance par peur de manquer une opportunité et de prendre du retard sur leurs concurrents.

Meta s’est donc également lancé dans l’aventure NFT, sauf qu’il est mal perçu par la communauté crypto, pour laquelle le fait de rester anonyme et d’avoir le contrôle de ses données sont des éléments cruciaux. Selon John Karp, « cette volonté de se positionner dans l’univers des NFT et des crypto fait un peu peur, parce que le metaverse vendu par Facebook n’est pas le metaverse auquel aspirent les utopistes qui ont créé ce mouvement ». La communauté crypto est en effet attachée à une valeur particulière qui est antithétique de ce que veut faire Meta : la décentralisation.

Réseaux sociaux contre mouvement décentraliste, clash ou cohabitation ?

L’un des éléments-clés de la décentralisation est l’interopérabilité, c’est-à-dire la création de passerelles pour échanger facilement entre différents systèmes comme des blockchains ou des metaverses. « Aujourd’hui, les metaverses Sandbox et Decentraland sont deux éléments concurrents qui, en même temps, font tout pour qu’il y ait une interopérabilité entre leurs deux systèmes, affirme John Karp. C’est une approche très ouverte, qui colle avec celle des NFT. »

Si les valeurs de Meta ne sont pas compatibles avec celles de la communauté crypto, pourquoi se lance-t-il alors dans les NFT ? En effet, seulement 3,5 % des Français ont des NFT à cette heure. « La projection est à cinq ou dix ans et, d’ici là, avec le metaverse, ça ne sera plus du tout une niche. Ça sera de l’usage de masse. » Meta parie en effet sur le metaverse avec déjà 10 milliards de dollars investis dans ce type de plateforme. « La logique de Meta, c’est que l’interaction que nous avons aujourd’hui sur Facebook ou sur Instagram sera demain dans des environnements plus évolués, dans le metaverse. »

Face à des mastodontes comme Meta, la communauté crypto ne connaît pas encore son avenir : est-ce que la cohabitation sera possible ? « C’est très difficile d’anticiper comment ça va se dérouler, estime John Karp. On peut espérer que les nouvelles générations, qui comprennent mieux les enjeux du Web, soient sensibles aux arguments de la décentralisation. Il y a une forme de bataille qui s’annonce, en effet. Facebook pourrait aussi choisir de changer son business model, mais ça me paraît peu probable, ça remettrait en question tout ce qu’ils sont. »

Le mouvement décentraliste pourrait rester un courant minoritaire face aux Gafam, mais John Karp pense que leurs valeurs pourraient résonner avec celles des nouvelles générations en redéfinissant les relations entre les utilisateurs et les marques sur Internet : au lieu de voir leurs données collectées pour êtres revendues à des annonceurs, les utilisateurs auraient la possibilité de monétiser le temps qu’ils investissent sur une plateforme ou avec une marque. « Quand on parle de cette quête de sens et de nouvelles manières de travailler chez les nouvelles générations, ça s’inscrit dans ce mouvement-là. »

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Article rédigé par
Marion Piasecki
Marion Piasecki
Journaliste